Depuis plusieurs jours, en Indonesie, des manifestations quasi quotidiennes se tiennent a Jakarta et en province. L'annonce, le 23 mai, d'une forte hausse de 25 % et 33 % selon les carburants a suscite la colere de la population. Une reaction d'autant plus vive que le regime a, part ailleurs, pour la troisieme fois, baisse les subventions sur les carburants. Les manifestations ont ete, pour l'instant, contenues sans violence excessive par les forces de l'ordre. Plus soucieux d'equilibre budgetaire que ses predecesseurs, le general de reserve Susilo Bambang Yudhoyono, elu en 2004, entend reduire de 13 % les depenses de l'Etat. Le budget de 2008 avait ete etabli sur la base d'un baril de petrole a 85 dollars, revise seulement a 95 dollars. La defense du consommateur a l'aide de ces subventions ajoutait, de plus, un risque economique. L'Indonesie a deja connu ce type de fievre. Le cout croissant du petrole a la consommation avait, en effet, joue un role-cle dans la chute du despote javanais, Suharto, renverse le 20 mai 1998. Pour faire accepter ces mesures, le gouvernement actuel a promis une compensation individuelle aux plus defavorises et devrait debloquer 1,5 milliard de dollars dans les prochains dix-huit mois. La question de l'efficacite de l'allocation (10 dollars par mois par foyer) demeure ouverte dans un pays dont plus de la moitie de la population (235 millions) vit avec moins de 2 dollars par jour. Les autorites ont repris a leur compte l'argument de certains opposants faisant valoir que les subventions, en l'etat, favorisaient "les riches" plutot que les pauvres. Les premiers etant plus gros consommateurs que les seconds. Une decision qui a conduit nombre d'etudiants a descendre dans la rue, cocktails Molotov en main, aux cris de "les pauvres ne veulent pas payer". La perspective d'elections generales, debut 2009, ne fait qu'alourdir le climat. L'inflation qui risque de gagner le reste de l'economie contribuerait a un mecontentement deja entretenu par les hausses des prix alimentaires (riz, huiles de cuisson). Dans ce contexte, la sortie prochaine de l'Organisation des pays exportateurs de petrole (OPEP), annoncee par Jakarta mercredi 28 mai, prend une portee symbolique. L'Indonesie est le plus gros producteur de l'Asie du Sud-Est mais le vieillissement de ses equipements d'exploitation, un manque durable d'investissements et des deconvenues en matiere de prospection lui ont fait perdre tout poids. Le pays n'est plus exportateur depuis de nombreuses annees et joue un role mineur au sein de la communaute des pays petroliers. Jakarta fait une economie de 3,1 millions de dollars par an de cotisation au "club" de l'OPEP, mais a du abandonner toute pretention de faire entendre "une autre voix" sur les cours mondiaux de l'or noir.
LE.MONDE. FR Francis Deron - Photo Philippe FOUCHARD