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Scholl, Jaroussky et Bartoli à la conquête des lauriers de César

Publié le 11 février 2010 par Adurand

Scholl, Jaroussky et Bartoli à la conquête des lauriers de César

ls représentent à eux trois près de 80 % du marché du disque baroque de ces dernières années. Andreas Scholl, Cecilia Bartoli, Philippe Jaroussky. Jamais depuis les Trois ténors on n'avait vu réunis à la scène une telle brochette de stars, et jamais sans doute, la salle Pleyel n'avait vu ses guichets à ce point pris d'assaut pour un spectacle baroque. Spectacle d'un luxe presque insolent,
I Jules César en Égypte de Haendel avait ce mardi soir un arrière-goût un peu troublant. Certes, le spectacle connaissait des sommets musicaux vertigineux, mais on ne pouvait s'empêcher, devant cet effet d'empilement de noms prestigieux de s'interroger sur la " peopolisation " de l'opéra baroque, et sur le côté un peu mondain de l'enthousiasme délirant d'une foule qu'on n'est pas accoutumé à croiser si nombreuse dans les salles baroques.

Scholl, Jaroussky et Bartoli à la conquête des lauriers de César
Les fans de Cecilia Bartoli sont les premiers à lancer les hostilités : un " brrravissima " lancé par un groupie de la cantatrice à la fin de l'aria " Non disperar " est rapidement étouffé par les " chut " des autres camps. Mais échaudés d'avoir été devancés, ce sont ceux de Philippe Jaroussky qui surenchérissent, en saluant " cara speme, questo core " d'une ovation géante. " On s'en fout des lois " beugle à côté de moi une mamie hystérique, qui semble prête à arracher son soutien-gorge et à le faire tourner en l'air. Dès lors, les hostilités sont lancées, et ni les réticences des quelques banlieusards qui voient leur RER s'échapper, ni l'empressement de William Christie à enchaîner les airs ne pourront plus arrêter le flot d'enthousiasme d'un public ravi. Verdict de l'applaudimètre : Cecilia Bartoli l'emporte d'un cheveu grâce à l'ovation de plusieurs minutes qui salue en bout de course son magnifique " Da tempeste il legno infranto ". Elle saute sur la ligne un Philippe Jaroussky qui tenait pourtant la corde, mais qui ne tient pas la distance à cause d'un rôle, celui de Sesto, moins mis en valeur par Haendel en fin d'œuvre. Quant à Andreas Scholl, favori des bookmakers du fait de son rôle-titre, il termine à une décevante troisième place, soit que son fan-club ait été moins présent, soit qu'une partie ait déserté, emportée par la tornade Jaroussky.

Ironie mise à part, il était difficile en sortant de démêler l'enthousiasme contagieux qui gagnait tout spectateur dans cette ambiance surchauffée et une certaine gêne. Certes, les artistes en

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présence méritent une admiration sans réserve pour ce qu'ils ont apporté, chacun, à la musique baroque et au-delà. Pourtant, il ne suffit pas d'aligner les plus grandes stars, leur succès fût-il fondé, pour produire comme par magie le spectacle idéal - le Real Madrid de Zidane, Beckham et Figo nous l'a appris en son temps. Un opéra est une alchimie qui a plus besoin d'harmonie que de surenchère de talents individuels. Les meilleurs solistes ne font pas toujours les meilleurs interprètes de musique de chambre, et les plus belles voix ne produisent pas forcément les mariages les plus harmonieux.

Scholl, Jaroussky et Bartoli à la conquête des lauriers de César
A contrario, l'agilité et l'aisance hors du commun d'un Jaroussky manquent parfois de caractère. Pour tout dire, si l'on ne peut que s'incliner devant la performance vocale, on se demande parfois si une femme ne ferait pas aussi bien l'affaire : à trop bien s'affranchir des limites masculines, cette voix androgyne finit par perdre en partie ce qui fait la valeur et la spécificité de cette tessiture étonnante qui est celle du contre-ténor. Pour autant, la confrontation avec la magnifique voix grave de Nathalie Stutzmann offre un contraste saisissant qui sonne extrêmement juste pour rendre la relation mère-fils de Cornelia et Sesto : leur duo " Son nata a lagrimare ", sans doute le sommet de l'opéra de Haendel, est un moment de pur étonnement.


Jules César en Egypte de Georg Friedrich Haendel à la salle Pleyel les 9, 12 et 14 février 2010.


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