Route incrustée de cellules photovoltaïques, à Krommenie, dans le nord-ouest des Pays-Bas
L’énergie solaire n’est plus un luxe hors de prix. Dans les régions les plus ensoleillées du monde, et là où l’énergie conventionnelle est la plus onéreuse, le kilowattheure (kWh) issu de l’énergie solaire est d’ores et déjà produit au même coût que le kilowattheure conventionnel.Cette évolution est largement due à la chute de 70 % en cinq ans du prix des composants. Cet effondrement, qui a rogné les marges des fabricants et fait de nombreuses victimes, a aussi contraint les acteurs à innover pour survivre. Avec un certain succès, puisque le marché de l’énergie solaire photovoltaïque a connu une année record, avec 39 gigawatts (GW) installés dans le monde en 2013 – dont un tiers en Chine –, pour un cumul de 140 GW. Et ce n’est qu’un début. Des études publiées fin septembre par l’Agence internationale de l’énergie voient dans le solaire (photovoltaïque et thermique) la première source d’énergie au monde d’ici à 2050.Avec ce nouvel objectif en ligne de mire, le secteur poursuit ses efforts d’innovation, notamment en continuant d’améliorer le taux de conversion de l’énergie solaire en électricité. Malgré un doublement général ces vingt dernières années, le record commercial de 24 % détenu par la société américaine SunPower reste encore loin du plafond théorique d’environ 85 %. « Un meilleur rendement, c’est plus de kWh au mètre carré pour répartir les coûts, et un prix du kWh qui baisse encore plus vite », rappelle Arnaud Chaperon, directeur de la prospective de Total Energies nouvelles, propriétaire de SunPower. Selon lui, ce sont désormais dans les « soft costs » – installation, raccordement, coûts administratifs, charge de la dette, aujourd’hui aussi lourde que le coût du matériel – que résident les principaux leviers de baisse des coûts.Imaginer de nouveaux usagesCe qui n’exclut pas un effort continu sur les procédés de fabrication, qui, toutes technologies confondues (silicium cristallin, silicium amorphe, couches minces, solaire à concentration), deviennent de plus en plus efficaces et de moins en moins énergivores, coûteux et polluants. Les panneaux fabriqués à partir de silicium cristallin représentent près de 90 % du marché, mais la deuxième génération de couches minces, une technique qui consiste à déposer une fine couche de cellules photovoltaïques sur une plaque de verre ou de métal, n’a pas dit son dernier mot. Malgré un rendement moindre, leur coût nettement inférieur les rend plus compétitives pour certaines applications. Surtout, ces matières souples et légères permettent d’imaginer de nouveaux usages.A titre d’exemple, les inventions de SunPartner, spécialiste du photovoltaïque transparent (et, bientôt, souple), sont utilisées sur des écrans des téléphones portables, du mobilier urbain ou des stores d’avion. Le consortium Soltex que coordonne la start-up française travaille sur un fil photovoltaïque pour textiles générateurs d’électricité, destinés à de multiples applications : vêtements, stores, toits de serres agricoles, garnitures intérieures de véhicules…Autre voie explorée : le couplage du solaire avec la mobilité électrique. Une filiale d’EDF Energies nouvelles commercialise ainsi une installation en « autoproduction » : une ombrière de parking, couverte de panneaux solaires qui alimentent une borne de recharge électrique et n’a pas besoin d’être connectée au réseau. La start-up américaine Solar Roadways conçoit des routes incrustées de cellules solaires, qui permettent aux véhicules de se recharger par le phénomène d’induction.A l’origine focalisée sur l’injection de la production d’énergie solaire dans le réseau électrique, et donc sur le seul rendement, l’innovation porte de plus en plus sur de nouveaux usages visant l’autonomie en énergie d’appareils nomades ou de véhicules, mais aussi de bâtiments, voire de quartiers entiers.Moins de grandes centrales au sol, plus de petits producteurs« Partout, le solaire s’est d’abord développé par le biais de grandes centrales au sol construites par de grands groupes, rappelle Xavier Chollet, cogérant du fonds Clean Energy de la banque suisse Pictet. Mais la croissance future viendra surtout de la production décentralisée. » La compétitivité du solaire est d’autant plus avérée lorsqu’on compare son prix à la facture d’électricité payée par le consommateur final, qui grimpe dans le monde entier. « Dans les pays développés à forte densité, l’innovation viendra plus des possibilités d’autoconsommation des bâtiments que des grandes centrales au sol », affirme Olivier Paquier, en charge de l’activité énergies réparties d’EDF Energies nouvelles.Même la Chine, premier marché au monde, vient d’édicter une nouvelle politique de soutien pour favoriser les installations sur les toits commerciaux et tertiaires et limiter ses investissements dans les lourdes infrastructures de transport entre les centrales au sol et les zones de consommation. En Californie, l’essentiel de la croissance provient du secteur résidentiel, grâce à des conditions fiscales et réglementaires avantageuses.En France, un groupe de travail ad hoc a remis à la direction générale de l’énergie et du climat des recommandations portant sur l’instauration d’une prime à l’électricité autoconsommée et sur les conditions de revente de l’électricité excédentaire sur le marché de l’énergie. « Tout ce qui concourt à rapprocher la production des lieux de consommation permet de limiter les coûts de développement des réseaux, voire de les diminuer, confirme Pierre-Guy Thérond, directeur des nouvelles technologies d’EDF Energies nouvelles. L’enjeu de l’autoproduction photovoltaïque est de subordonner la consommation à la production. » Et non l’inverse, comme actuellement. Ce sont là certains des défis que doivent relever les « smart grids », ces réseaux intelligents qui pourraient à terme mettre à mal le vieux modèle énergétique intégré.
par Transition Energétique
http://www.transition-energetique.org/2014/12/la-revolution-solaire.html