Ce qui fait la force et l'originalité de Birdman, c'est, tout d'abord, sa forme : impressionnants, les mouvements de caméra s'apparentent à des danses endiablées. Sans jamais s'arrêter, du moins seulement trop discrètement pour l'oeil distrait, les images défilent avec une fluidité hypnotisante. Iñárritu nous fait passer d'un personnage à l'autre, nous engouffre dans une porte qui s'ouvre, nous tire sur la scène du théâtre pour mieux offrir une palette de personnalités, miroir d'une industrie aussi fascinante qu'impitoyable.
Et, ce qu'il y a de plus beau dans le film, c'est cette mise en abyme du jeu d'acteur, totalement maîtrisée. Le personnage joué par Edward Norton s'amuse des techniques de l'Actors Studio, qu'il caricature avec une intense justesse. Il y a le personnage joué par Naomi Watts, actrice ratée touchante qui rêve de gloire. La fille de Thomson, incarnée par Emma Stone, étonnante et d'une agressivité lunaire, subit encore l'absence d'un père adulé par les autres, oxygéné par son propre succès. Tous sont contaminés par une fragilité égocentrique, un égo meurtri. Et bien sûr, le personnage joué par Keaton, énigme du film, dont s'écoule cette " vertu de l'ignorance " (sous-titre du film) comme regard qu'il pose sur son talent de comédien. Une nouvelle forme ironique s'ancre dans l'analogie faite entre Michael Keaton et son rôle. Légendaire Batman kitsch pour Tim Burton, Keaton reste plutôt discret sur les écrans depuis. Birdman, c'est aussi la renaissance d'un acteur effacé, à la maîtrise de jeu brutale et parfaite.