Le concept de contributions incitatives a été inventé par l'auteur de ce site, lors du printemps 2007. Faisons la génèse de cette idée.
On en trouvera une première trace dans le premier blog de l'auteur, matrice de la constitution de sa réflexion, ainsi que butte témoin de cete création.
Lors du lancement du Grenelle de l'Environnement, cette idée est défendue dans une contribution, envoyée par l'auteur. Ce texte, que l'on retrouvera ci-dessous, a été utilisé par le groupe 1 "lutter contre les changements climatiques et maîtriser la demande d'énergie", on en retrouve mention dans le rapport fourni par ce groupe le 26 septembre 2006. Ce rapport est à l'origine de la mise en place du bonus-malus automobile.
"C'est une question majeure du Grenelle de l'environnement : quelle fiscalité verte ? Il s'agit de la problématique la plus délicate et la plus importante. C'est un levier d'action indispensable mais très impopulaire. Si on ne l'emploie pas, on sera taxé d'immobilisme, et si on l'emploie, de prendre des mesures impopulaires. Comment sortir de ce dilemme? En inventant, en innovant, en imaginant d'autres modes d'actions. La méthode des contributions incitatives, que nous proposons ici, est un outil qui peut permettre à la réflexion collective de progresser et aux hommes et femmes politiques de retrouver l'initiative.
Les mesures fiscales liées à l'environnement existent depuis 1964 (loi sur l'eau) et concernent actuellement une quarantaine de taxes et autant de mesures d'exonérations. Cette prolifération suffit à prouver l'intérêt de la démarche. Elle a pourtant bien des limites, signalons-en quelques unes :
-les deux objectifs de la fiscalité écologique (écologique et financement de l'Etat) ne sont-ils pas contradictoires ? En particulier, si l'objectif écologique vise à réduire l'assiette de la taxe, l'objectif de financement tend, au minimum, à la maintenir.
-l'acceptabilité d'une taxe écologique entre en contradiction avec le fait que le changement de comportement espéré a un coût souvent élevé. Ce coût s'additionne alors à celui de la taxe. Il y a donc une deuxième contradiction entre la mission redistributive dévolue à la fiscalité et sa fonction écologique : le risque de renforcement des inégalités sociales s'accroît.
-la troisième contradiction concerne les problèmes de compétitivité internationale. Ces taxes risquent d'entraîner des pertes de compétitivité. L'impopularité de la fiscalité écologique ne concerne pas uniquement l'électeur, elle a un impact sur les chefs d'entreprises.
Nous l'appelons contribution incitative. Nous la décrivons en détail plus bas à partir d'un exemple. Tentons de la définir : il s'agit de récompenser ceux qui font l'effort d'avoir un comportement responsable par une incitation financière, financée par les contributions de ceux qui ne font pas d'efforts.
Il ne s'agit pas non plus d'incitations fiscales, qui au-delà de leurs mérites, contribuent à la dégradation des comptes publiques. Il s'agit de redistributions, prenant de multiples formes comme on le verra plus loin, qui s'adressent à tous, sont progressives et qui permettent à chacun, en toute liberté de prendre des décisions en connaissance de cause.
" Je suis un particulier, je choisis de continuer à employer un mode de transport ou de consommation énergétique polluant, mais je sais qu'il faudra en assumer le prix de plus en plus élevé, j'ai eu connaissance des augmentations prévues, qui bénéficieront à ceux qui feront des efforts" ou " je choisis de changer mes habitudes et je sais que je vais récolter financièrement les fruits de mes efforts écologiques ". " Je suis une entreprise, j'ai choisi d'investir et de proposer des services ou des produits durables, je prend le risque de le faire parce que la nation s'est engagée à favoriser leur usage et à aider les entreprises qui iraient dans ce sens. "
Dans cette méthode, il y aura de multiples contributions incitatives précises, délimitées dans des domaines très diverses, et toutes seront progressives. Concrètement, comment cela fonctionne-t-il?
Le parlement vote une loi fixant le principe d'une contribution incitative dans un domaine précis. A la suite de cela, un comité de pilotage se met en place. Il regroupe consommateurs (ceux qui vont financer la contribution ou/et en bénéficier), entreprises du secteur, pouvoirs publics, scientifiques et responsables politiques. Il organise, dans la concertation, l'organisation de cette contribution.
Il est créé une fondation, structure d'économie mixte, chargée de gérer les fonds récoltés et redistribués. Une administration, un ministère, ou une collectivité territoriale, est désigné pour prévoir l'assiette de la contribution, la récolter, organiser la redistribution.
