In " Notices sur les colonies françaises : accompagnées d'un atlas de 14 cartes"
Auteur : France. Ministère de la marine et des colonies
Éditeur : Challamel aîné (Paris)
Date d'édition : 1866
(Illustrations et liens ajoutés au texte d'origine)
Résumé historique.
L'île Mayotte, qui fait partie du groupe des Comores, presque ignorée des Européens jusqu'en 1840, est cependant habitée depuis six cents ans. Les premiers habitants connus sont des noirs de la côte d'Afrique, d'une tribu ou d'une partie de côte appelée Mouchambara. Lorsque les Portugais abordèrent à Comore, le chef arabe qui y commandait échappa à leur tyrannie avec la plus grande partie des siens. Il arriva sans difficulté à Mayotte, dans la baie de Zambourou, où il construisit une ville dont les restes existent encore. A peu près à la même époque, des Sakalaves de Madagascar vinrent demander à s'établir à Mayotte et obtinrent la cession de cette partie de l'île que l'on nomme aujourd'hui Mon'sapéré. Pendant que ces Arabes et ces Sakalaves s'établissaient à Mayotte, une riche et nombreuse peuplade de Chiradzy, au nord de Sohely, ayant pour chef Mohamed-ben-Haïssa, s'empara de la Grande-Comore, puis des îles Anjouan et Moheli et leur donna pour chefs ses deux fils. Ce même Haïssa, ayant entendu beaucoup vanter Mayotte, vint visiter cette île; il fut accueilli en ami et épousa la fille du sultan qui y régnait. A la mort de son beau-père, il lui succéda et fit bâtir une ville sur un des plus riches plateaux de l'île. Cette ville fut appelée Chingouni, et l'on voit encore aujourd'hui, comme témoignage de son existence, les restes dégradés d'une mosquée et d'un tombeau que l'on dit être celui de Moina-Singa, fille de ce sultan, et auquel elle avait succédé dans le gouvernement de Mayotte,
Jusqu'en 1830, l'histoire de Mayotte est assez obscure. Vers cette époque, Andrian-Souli, roi des Sakalaves venait d'être chassé par les Hovas de la côté N. O. de Madagascar, lorsque le sultan de Mayotte, nommé Amadi, qui s'était lié d'amitié avec lui dans son enfance et qui avait épousé une de ses parentes, lui fit offrir, par son fils Buanacombé, de partager avec lui la souveraineté de Mayotte. Andrian-Souli hésitait, lorsque dans l'intervalle, Amadi fut massacré par son frère qui prit sa place. Buanacombê renouvela les offres faites par son père et engagea Adrian-Soûli à hâter son arrivée. Ce dernier se décida à accepter, l'usurpateur fut renversé et Adrian-Souli fût reçu à Mayotte comme un père. Une partie de l'île lui fut assignée en toute propriété et il commença à la cultiver avec les Sakalaves qu'il avait amenés de Madagascar. Mais bientôt des querelles s'élevèrent entre les, gens d'Andrian- Souli et ceux de Buanacombé et la guerre éclata entre' les deux chefs. Buanacombé, chassé de Mayotte, chercha un refuge à Mohéli, près de Ramanateka, à qui il fit cession de son île, pour prix de son hospitalité. En 1836, Ramanatéka envahit Mayotte et en chassa à son tour Andrian-Souli. Ce dernier se réfugia chez Abd-Allah, sultan d'Anjouan, mais il rentra bientôt en possession de Mayotte, grâce à l'assistance de ce chef qui vint ensuite attaquer Ramanateka à Mohéli.
Abd-Allah échoua dans cette entreprise; son escadrille ayant été jetée à la côte dans un coup de. vent, il tomba entre les mains de Ramanateka qui le laissa mourir de faim en prison.
Allaouy fut proclamé sultan d'Anjouan à la place d'Abd- Allah son père, et avec l'appui d'Andrian-Souli, son beau- père; mais il fut renversé par son oncle Salim qui favorisa en même temps une révolte à Mayotte contre Andrian-Souli.
Celui-ci parvint à se rendre maître de la révolte et à rester seul possesseur de Mayotte.
Tel était l'état des choses en 1841, lorsque M. Jehenne, alors lieutenant de vaisseau, commandant la Prévoyante, visita Mayotte et fut frappé des avantages remarquables que présentait cette île. Peu de temps après, M. Passot, capitaine d'infanterie, envoyé en mission auprès du souverain de Mayotte, par le contre-amiral de Hell, concluait avec Andrian-Souli, le 25 avril 1841, un traité qui nous assurait la possession de l'île, moyennant une rente annuelle de 5000 francs, et l'engagement de faire élever à la Réunion deux enfants du sultan. Trois prétendants contestaient à Andrian-Souli la légitimité de sa possession, c'étaient:
- 1° Buanacombé, ancien sultan de Mayotte ;
- 2° Ramanateka, sultan de Mohéli;
- 3° Salim, sultan d'Anjouan. Mais toutes ces prétentions furent successivement écartées.
Buanacombé, seul prétendant sérieux, mourut peu après; Ramanatéka est mort aussi, en léguant la souveraineté de Mohéli à sa fille qui n'a cessé depuis lors de vivre en bonne intelligence avec l'autorité française.
Enfin Salim, qui avait succédé comme sultan d'Anjouan, à Allaouy, décédé à Maurice en 1842; et qui eut pour prétendant à cette succession un de ses parents, Saïd-Hamza, a renoncé positivement à tous droits de souveraineté sur Mayotte, en reconnaissant " comme une chose juste et vraie que, depuis la mort du sultan Allaouy, les sultans d'Anjouan n'avaient aucune espèce de droits à faire valoir sur l'île Mayotte et que ses habitants étaient libres d'en disposer suivant leur volonté. "
Le traité passé par le capitaine Passot fut donc ratifié par une décision du gouvernement français du 10 février 1843, et la prise de possession de Mayotte fut effectuée le 13 juin 1843, par M. Passot, en présence de M. Protet, commandant de la gabare la Lionne, et de deux détachements d'infanterie et d'artillerie de marine destinés à tenir garnison dans l'île.