The Disappearance of Eleanor Rigby, atypique mais maladroit
Synopsis:Eleanor aime Conor, et Conor aime Eleanor. Que se passe-t-il lorsqu’un couple vivant en parfaite harmonie se retrouve soudain confronté à un événement tragique? Les deux films composant The Disappearance of Eleanor Rigby racontent la même histoire d'amour, adoptant le point de vue de Conor dans Him et celui d’Eleanor dans Her, se renvoyant l’un à l’autre et s’emboîtant comme les pièces d’un puzzle.
Mon petit côté cinéphile étant attiré par ces long-métrages au budget moindre (n’y voyez là rien de condescendant), je m’apprête à émettre un avis sur un projet qui me tenait à cœur depuis un certain temps. Non pas que je l’ai suivi depuis sa genèse, mais sa teneur audacieuse valait un coup d’œil curieux de ma part. Si le Cinéma est au cœur de votre réalité, vous avez certainement entendu parler de ce « diptyque ». Nous pouvons écrire la même phrase en remplaçant « le Cinéma » par films romantiques, James McAvoy ou Jessica Chastain (productrice du film soit dit en passant). Pour la petite histoire, l’actrice et le réalisateur, Ned Benson, se sont rencontrés lors d’un festival en… 2003. Et cette rencontre fut l’élément déclencheur de la construction de ces films. Dix ans et deux nominations aux Oscars plus tard, The Disappearance of Eleanor Rigby est diffusé au Festival de Toronto. Le public et la presse découvraient alors ce jeune couple New-Yorkais, en proie à de vifs doutes suite à un évènement tragique survenu dans leur vie. En somme, nous avons là le résumé d’une petite rom-com que nous assène chaque année le Cinéma. Après tout, si la boîte de chocolat et les mouchoirs existent, c’est bien parce qu’ils doivent être utilisés pour ce genre de film. Mais voilà, Benson a pris un autre chemin et a décidé de ne pas faire un film mais deux, tout en reprenant la trame de base pour chacun. Ce procédé permet alors d’explorer deux points de vue distincts.
D’abord, il y a celui de Connor (James McAvoy) avec Him, racontant comment il supporte l’absence de sa femme. Puis, il y a Her, relatant alors le quotidien de Eleanor (Jessica Chastain), après avoir décidé de s’éloigner de cette vie qui commençait à la consumer. Encore un moyen de facilité pour payer son loyer et ses dettes ? Certainement, mais ce découpage assez singulier permet d’approfondir très judicieusement la psychologie des deux protagonistes. Malgré leurs différences, le travail de Benson permet un apport de complémentarité pour chacune des deux parties. Le destin des personnages se dénoue, et s’entremêle au fur et à mesure que nous avançons dans les deux films. Nous les observons, et le regard du spectateur remarquera une différence de ton entre ces derniers. Alors que Him semble plus morose, Her paraît plus affriolant, ensoleillé, comme si le fait d’avoir quitté son mari était salvateur. La photographie accompagne cette douce mélancolie avec finesse, et définit l’état d’esprit de Connor et Eleanor. De plus, les personnalités sont retranscrites sous des angles différents. L’écriture n’en est que plus réaliste, puisque chaque individu fait son deuil de manière distincte. L’œuvre n’étant pas exempte de défauts, on regrettera cette prise de position dans Him, qui fait penser à l’homme qu’une femme est sans nul doute l’élément perturbateur de cette relation houleuse. A partir de là, un déséquilibre entre les deux se ressent, puisque aucun jugement ne ressort du point de vue féminin. Finalement, Ned B. rend son ensemble bancal, malgré la volonté de ne jamais tomber dans les a priori agrémentant la majorité des drames romantiques.
Malheureusement, la presse est assez peu réceptive, et en parallèle le grand manitou Harvey Weinstein reprend la situation en main. Dès lors, un troisième montage naquit : Them. Comme son titre l’indique, il rassemble le diptyque en un seul morceau afin d’en faire un film plus conventionnel. Ainsi, cela permet de retrouver Jessica Chastain pour la quatrième année consécutive à Cannes, mais encore faudrait-il ne pas proposer ce découpage trop abrupt, enlevant la force émotionnelle que dégageaient ses prédécesseurs. Et Benson ne joue toujours pas dans la subtilité quant à la présence de Jessica Chastain. Même si ce n’est pas pour déplaire à l’auteur de ces lignes. L’actrice s’approprie une nouvelle fois son personnage, avec cette sincérité douce et rageante qui la caractérise tant. James McAvoy, lui, complète le tableau avec une délicatesse troublante. Le couple, crédible, dégage une force indéniable à l’écran.
En bref, malgré une certaine ténacité à se détacher des codes de drames romantiques, ce qui est particulièrement réussie dans les deux premières parties malgré quelques maladresses, Ned Benson est rapidement happé dans le piège du marché cinématographique tenu par les griffes de Weinstein. Tant de potentiel galvaudé par cette superficialité évitable, et c’est fort décevant.
NB: Les trois versions sont disponibles sur Netflix depuis le 1 Novembre 2014.
The Disappearance Eleanor Rigby Official Trailer #1 (2014) - Jessica Chastain, James McAvoy Movie HD
Virginie.