Comment une belle et généreuse idée peut-elle tourner au cauchemar absolu ? C'est ce qui est arrivé au superbe projet architectural de Fernand Pouillon à Alger, la cité "Climat de France" ; et c'est ce que nous montre la belle exposition - photo et vidéo - de Stéphane Couturier, à l'hôtel des Arts de Toulon (juillet - septembre 2014).
Un beau projet, donc : une cité conçue comme une ville à part entière, autour d'un "forum", une immense place appelée Place des Deux cents colonnes, et dans laquelle 30000 personnes devaient vivre dans l'harmonie et la convivialité.
Quelques décennies plus tard, 55 000 personnes s'entassent dans une cité inhumaine et délabrée, où plus personne n'entre sans danger ; la place des Deux cents colonnes, loin de constituer un forum ou une agora - lieu de vie, d'échange - n'est plus qu'un espace vide que parcourent inlassablement des jeunes en mobylette ; partout la laideur, la misère, et un gigantisme quasi stalinien...
Stéphane Couturier est parvenu à entrer dans ce gigantesque ghetto ; à filmer et photographier des visages (presque exclusivement masculins : où sont les femmes ? Se terrent-elles chez elles, plus exclues encore que les exclus ?), et à donner à ce monde infiniment cruel et dur une sorte de beauté paradoxale, d'humanité...