Les douces courbes en clair-obscur des gravures de Mikio Watanabé
Aujourd'hui s'ouvre l'exposition qui réunit à l'ancien Collège des Jésuites les œuvres de trois graveurs pratiquant la technique de la " manière noire ", infiniment nuancée et minutieuse.
Ca commence comme une histoire drôle : une Américaine, une Belge et un Japonais. Mais ça continue avec la réunion de trois artistes partageant l'usage d'un même procédé : la " manière noire ". Un nom mystérieux qui rappelle L'Oeuvre au noir, ce roman de Marguerite Yourcenar contant les ténébreux travaux des alchimistes du Moyen Age à la recherche de la pierre philosophale, capable de changer le plomb en or. Ces chercheurs d'ombre là, c'est le cuivre qu'ils changent en encre. Des plaques de métal dont ils scarifient patiemment la surface trop lisse pour en arracher les creux qui imprimeront sur le papier les traits nets de figures en clair-obscur. De chaque sillon creusé par le berceau ou le brunissoir émergent des trouées de clarté qui sculptent la nuit. " Le graveur est un noctambule. "
Un art de la précision apparu au XVIIème siècle, dont le lent et minutieux travail fut peu à peu concurrencé par la photographie et la fulgurance de ses flashs. Pourtant, " de cette technique méticuleuse s'échappent toutes les libertés de création : de la figuration réaliste à l'extrême aux plus étonnantes fantasmagories ", précise Catherine Stevenot, commissaire de l'exposition, et présidente de l'association Aquaforte qui promeut la pratique de cet art précieux en Champagne-Ardenne.
La gravure fait partie de ce qu'on nomme " l'art du multiple " puisqu'elle vise par essence à reproduire à l'identique un même motif. Identique trompeur néanmoins puisque l'effet obtenu varie grandement selon la quantité d'encre et la pression appliquées.
Une seule technique, mais trois styles bien distincts : à l'Américaine Judith Rothchild une plongée dans les méandres vertigineux de merveilles potagères ; à la Belge Christine Ravaux de curieuses variations pileuses sur chevelures et autres pelages exotiques. Et au Japonais Mikio Watanabé, les douces courbes de nus basculant au détour d'un détail insolite dans un étrange onirisme.
Publié dans l'Hebdo du Vendredi le 26 février 2010