Encore un joyau de la parfumerie qui n'a malheureusement pas eu le temps de se faire un nom.
Plus je sens des parfums Gaultier, et plus je me sens obligée de constater que c'est encore un couturier qui semble imposer ses choix avec force et détermination.
Et cela lui sourit plutôt.
Bon, j'avoue que Ma Dame et Kokorico ne me plaisent pas : Ma Dame car très cheap à mon nez, Kokorico car original mais un rien dissonant.
Mais quand on regarde un peu plus attentivement les lancements précédents, il faut avouer que ce sont de jolis parfums, dans l'absolu.
Tout d'abord, Classique, le premier, a attiré les foudres de tous et toutes : un jus indécent, un flacon qui l'est encore plus et un étui boite de conserve assez osé.
La magie a fini par opérer, et c'est un jus qui plait encore beaucoup fort heureusement.
Puis il y a eu le Mâle, parfum que j'aime mais qui a souffert de sa popularité. Longtemps considéré comme un jus trop féminin, trop niche, il a fini par prendre une ampleur telle qu'il s'est banalisé.
Puis sont passés inaperçus plusieurs jus très sympathiques, dont mon coup de coeur, Fragile.
Lancé à l'aube de l'an 2000 (en 1999 très exactement), Fragile est un parfum que j'ai découvert par le biais de ma soeur. En effet, elle avait craqué sur le flacon et m'avait dit qu'en plus, la senteur était très agréable.
J'avais fini par voir le flacon dans les magazines, et moi aussi j'étais tombée en amour devant cette femme élégante au port de tête de danseuse, emprisonnée dans une boule à neige remplie de paillettes dorées.
Véritable chef d'oeuvre, ce flacon était ensuite emballé dans un étui façon carton d'emballage, portant en rouge la mention "FRAGILE", qui est en fait le nom du produit.
Surprenant, séducteur, intelligent !
Quelques années plus tard, j'ai eu la chance de le sentir et je l'ai trouvé beau, très beau.
Mais à cette époque là, je ne savais pas trop quel était mon style, je ne m'étais pas encore révélée, je n'aimais pas me mettre trop en avant, donc porter un jus comme celui ci me faisait un peu peur.
Le temps a passé, j'ai fini par oublier un peu Fragile, celui ci se faisant de plus en plus rare en parfumeries, et d'autres jus me donnant furieusement envie.
Puis j'ai mûri, j'ai fini par me trouver, par accepter que mon amour du parfum était une réalité qui avait son importance.
J'ai découvert la tubéreuse, j'ai appris à l'aimer, et quand j'ai senti un flacon oublié de Fragile dans une petite parfumerie de quartier, elle est venue comme une évidence.
Elle m'a éclaboussé d'innocence tout d'abord (agrumes, néroli enfantin, fleurs virginales et une note douce de pêche), avant de m'entraîner dans une valse narcotique et effrénée qui, un instant, m'a donné le tournis.
J'ai aussi reconnu un accord que je qualifierais de Gaultierade, où la tubéreuse est magnifiée dans sa facette solaire, crémeuse et orangée.
Cette dernière vient apporter du confort à une richesse épicée au caractère bien trempé, au sein de laquelle je reconnais le gingembre, le piment (qui confère à Fragile un trait caractéristique de Visit), la cannelle et la vanille si envoûtante. La marque revendique aussi la coriandre mais sur le coup, je n'ai pas réussi à la reconnaître.
J'ai conservé la touche olfactive une bonne semaine dans la poche de mon manteau, et en la sentant à nouveau, j'ai isolé des traces de tubéreuse vanillée mais surtout, un fond boisé ambré très peau, donc fait pour moi, qui n'est pas sans me rappeler le rendu de L de Lempicka.
Je n'ai pas acheté le jus dans cette petite boutique car ce mois ci, je suis un peu en difficultés au niveau financier, mais vivement le mois prochain ! J'ose espérer que le magnifique flacon de l'eau de parfum m'attendra sagement ...
Une once d'innocence dans une peau de séductrice, voilà en résumé ce que traduit très bien ce joli parfum autour de la mystérieuse tubéreuse.