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Le Barnum du vagin ou comment taper sur les juges pour pas cher…

Publié le 30 mai 2008 par Lgb

L’une des grandes spécialités du sarkozysme fut, dès l’origine, la haine du juge et de l’institution judiciaire.Le Barnum du vagin ou comment taper sur les juges pour pas cher…

Étrange pour un ancien avocat, cette haine inexpiable, permanente et hypocrite procède de deux fondements facilement identifiables, et d’ailleurs essentiels au mode de pensée sarkozyste : la haine viscérale de la loi et la détestation des entraves à la liberté d’action absolue (soit deux éléments qui distinguent culture et état de nature).

D’où le projet de dépénaliser le droit des affaires qui empêche les Grands Fauves de la finance de s’enrichir tranquillement.

D’où le matraquage anti-judiciaire permanent visant à décrédibiliser le seul corps de l’État encore à même de lutter contre les carambouilles d’un monde politique de plus en plus affairiste.

D’où la nomination de Rachida Dati, premier Garde des sceaux autotélique de l’histoire de France.

Mais N. Sarkozy n’est pas seul, et à force d’être abreuvée de prêt-à-imprimer, la presse en est venu à développer des réflexes anti-judiciaires qui lui permettent de faire du sarkozysme sans même avoir besoin d’y être poussée.

Le Barnum du vagin ou comment taper sur les juges pour pas cher…

Les réactions outrées que la presse tout entière a fait paraître à propos d’une décision récente du TGI de Lille vont exactement dans ce sens.

Le 1er avril dernier, le Tribunal de grande de Lille a annulé un mariage au motif, nous dit Libé, que “la mariée n’était pas vierge”. Et Elisabeth Badinter, qu’on avait connu plus inspirée, de nous expliquer qu’elle a “honte” de la justice française parce qu’un tribunal a ainsi statué et que

la sexualité des femmes est une affaire privée et libre en France

Le problème, c’est que le tribunal n’a jamais statué en ces termes, n’a jamais fait de l’intimité vaginale de la mariée une affaire publique, et n’a jamais conditionné la validité du mariage en général à la virginité de qui que ce soit, comme le montre le recueil Dalloz 2008, p. 1389 :

Sommaire :
L’épouse acquiesçant à la demande de nullité fondée sur un mensonge relatif à sa virginité, il s’en déduit que cette qualité avait bien été perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement de son époux au mariage projeté. Il convient alors de faire droit à la demande de l’époux de nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles du conjoint.

Le mariage étant un contrat, ce qui est en cause ici est 1. que les époux s’étaient accordés sur la question de la virginité 2. que la puissance publique est chargée de faire respecter les contrats si ceux-ci ont été correctement conclus 3. que l’époux et l’épouse sont tombés d’accord sur le manquement aux engagements pris 4. et que le tribunal n’a fait qu’entériner la chose.

La question n’est donc pas celle de la virginité, de la religion ou d’autres calembredaines du même tonneau, mais bien celle du mensonge et du consentement. Hypothèse de travail : si le marié avait promis monts et merveilles au pieu, que cela avait conditionné le consentement de la belle et que le malheureux s’était révélé être eunuque, la mariée aurait pu elle aussi aller au tribunal : “erreur sur les qualités essentielles du conjoint”…

Ne faites pas comme les journalistes à l’échine souple, à la plume trop rapide et au neurone orienté sens du vent (cf. mon article d’après-demain), mettez de la complexité dans votre monde et lisez les attendus du jugement pour vous faire une idée vous-même :

Selon ses dernières écritures signifiées le 4 septembre 2007, Y… demande au tribunal de : lui donner acte de son acquiescement à la demande de nullité formée par X…, dire que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens, ordonner l’exécution provisoire du jugement.

La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 8 janvier 2008. Après avoir reçu communication de l’affaire, le Ministère public a visé la procédure le 26 octobre 2007 et a déclaré s’en rapporter à justice.

Sur ce : - Attendu qu’aux termes de l’alinéa 2 de l’article 180 du code civil, s’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage ; que, par ailleurs, l’article 181 - dans sa rédaction issue de la loi du 4 avril 2006 applicable à la cause - précise qu’une telle demande n’est plus recevable à l’issue d’un délai de cinq ans à compter du mariage ou depuis que l’époux a acquis sa pleine liberté ou que l’erreur a été par lui reconnue ; - Attendu qu’il convient en premier lieu de constater qu’en l’occurrence, l’assignation a été délivrée avant l’expiration d’un délai de cinq années suivant la célébration du mariage et la découverte de l’erreur ; que l’action en annulation du mariage s’avère dès lors recevable ; - Attendu qu’en second lieu il importe de rappeler que l’erreur sur les qualités essentielles du conjoint suppose non seulement de démontrer que le demandeur a conclu le mariage sous l’empire d’une erreur objective, mais également qu’une telle erreur était déterminante de son consentement ;

Attendu qu’en l’occurrence, Y… acquiesçant à la demande de nullité fondée sur un mensonge relatif à sa virginité, il s’en déduit que cette qualité avait bien été perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement de X… au mariage projeté ; que dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande de nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles du conjoint.

On peut certes déplorer que la question de la virginité soit à ce point obsessionnelle pour certains. Je trouve la chose, pour ma part, aussi grotesque qu’affligeante. On peut aussi déplorer que, dans les rapports de genre, la femme soit évidemment seule soumise à ce type de contrôle ridicule et archaïque, et cela me révolte moi-aussi. On peut enfin juger que cette affaire de rupture de mariage pour une affaire de membrane déchirée est d’une connerie noire, et je suis entièrement d’accord.

Mais un tribunal n’est pas un séminaire de gender studies. C’est un lieu où on applique la loi et où l’on fait, en l’occurrence, respecter les contrats.

Donc taper sur un tribunal qui ne fait que son boulot en protégeant une clause à laquelle, aussi imbécile soit-elle, les deux contractants avaient implicitement souscrit, comme des crétins certes, mais de leur plein gré et d’un commun accord, cela revient à se tromper d’objet, ce qui est évidemment peu surprenant au vu de l’incapacité de notre monde médiatique à développer la moindre pensée tant soit peu complexe.

Cela revient à critiquer le fait de faire respecter les contrats plus que la connerie du contrat tel qu’il a été contracté.

Cela s’appelle faire feu de tout bois pour continuer à bousiller l’une des rares institutions qui résiste encore à l’entreprise de destruction globale de Notre Président.

Cela dénote un sarkozysme atavique et inconscient.

Et cela prouve que ce sarkozysme infecte chaque jour un peu plus les esprits, en faisant primer l’émotion sur tout le reste et la réaction sur la pensée et l’analyse.

D’où les hurlements sur les atteintes à la laïcité (?!??!) et les déclarations de potentats UMP tout soudain soucieux du statut des femmes et convertis, en un claquement de doigt, au féminisme le plus radical.

Ainsi, dans Le Monde :

Au nom du gouvernement, Valérie Létard, la secrétaire d’Etat à la solidarité, a estimé que cette décision était une “atteinte à l’intégrité des femmes et une violation des droits fondamentaux de tout individu”.

Bande de tarfuffes analphabètes. C’est le jour où les contrats ne seront plus respectés que les droits fondamentaux en prendront un coup. À charge pour chacun de ne pas consentir à n’importe quoi et de ne pas épouser n’importe qui…

PS: allez voir l’excellent article de Maître Eolas sur le sujet…


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