La Grèce a estimé, lundi, que l’Allemagne lui devait 278,7 milliards
d’euros en réparations de guerre pour la période d’occupation nazie. Un
montant élevé et peu détaillé qui peut laisser perplexe.
Cette fois-ci, c'est Athènes qui présente l’addition à Berlin... et elle est salée. Le gouvernement grec a affirmé, lundi 6 avril, que l’Allemagne lui devait précisément 278,7 milliards d’euros
en réparations de guerre, pour l'occupation de son territoire par
l'armée du IIIe Reich entre 1941 et 1944. C’est le point culminant de plus de deux mois d'une polémique entretenue par le nouveau gouvernement grec.
Les experts comptables grecs ont retenu un prêt forcé en 1942 par la
Grèce à l’Allemagne nazie qui s’élève, en euros courants, à 10
milliards d’euros. Les 268,7 milliards d’euros restants correspondent
aux dommages à verser aux victimes de l’occupation nazie et aux
destructions d’infrastructures ou encore aux conséquences (comme la
famine de 1941-42) des saisies par l’armée allemande des stocks de
vivre.
Cette somme à la virgule près, rendue publique par Dimitris Mardas,
le vice-ministre grec des Finances, est le résultat des calculs de la
Cour grecque des comptes qui affirme s’être appuyée sur 55 000 documents
historiques.
Prêt forcé de 10 milliards d’euros
"Je n’ai pas le détail des 55 000 documents épluchés, mais j’ai
tendance à penser que la somme avancée est fantaisiste", affirme à
France 24 Ulf Brunnbauer, spécialiste allemand de l’histoire de l’Europe
du sud à l’Université de Regensburg. Pour lui, le fait que le montant
se rapproche de la dette totale grecque (environ 320 milliards d’euros)
est plus qu’une coïncidence. Ce serait, pour Athènes, une manière de
suggérer à Berlin, qui clame avec le plus de virulence que la Grèce doit
rembourser ses dettes, de baisser d’un ton.
Même d’un point de vue historique, Ulf Brunnbauer estime que tenter
d’établir un solde de tout compte 70 ans après les faits est une
démarche peu crédible. "Il est assez peu réaliste de vouloir faire
maintenant les comptes alors qu’il y a eu un grand nombre de destruction
de documents depuis la fin de la guerre”, assure-t-il.
Pour autant, il ne pense pas que la Grèce devrait tirer un trait sur
toutes ses revendications. Il y a d’une part, la question du prêt forcé
de 10 milliards d’euros dont Berlin peut difficilement nier l’existence.
La Grèce devrait, par ailleurs, pouvoir négocier davantage pour les
descendants des victimes des exactions nazies. Berlin assure que le
dossier est clos depuis 1959 :
l’Allemagne fédérale avait accepté de
payer 115 millions de deutschemarks (60 millions d’euros) pour
dédommager les familles des victimes grecques. “C’est un montant léger”,
juge Ulf Brunnbauer. Il rappelle que l’Allemagne a fini de payer, en 2007, les 4,4 milliards d’euros dus aux travailleurs forcés, essentiellement des pays d’Europe de l’Est.
Tentative de diversion
Officiellement, l’Allemagne n’a pas réagi à cette première estimation
des prétentions grecques. Mais les autorités germaniques ont toujours
opposé une fin de non-recevoir aux divers responsables grecques qui ont
évoqué les réparations de guerre.
Début mars, l’Allemagne avait déjà très mal pris les déclarations du
ministre grec de la Justice qui avait jugé possible de geler des avoirs
allemands. Le ministère allemand des Finances affirmait que toute cette
polémique n’était qu’une tentative de diversion. Pour le gouvernement
allemand, ce rappel aux heures sombres de son histoire vise à faire
passer au second plan les débats autour de la dette grecque.
Source : France24