Des fruits et des légumes tordus, des mannequins bancals, des modèles imparfaits et autres individus non retouchés par Photoshop font-ils un signal faible ? On pourrait le croire à lire articles et chroniques qui s'épanchent sur le " phénomène de la moche attitude ". Le 2 juin 2014, j'avais moi-même observé le fait comme le laid sur les braises de la beauté normative qui fatiguerait nos contemporains. Voire.
La beauté est affaire de canons qui tirent à vue sur tout ce qui n'entre pas dans le cadre des tendances esthétiques déferlant depuis que notre humanité s'est dressée sur ses ergots, ou presque. Des prescriptions totalitaires alimentées par les industries de la mode et de la beauté qui pèsent à la louche $1.000 milliards et croissent irrémédiablement chaque année. On saisit mieux les enjeux de la norme...
Mais des dissidents se révoltent, reprochant au " système " de véhiculer ces images trop parfaites et d'exploiter l'hyperindividualisme dans le miroir des alouettes vaniteuses. A l'ère des selfies et de l'empathie autosuffisante et pour calmer nos angoisses d'imparfaits, des observateurs avertis ont fait naître le " normcore ", un individu normal qui s'affranchit du maniérisme de la mode, nargue les branchés avec son indifférence à soigner son apparence, loin de la symphonie merveilleuse de la perfection artificielle, loin de l'absolutisme esthétique.
Face à ce haut mur de la beauté arbitraire, la normalité hétérogène de l'humanité dresse alors ses défauts dans quelques publicités qui mettent en scène des vrais gens au physique sympathique, doux euphémisme... Une approche socio-folklorique qui ne suffit pas, la société réclamerait une promotion offensive des disgracieux au physique kitsch, des laiderons assumés, des outragés de la nature... Ainsi, pointe le " normoche ", le moche heureux et normal qui fanfaronnerait dans le cortège de nos désillusions. " Un autre monde existe, il est dans celui-ci ", écrivait Paul Eluard, les moches existent, ils sont en nous, c'est pour cela que nous nous consolons en nous dépensant sans compter à user d'onguents et de coups de scalpel pour nous refaire le portrait. La beauté n'est pas une norme, elle est un espoir.