La deuxième phase du débat sur la transition énergétique se termine, -celle de la participation et de la concertation-, dans un processus marathon qui s'étale sur 9 mois. Pourtant on peut déjà affirmer qu'il sera un échec. Et cela pour plusieurs raisons:
-ce processus se voulait exemplaire du déploiement de la démocratie participative. Certes, les manifestations, les débats en province foisonnent. Mais le débat n'a jamais pu passer au premier plan de l'actualité. Il est resté finalement assez confidentiel, n'intéressant que les citoyens et les entreprises ... déjà intéressés. L'opinion publique ne s'en est pas emparée, n'en a pas compris les enjeux. Combien de fois, le lecteur de cet article, a-t-il vu un sujet journalistique consacré à ce débat, dans les dernières semaines? La réponse est probablement le chiffre 0!
-cette année de discussions et de réflexions, lancée par la conférence environnementale de septembre 2012, pourra être perçu, plus tard, comme une année de perdue. Devant l'urgence économique et climatique, dans un calendrier politique rythmé par le mandat présidentiel de 5 ans, fallait-il "perdre" une année d'actions et de réformes?
-les propositions risquent d'être d'une grande banalité. Le coeur du processus, les auditions de grands témoins devant le conseil national, le jeudi, ont été globalement très décevantes: il s'agit le plus souvent de patrons de grandes entreprises ou de grandes organisations qui ont souvent eu une approche conservatrice, avec parfois des approches de lobbying, contre-productives; rien d'innovant, de révolutionnaire; des points de vue trop globales et approximatifs; et surtout, une approche colbertiste qui ne s'intéresse guère aux initiatives locales et préfère faire confiance aux grandes entreprises et aux grands corps d'Etat. On a du mal à croire que ces caciques, aux tempes blanchies, vont avoir l'inventivité nécessaire pour imaginer le monde de demain.
-le nucléaire a été "l'oeil du cyclone" du débat. On a tourné autour, sans jamais oser l'affronter frontalement, car les enjeux étaient énormes et les positions tranchées. Faute de l'avoir fait, les recommandations risquent d'être des compromissions qui ne permettront pas de donner un cap à une politique. Il aurait été préférable de le mettre, au contraire, au coeur du débat, en posant clairement la question: comment sortir du système électrique nucléaire français actuel? Avec quel coût? Sur combien de décennies? Il faudra bien en effet, dans les trente années à venir, fermer les 58 centrales construites à partir des années 70. Mais le lobby nucléaire ne pouvait pas accepter ces questions pourtant inévitables sur le long terme.
-les débats sont passés un peu vite sur le nerf de la guerre: le financement de la transition. Les premières estimations, selon les scénarios, oscillent entre 40 et 65 milliards d'euros par an, étalés sur des décennies. Les recommandations finales du conseil national et le projet de loi prévu pour l'automne 2013 risquent d'accoucher d'une coquille vide car la question du financement, pourtant cruciale, ne sera pas résolue.
Que retiendra l'Histoire de ce débat? Celui d'une bonne idée qui risque de se perdre dans les limbes, d'une usine à gaz qui a oublié l'essentiel: l'inventivité et l'innovation nécessaire à toutes les révolutions réussies.