Une fois la contribution mise en place, l'argent récoltée est redistribuée l'année suivante de différentes manières:
-la majorité de ces produits financiers est redistribuée aux personnes qui ont eu un comportement responsable comportement défini de manière précis (de l'ordre de 60% des fonds) dans la population où a été prélevée la contribution.
-une part importante de cet argent sera attribuée aux entreprises qui, dans ce secteur, proposeront des services écologiquement responsables ou réaliseront des investissements (de l'ordre de 30% des fonds).
-une part mineure sera attribuée à l'administration en charge de la récolte et de la distribution (de l'ordre de 5%)
-une part mineure sera attribuée à la recherche dans le domaine considérée (de l'ordre de 5%).
Pour que cela fonctionne, il faut que la contribution reste faible au début, pour augmenter assez rapidement de manière à constituer à terme un handicap pour ceux qui n'auront pas fait les efforts nécessaires.
La contribution incitative pour le ferroutage repose sur le système suivant : elle est perçue aux péages autoroutiers, elle sera très faible au début (quelques centimes par kilomètres pour augmenter progressivement).La majorité de cette argent servira à diminuer les coûts des entreprises de transports qui accepteront de jouer le jeu du ferroutage. Une part importante ira aider aux financements des équipements nécessaires auprès des entreprises concernés (réseau ferré, SNCF et autres entreprises se lançant dans le ferroutage). Le ministère des transports sera le support administratif de la perception et de la redistribution de cette taxe.
Voici d'autres exemples de contributions incitatives. Chacun pourra se faire une opinion sur leur viabilité.
D'autres contributions incitatives peuvent être inventées sur le même principe. Ces différents exemples montrent la variété des différents contributeurs et bénéficiaires (usagers des transports, consommateurs, entreprises, collectivité territoriale, copropriétés, etc.) mais aussi la variété des modalités de perception et de redistribution : paiement au péage, paiement à l'achat de biens, dotation par l'Etat aux collectivités, alignement sur des taxes existantes...
Elle laisse à chaque acteur : autorité publique, entreprises ou particuliers la possibilité de faire des choix rationnels en tenant compte de l'évolution progressive et connue à l'avance du coût de la conservation de son attitude non adaptée à l'évolution de l'environnement.
Cette démarche présente aussi l'avantage paradoxal de favoriser une meilleure gestion de l'argent public, en relançant l'économie par les avantages données aux entreprises qui feront des efforts, par les transferts des contributions vers la recherche, enfin, par le financement des administrations qui joueront un rôle dans la gestion des contributions incitatives.
Enfin, en redistribuant directement le fruit des contributions de chacun, elle atténue fortement les contradictions signalées au début de ce texte : l'impopularité de la taxe décroît auprès des chefs d'entreprises et des citoyens, puisque l'argent récolté leur revient. De plus, le couplage taxation-incitation pour chaque contribution peut entraîner des mécanismes de compensation visant à atténuer les inégalités sociales.
Marseille, le 21 août 2007,
Aujourd'hui, l'idée de contributions incitatives doit évoluer. S'il s'agit de conserver l'idée générale de micro-taxes ciblées, dont l'argent sert à investir dans les transitions écologiques. S'il faut garder l'idée que cet argent doit revenir, prioritairement, à ceux qui l'ont payé, en fonction de leurs revenus, il faut revoir la progressivité automatique qu'elle prévoyait.
L'augmentation prévue, connue et inexorable des contributions, avait pour but d'offrir un cadre stable qui aurait permis aux acteurs économiques de prendre des décisions rationnelles en connaissance de cause.
Mais cette caractéristique a aussi de multiples inconvénients: elle permet de mesurer le coût fiscal sur le long terme d'une contribution. Cette lisibilité risque de focaliser les résistances et les appréhensions des consommateurs et, par conséquent, du personnel politique.
D'autre part, la fixation, sur le long terme, d'une augmentation enlève un levier d'action pour le personnel politique.
Il semble donc préférable de laisser la liberté de tester des micro-contributions puis de les augmenter en fonction des besoins et de leur efficacité.
Ainsi, s'il faut conserver le principe d'une progressivité facultative d'une contribution, il faut lui rajouter le principe d'une souplesse devenue indispensable dans le monde complexe et évolutif dans lequel nous vivons: souplesse du montant de la contribution qui pourra évoluer chaque année (augmenter, baisser, rester stable, disparaître), souplesse dans les choix d'attribution de l'argent récolté en fonction des évolutions technologiques de chaque secteur où on va créer une contribution.