L'Afghanistan, pays très conservateur, s'est mobilisé pour dénoncer le lynchage la semaine dernière d'une jeune femme accusée à tort d'avoir brûlé un Coran, devenue par sa mort le symboles des violences envers les femmes.
Plus d'un millier de personnes sont ainsi descendues mardi dans les rues de Kaboul pour dénoncer le lynchage par une foule surexcitée de Farkhunda, 27 ans, et la passivité de la police.
"Tous des lâches", a lancé une femme sous couvert d'anonymat près des lieux où Farkhunda a été battue à mort. "Ils auraient pu la protéger s'ils avaient voulu. Je me sens comme s'ils avaient brûlé ma fille", a-t-elle ajouté en faisant référence au rôle controversé de la police, accusée dans cette affaire de ne pas avoir sauvé la jeune femme.
Farkhunda a été battue à mort par une foule furieuse à Kaboul après avoir été accusée d'avoir brûlé un exemplaire du Coran. Son corps incendié a été jeté dans le lit de la rivière Kaboul.
Mardi, des passants, le visage fermé, s'arrêtaient près d'un sapin planté où son corps fut brûlé, sur le bord de la rivière, au milieu des nombreux détritus qui encombrent son lit, un endroit habituellement fréquenté par des accros aux opiacées à rabais.
Un peu plus tôt dans la journée, plus d'un millier de manifestants ont défilé dans les rues de Kaboul affrontant une pluie battante pour protester contre le lynchage de Farkhunda.
Les manifestants, munis de parapluies pour certains, ont scandé des slogans tels que "assez d'ignorance", "les meurtriers de Farkhunda doivent être punis", "justice pour Farkhunda", "nous voulons la démission du chef de la police".
Par ailleurs, le porte-parole du chef de la police a été limogé mardi pour avoir publié des commentaires en faveur des agresseurs de la jeune femme, même s'il les a ensuite effacés.
Lundi, devant le Parlement, le ministre de l'Intérieur, Noorul Haq Ulumi, avait affirmé que la jeune femme était innocente de tout blasphème envers le livre saint de l'islam: "L'accusation la visant est complètement fausse. Farkhunda était une femme religieuse, elle était innocente".
"Elle était notre soeur. Les gens qui l'ont tuée n'avaient aucun respect pour les femmes, pour la loi, ou la charia", a déclaré un manifestant, Ahmad Zia, lors de la marche à Kaboul.
"Nous voulons que le gouvernement suive cette affaire et arrête tous les meurtriers. Ce qu'ils ont fait ne représente pas ce que les Afghans veulent", a-t-il ajouté.
Selon Soraya Parlika, une activiste des droits de l'homme, également présente dans le défilé, "c'est la première fois dans l'histoire afghane que nous voyons un tel acte brutal, barbare, inhumain et anti-islamique contre une femme".
"Cela s'est passé à quelques kilomètres du palais présidentiel et personne n'a pu la défendre face à cet acte de haine", a-t-elle ajouté.
L'enquête sur les circonstances de l'incident était en cours mardi et la police n'était pas en mesure d'en rendre public les détails, a indiqué à l'AFP Sediq Sediqqi, le porte-parole du ministère de l'Intérieur.
Ce dernier a toutefois précisé que 28 personnes (BIEN 28) avaient été arrêtées depuis vendredi en liaison avec cette affaire. Vingt policiers ont aussi été interrogés, selon le ministère.
Des images du lynchage diffusées sur les réseaux sociaux montrent des policiers en uniforme n'intervenant pas au moment où la jeune femme était battue.
Ces images, nombreuses, ont permis aux enquêteurs d'identifier les premiers suspects.
Plusieurs centaines de personnes ont assisté aux obsèques de Farkhunda à Kaboul. Fait rare en Afghanistan, le cercueil de la jeune femme a été porté au cimetière par des femmes.
Le président Ashraf Ghani avait fermement condamné ce meurtre qu'il a qualifié de "haineux".
En 2012, la révélation de l'incinération d'exemplaires du Coran sur la base américaine de Bagram avait provoqué cinq jours de violentes émeutes antiaméricaines et d'attentats. Une trentaine de personnes avaient été tuées.