Déjà lors de sa découverte en salle en 1996, Les randonneurs m'avait davantage marqué par la gravité dans laquelle me semblait baigner le film que par ses apparats de comédie pure. A l'occasion d'une rediffusion télé, ce souvenir d'un malaise ambiant qui me paraissait plâner sur le long-métrage de Philippe Harel s'est vu confirmé. Fondamentalement, Les randonneurs est bel et bien un drame, ce dernier se voyant contrebalancé et pourtant mis en exergue par ses atours comiques, au demeurant réussis.
Une fois n'est pas coutume, le sens premier de l'oeuvre se trouve ici posé dès son postulat de départ, à savoir la caractérisation de ses personnages. Une fille ayant râté sa vocation (Karin Viard), une autre ne parvenant pas à trouver l'amour de sa vie (Géraldine Pailhas), un homme jouant au chat et à la souris avec sa petite amie (Philippe Harel) et un autre cachant sa sensibilité sous des dehors de dragueur (Vincent Elbaz), se retrouvent sur les sentiers du GR20 en Corse, guidés par le lâche Benoît Poelvoorde. Rien n'est dit, et pourtant, tout l'est. C'est le mal-être de chacun de ces personnages qui gouvernera à la conduite du récit (voir les nombreux flash backs du film pour s'en convaincre) et qui contrastera en permanence avec les situations comiques qui rythmeront le long-métrage.
Pas de comédie sans drame. La règle est bien connue. Philippe Harel, réalisateur de l'excellent La femme défendue, ne l'a pas oublié, et parvient avec Les randonneurs à créer une atmosphère presque oppressante dans laquelle évoluent des personnages aux fêlures et à la tristesse palpables, desquels ils essaient vainement d'échapper en partant au grand air s'amuser comme des cabris sur les chemins de l'île de beauté. Las, c'est avec dépit qu'ils comprendront que fêlures et tristesse les accompagnent toujours. Le rire est là, mais ne l'emporte jamais. A l'image de cette très belle image finale dans laquelle Vincent Elbaz regarde avec émotion une photo de ses amis: le bonheur existe, mais il est fugitif.
Dépressif Les randonneurs ? Il n'y a ici qu'un pas que Philippe Harrel ne franchira jamais, préférant (avec raison) laisser sourdre le drame et suinter l'idée que le rire constitue la seule et unique soupape qui nous permette de rester debout.