Le comité pour la fiscalité écologique, installé le 18 décembre 2012, va-il disparaître? Aprés moins de deux ans de travaux, une petite quinzaine de réunions et une cinquantaine de rapports et documents produits, la question de son utilité est posée. Malgré l'engagement de son président, Christian de Perthuis, ce travail ne semble pas avoir rencontré d'échos favorables de la part des différents ministres de l'écologie et de l'économie, les deux tutelles dont il dépendait.
Si la question se pose, c'est que l'on se demande pourquoi la réunion du 10 juillet a été annulé. On note aussi qu'un des postes de secrétaire du comité a été supprimé par le ministère de l'économie. Mais d'une manière plus générale, le citoyen peut légitimement s'interroger sur la pertinence des travaux du comité.
A cet égard, si on veut bien prendre le temps d'aller consulter le site particulièrement riche du comité, on y apprend beaucoup de choses. Le rapport d'étape de 400 pages remis aux ministres de tutelle en juillet 2013, après 6 mois de travaux et 9 réunions démontre que les membres du comité ont surtout absorbé un nombre considérable de diaporama: prés de 700 diapos (!) bourrées de chiffres, de tableaux, de graphiques, avec des exposés d'experts ultra-spécialisés, sur des sujets très précis. Des experts qui, pour la plupart, n'avaient jamais réfléchis à la question de la fiscalité verte avant l'apparition de ce comité. En général, leur exposés présentent leur sujet d'expertise puis il y a, en fin de diaporama, quelques slides consacrés à la fiscalité du sujet.
Finalement la méthode choisie semble reproduire les mêmes erreurs que celles que les dirigeants français ont eu dans le domaine informatique depuis 20 ans. On se focalise sur les outils, sur ce que chaque expert ou spécialiste sait faire. Et on oublie les usages.
A quoi peut bien servir une nouvelle fiscalité environnementale si elle ne se pose pas la question de savoir comment elle peut modifier les comportements? Et pour cela, il faut que le consommateur, le pollueur soit interrogé: pourquoi pollue-t-il? A quelle condition peut-il changer son comportement? Dans le comité pour la fiscalité écologique, le bain intellectuel s'est fait autour des universitaires et des experts, spécialisés et focalisés sur leurs objets et incapables d'interroger globalement les mécanismes fiscaux dans le contexte où ils doivent se montrer efficaces.
Pour mieux comprendre la méthode du comité, il suffit de lire son avis sur la fiscalité du gasol (pages 20 et 21 du rapport): sur 2 pages, une analyse précise de la situation actuelle que chacun connaît mais presque rien en terme de propositions concrètes! Or, c'est bien dans la question du "Comment nous allons faire pour en sortir?" que se situe la difficulté et non dans une analyse précise partagée par tous les observateurs.
Pour continuer à interroger les méthodes choisies, on peut utilement lire les compte-rendus des réunions et s'apercevoir que chaque partenaire (grandes associations écologiques, patronat, syndicats) est dans son rôle, sa posture de défense de son point de vue, sans qu'il semble y avoir un foisonnement d'idées nées de la rencontre entre des entités différentes. Comme si le comité était une antichambre de plus du fameux "dialogue social" à la française, chacun défendant son point de vue.
Les démarches choisies et la compostion du comité n'ont pas permis d'en faire le laboratoire d'idées dont la France a besoin pour inventer une fiscalité environnementale originale, levier des transitions à venir.
En conclusion, travaillant depuis 8 ans et quelques centaines d'articles sur cette question de la fiscalité environnementale, je ne peux que regretter la mort prévisible de ce comité. Mais je déplore surtout la méthode choisie qui n'a pas su interroger fondamentalement la question de l'utilité de la fiscalité, de sa capacité de transformation sociétale. En ce qui me concerne, j'ai contacté plusieurs membres du comité pour signaler l'existence de mes travaux. Je n'ai jamais eu de réponses de leur part.