Cravate négligemment nouée, barbe de trois jours, costume noir sur chemise blanche, mains dans les poches et sourire au coin des lèvres, Laurent de Wilde se présente seul sur la pochette d' "Over The Clouds", l'air serein et détendu, le regard pointant vers un horizon que l'on imagine radieux, à l'image de ce que son piano renvoie lorsque le musicien se prend à convier 2 pointures du jazz que sont Ira Coleman et Clarence Penn, étonnamment absents sur la photo, mais pourtant bien présents sur l'enregistrement de cet album qui, disons le tout de suite, est à la mesure des attentes du public, somptueux.
Comme un retour aux origines en guise de rappel à l'ordre des possibilités d'organisation musicale offertes pour l'occasion, cet album est une nouvelle fois la preuve par les faits que tout reste encore à explorer dans l'univers du trio mais que les choses avancent dans le bon sens. On constatera d'ailleurs très vite que les possibilités de s'y exprimer sont infinis lorsque l'envie et le talent existent, et de ce point de vue tous les ingrédients sont ici réunis. Fini pour l'heure l'emploi de l'électronique et des claviers électriques largement employés sur ses précédentes productions. Cette fois-ci Laurent de Wilde a souhaité renouer avec son passé new-yorkais en conviant pour cette session son "vieux" complice de l'époque, le contrebassiste Ira Coleman rencontré en 1984 à l’université de Long Island de New York, et avec qui il n'avait pas rejoué en trio depuis presque 20 ans. Pour les baguettes ce sera Clarence Penn, un batteur américain versatile et polyvalent capable de s'adapter à toutes les situations et parmi les plus demandés de la scène jazz. Il n'en fallait pas plus pour que le miracle se produise le temps d'une rencontre enregistrée à Paris en janvier, au lendemain de deux soirées de rodage au Duc des Lombards. Entre ces trois là le mystère s'efface sur les efforts demandés pour parvenir à un tel niveau d'exigence. L'union entre les instruments est immédiatement perceptible pour un bilan qui en impose.
Crédit photo (Gerard Boisnel)
Energiques ou délicats selon les thèmes, percussifs ou éthérés, en mutation permanente tandis que s'égrainent les titres et les ambiances, les morceaux d'"Over The Clouds" ne font pas dans la facilité mais restent très facilement abordables, ouvrant des voix métissées aux intonations diablement modernes que Laurent de Wilde explore avec le tact et la mesure d'un artiste visiblement épanoui, affranchi comme il le dit de la peur des grands espaces : « Avant, ce que je jouais était super speed, maintenant, c'est toujours speed, avec quelques temps de respiration. J'ai eu l'impression d'avoir moins peur du calme, moins peur des grands espaces, de jouer dans le son. C'est ça que m'a appris la musique électronique. On se pose quand on se pose. En musique, j'ai découvert ce sentiment de quand le moment est juste. Créer quelque chose qui flotte, qui va bien ».
L'esprit du trio en acoustique visant à ouvrir les espaces et à remodeler les angles pour en redéfinir l'usage ne pouvait pas mieux me convenir s'agissant de cet artiste pluridisciplinaire que les expériences sonores n'ont jamais rebuter (au contraire). Pas vraiment fan de ces pérégrinations électroniques que je ne trouvais pas toujours assez "consistantes", plutôt froides, "Over The Clouds" m'a quant à lui immédiatement séduit, plus intime et plus "palpable" que les précédents disques, signe une fois de plus que ses capacités d'écriture, liées au développement de ses connaissances méthodiques, lui permettent de s'exprimer comme il le souhaite, sans obstacle et sans frontière, et de bien belle manière pour ce cru 2012. Attention, l'abus de jazz n'est pas dangereux pour la santé. A consommer sans modération.
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