Décidément, le projet de loi sur les OGM fût à multiples rebondissements. En une semaine, le projet était rejeté à cause d’un regrettable “incident de parcours” (une motion de procédure du communiste André Chassaigne) puis rétabli suite à une “Commission Mixte Paritaire“. Le voilà maintenant adopté définitivement par l’Assemblée Nationale et le Sénat… (cf. Le Monde du 22/05)
Enfin, rappelons que près de 80% des français sont contre les OGM. Mais ça ne semble pas très important.
Quels enseignements tirer de cette sombre affaire ?
La question des OGM va au delà du clivage actuel gauche/droite puisqu’une grande partie des députés UMP étaient absents lors de la première séance de vote. On pourra arguer une simple et malheureuse coïncidence. Il n’en demeure pas moins que statistiquement, les députés UMP n’avaient pas moins de raison d’être présent dans l’hémicycle que les députés de gauche. D’ailleurs, comme par hasard, les députés étaient massivement présents pour le rattrapage. Il y avait forcément un peu de désapprobation de la part de certains députés de la majorité.
OK ! Mais il n’empêche que la loi a été retoquée une fois par le parlement. Certes, il l’a été d’une voix, mais jusque là, le processus démocratique avait été respecté. Ne fallait-il pas en rester là ? Et bien non, comme toute démocratie agonisante, on cherche à imposer les lois et on a sorti du chapeau cette Commission Mixte Paritaire qui a remis le texte en selle qui a engendré son adoption finale par le parlement et quelques jours après, par le Sénat .
Dans cette triste situation, ce que le gouvernement refuse de voir, c’est qu’il ne s’agit pas de choisir entre le fromage et le dessert, c’est bien plus grave que ça. Aucune étude sérieuse et indépendante n’a jusqu’à maintenant prouvé que les OGM étaient sans danger pour la santé. Les mettre sur le marché, c’est criminel pour les agriculteurs qui les cultivent et inconscient pour les parlementaires qui ne comprennent rien des enjeux sanitaires.
Mais bon, soyons ouvert d’esprit et acceptons l’idée du bien fondé des OGM (c’est purement hypothétique et bien difficile à la fois). Reste tout de même qu’on doit avoir la liberté de les consommer où non. Là encore, c’est une liberté qui disparait. Tout produit contenant moins de 0.9% d’OGM n’est pas tenu de porter aucune indication sur son contenu en OGM. Tous les produits… même ceux issus de l’agriculture biologique. Alors que “Sans OGM” devrait signifier 0% d’OGM1.
Enfin, la demande d’organisation d’un référendum sur la question des OGM a été purement et simplement rejetée. Faut pas abuser, c’est bien trop démocratique… Et puis le dernier exercice du genre portait sur la constitution européenne et le résultat n’a pas été à la hauteur des attentes gouvernementales… Donc ne prenons pas de risque, “ce n’est pas la rue qui gouverne” !!!
Et maintenant, on fait quoi ?
Les députés socialistes ont demandé un arbitrage du Conseil constitutionnel… Il n’est pas certain que ça change grand chose.
La question du renforcement de l’évaluation environnementale des OGM est inscrite à l’ordre du jour du conseil européen des ministres de l’environnement du 5 juin 2008. Si la question environnementale est importante, l’incertitude sanitaire n’en est pas moins cruciale. Gardons à l’esprit que les sénateurs et les députés viennent d’ouvrir la porte à un possible scandale sanitaire dans les prochaines décennies. Beaucoup ne seront plus là pour faire face à leur responsabilité et prétendre qu’ils ne savaient pas !
En attendant, la meilleure solution reste de consommer bio. Ce n’est toutefois pas sans poser de problèmes puisque la surface agricole utile dédiée à l’agriculture biologique n’est que de 2% en France. Il y a donc nécessité d’importer et là, on tombe sur des problèmes environnementaux liés aux transports de ces marchandises. Alors il faut convaincre nos agriculteurs de se convertir massivement. Il faut trouver des mécanismes financiers pour aider ceux qui sont endettés et à qui on voudrait imposer des OGM, à participer au développement de la seule filière qui assure l’intégrité alimentaire (à 0.9% près…
).Pour les agriculteurs qui ne peuvent ou ne veulent pas se convertir au bio mais qui s’opposent farouchement aux OGM, ils pourraient créer un syndicat pour les représenter, parce qu’on sait tous que la FNSEA est dirigée par quelques grands groupes agro-industrielles et ne représente plus la majorité des producteurs.
S‘il y a contamination des cultures traditionnelles par les OGM, il faudrait systématiquement attaquer, via le syndicat, les agriculteurs à proximité cultivant les OGM et demander de très lourds dédommagements. C’est bête, mais taper au portefeuille est souvent un bon levier. Il y a juste que c’est à l’agriculteur contaminé de prouver qu’il l’est… Au passage, la loi qui vient d’être adopter, fait porter la responsabilité de la contamination à l’agriculteur, pas aux semenciers.
Il faudrait également continuer les campagnes anti-OGM, notamment en dénonçant publiquement les lieux de culture et le nom des exploitants. Attention, la loi sur les OGM qui vient de passer a inscrit un “délit de fauchage”…
Comme une partie des OGM sert à l’alimentation des animaux, il faudrait que les consommateurs fassent pression pour que la traçabilité remonte jusqu’aux fournisseurs de l’alimentation des bêtes. Et il faut donc qu’on sache si l’animal a été nourri aux OGM ou non.
Nous n’irions pas jusqu’à suggérer à Greenpeace, ONG connue pour ses coups d’éclats, d’aller épandre, par erreur, des produits (écologiques) sur les champs d’OGM, afin de les rendre impropre à la consommation.
Naturellement, on pourrait nous reprocher de bafouer la liberté de culture des OGM. Mais non, que ceux qui veulent le faire le fasse, mais soient 100% certains qu’il n’y a pas de dissémination… Et on sait déjà qu’elle existe !
Du côté politique, notre voix électorale doit servir à dénoncer la vacuité intellectuelle de nos députés et sénateurs.
Mais au fait, la liberté de cultiver des OGM prévaut elle sur la liberté de vivre dans un environnement sain ?
- Rappelons que ces 0.9% sont le résultat d’une décision du conseil européen (12 juin 2007), estimant que la dissémination était inévitable mais que les effets des OGM acceptables au dessous de ce seuil. C’est un moyen de tuer la filière bio, petit pas par petit pas. [↩]