Brian de Palma, John Woo et JJ Abrams, respectivement réalisateurs des trois premiers épisodes de la franchise Mission: Impossible, s'étaient vus phagocyter leur vision par la puissante mainmise de Tom Cruise, producteur de la série, soucieux de verrouiller à son image le maximum de paramètres des trois longs-métrages. Comment Brad Bird, réalisateur du meilleur film des studios Pixar (le chef d'oeuvre Les Indestructibles), comme de son plus mauvais (l'indigeste Ratatouille), allait-il appréhender ce contrôle de la star pour son passage du cinéma d'animation au cinéma live ?
Loin de se placer en retrait ou de faire preuve d'humilité pour son premier film hors animation, Brad Bird parvient au contraire à livrer le meilleur épisode de la série depuis le premier, tout en dépeignant tout au long du métrage la seule alternative possible à la déliquescence et au délitement individualiste de nos sociétés: le groupe, l'entraide, en un mot, la collectivité. John Ford, grand défenseur du groupe face à l'individualisme, trouve en Brad Bird un digne successeur dans la peinture de cette thématique.
Immergeant le spectateur dans le film dès l'apparition des logos pré-génériques par un crescendo de violons (sublime musique de Michael Giacchino), le film conservera deux heures durant un rythme plus que soutenu, ne souffrant qu'un léger relâchement lors de la scène de réception dans un hôtel de Mumbai, tirant un poil en longueur. Hormis ce bémol, le pouls du long-métrage restera tendu de bout en bout, distillant un suspense et des scènes de tension intenses (la séquence du couloir au Kremlin, le Burj Khalifa, la scène d'action finale), Brad Bird ne laissant aucun répit au spectateur, témoignant ainsi d'une remarquable gestion du temps, du rythme et du crescendo émotionnel.
Par ailleurs, et pour la première fois depuis le début de la franchise, Tom Cruise ne s'inscrit plus comme le héros autour duquel gravitent des personnages secondaires faisant davantage figures de faire valoir que de protagonistes dignes de ce nom. Ainsi, dans un monde en perte totale de repères (l'équipe Mission: Impossible ne dispose quasiment plus d'aucune ressource), livrés à eux-mêmes, fonctionnant à l'instinct davantage qu'à la réflexion, les personnages trouveront leur salut dans une entraide permanente et une mise en commun de leurs forces, les choix du personnage de Ethan Hunt(en substance, le groupe plutôt que l'individualisme) s'inscrivant alors comme l'alternative au salut de sa mission (et, par extension, au salut de l'humanité). La scène finale en terrasse synthétisant dans le texte cette idée plus que respectable.
Mission: Impossible - Protocole Fantôme signe donc l'entrée plus que réussie de Brad Bird dans le monde du cinéma live, tout en ressuscitant la carrière de Tom Cruise et en proposant une réflexion inattendue pour un blockbuster d'action de cette trempe sur la décrépitude du monde et les moyens d'y survivre.