L’économiste et philosophe Patrick Viveret réunissait mercredi 8 avril à Paris, le sociologue Alain Caillé, le financier et ancien résistant Claude Alphandery, l’écrivain Susan George et le philosophe et ancien résistant Edgar Morin.Edgar Morin, assis sur une chaise « confisquée » à la banque HSBC, le 8 avril 2015, et entouré (de g. à d.) par Patrick Viveret, Susan George, Alain Caillé, Claude Alphandery et Txetx Etcheverry.
Tous se sont déclaré « receleurs » potentiels d’une chaise « saisie » à la banque HSBC, début février, et ont lancé un appel à la lutte contre l’évasion fiscale.Depuis le 12 février, l’enquête préliminaire sur le « vol en réunion » de huit chaises à l’agence HSBC de Bayonne (64) rencontre des difficultés semble-t-il, insurmontables. Le 18 février, trois de ces sièges seulement ont été retrouvés, lors d’une perquisition au siège de l’association écologiste non-violente Bizi (« Vivre », en basque).
« RÉQUISITION CITOYENNE » DE CHAISES
Cette association avait réalisé, en pleine journée et à visages découverts, la « réquisition citoyenne » des meubles, afin de protester contre l’évasion fiscale organisée par la banque HSBC pour un montant de 180 milliards d’euros. Le délit financier avait été révélé quelques jours auparavant par le dossier « SwissLeaks ».Depuis, cinq chaises d’HSBC restent introuvables, malgré les efforts de la police : auditions – par trois fois – de militants de Bizi, demandes de prises d’empreintes génétiques sur les mêmes militants, interrogatoires pressants…« MOYENS INCROYABLES » POUR RETROUVER LES CHAISES
Le 31 mars, Txetx Etcheverry, cofondateur de l’association basque, était auditionné pour la troisième fois, notamment sur l’implication dans le recel des cinq sièges manquant de Thomas Coutrot, coprésident d’Attac, de Florent Compain, président des Amis de la Terre, de Vincent Drezet, secrétaire général du syndicat Solidaires Finances Publiques (premier syndicat de la direction générale des finances publiques) et de Patrick Viveret, président de mouvement SOL « pour une appropriation citoyenne de la monnaie ».Le militant basque non-violent déclarait alors : « Les moyens incroyables mis dans la recherche de ces cinq chaises soulignent d’autant plus cyniquement l’absence scandaleuse de mesures prises pour retrouver les mille milliards d’euros que coûte chaque année l’évasion fiscale aux recettes publiques européennes, selon l’ancien commissaire Michel Barnier. »« COMPLICITÉ » AVEC LES ÉCOLOGISTES BASQUES »
À partir de ce moment, la cause et l’action de l’association Bizi ont été partagées par un grand nombre d’associations, dont le CCFD Terre solidaire. Mais elles ont surtout attiré l’attention de quelques personnalités de renom, qui ont décidé de déclarer publiquement leur « complicité » avec les écologistes basques.Ce 8 avril, Patrick Viveret, philosophe, ancien conseiller référendaire à la Cour des Comptes et ancien conseiller de Michel Rocard, a organisé une réunion à Paris, au domicile d’Alain Caillé, sociologue, à l’origine duManifeste convivialiste (2013). Ont répondu à l’appel le financier et ancien résistant Claude Alphandery, l’essayiste franco-américaine Susan George et le philosophe et ancien résistant Edgar Morin. Tous se sont assis sur la chaise HSBC apportée par Patrick Viveret et se la sont échangée, sur le trottoir d’une avenue du 14e arrondissement, devant une agence de BNP Paribas.Répondant aux questions de La Croix, Edgar Morin, 93 ans, joyeux et en pleine forme, inscrivait sa présence et celle de son ami Claude Alphandery « dans une lignée de ce que fut la Résistance, mais aussi d’autres résistances beaucoup moins dangereuses, mais qui nous impliquaient quand même ».Il déclarait, avec vivacité :
« Aujourd’hui, contre quoi faut-il résister ? Il faut résister contre deux barbaries. Une barbarie que nous connaissons tous, qui se manifeste par le Daech, par les attentats, par les fanatismes les plus divers. Et l’autre barbarie, qui est froide, glacée, qui est la barbarie du calcul, du fric et de l’intérêt. Dans le fond, face à ces deux barbaries, tout le monde devrait, aujourd’hui, résister. »Qualifiant sa solidarité symbolique avec l’association Bizi de « geste de résistance », Edgar Morin précisait :
« Vous savez, quand on était contre l’occupant nazi, on était pour la liberté. Aujourd’hui, je suis contre l’évasion fiscale et les procédés de ces banques comme HSBC, mais je suis pour le bien de la France et le bien-être des Français. »
08/04/2015
- Signalé par
Pierre Haski
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