Quatrième de couverture :
C’est le roman du fleuve, de l’Escaut-roi, du mariage, toujours à préserver, des eaux avec les terres qu’elles irriguent et qu’elles minent. C’est le roman d’une femme attachée au fil des saisons, à la surveillance des digues, au combat d’amour avec l’eau. Mais il arrive que les digues cèdent, que le désir soit plus fort. Alors il faudra que la Comtesse de des digues choisisse et qu’elle trouve entre l’homme qu’elle va épouser et le fleuve une nouvelle harmonie.
Nous sommes au pays de Verhaeren, pas très loin d’Anvers, dans les polders qui bordent le vieil-Escaut. Le comte des digues – celui qui veille à l’entretien des digues qui permettent à l’homme de gagner des terres exploitables sur le fleuve et les marées – Joseph Briat vient de mourir. Le meilleur successeur à ce poste, c’est sa fille Suzanne, à qui il a transmis son amour de l’eau, des schorres (prés submersibles), de la marche et son sens de l’honnêteté.
C’est l’histoire d’une année au cours de laquelle Suzanne va « faire son deuil » et passer des fiançailles avec l’Escaut aux épousailles avec un homme qui lui soit aussi bien accordé. Une année, un cycle qui raconte le passé, le présent de « Zelle Zanne » et contient son futur en germe. Une année où Suzanne va s’éveiller et choisir, dans la douleur parfois. Une année au fil des saisons, au gré du vent et de l’eau, une année accordée à la nature, bien plus fidèle et intègre que les hommes, portés à la cupidité, à la vulgarité ou aux cancans jaloux. Une année un peu rebelle aux conventions et qui se terminera dans l’accomplissement de soi.
Dans ce village de digues et d’oseraies, Marie Gevers imprime à travers le personnage de Suzanne quelques clés autobiographiques : la jeune femme parle français, elle a reçu une éducation assez cultivée (en lisant comme l’auteure le Télémaque) mais connaît bien le patois et les coutumes flamandes du pays. Elle désire s’évader, quitter ce lieu mais elle est liée pour toujours à l’Escaut. Entre Monne le brasseur, Triphon le beau paysan flamand et le mystérieux Max Larix, elle devra trouver celui qui lui apportera « une nouvelle harmonie », comme le dit bien la quatrième de couverture.
Harmonie, c’est un mot qui définit bien l’écriture et l’univers de Marie Gevers : il s’accorde bien avec les mots paix, douceur, sensualité, et aussi avec cette narration en cycle, en abyme parfois (comme l’histoire d’amour de la cousine Marieke qui préfigure celle de Suzanne), en spirale surtout, puisque tout aspire à la beauté, à l’apaisement, à l’accomplissement qu’amène la fin de roman. Le premier de Marie Gevers, une grande dame de la littérature belge.
« Suzanne s’en allait naïvement vers ce qu’elle connaissait de plus beau ; le clair de lune sur le vieil-Escaut. Elle s’imaginait que cette splendeur la distrairait de la lourde souffrance qu’elle combattait. Elle ignorait combien une nuit lunaire, chaude et blanche, irrite l’amour chez les jeunes filles.
Ce pays noyé n’était qu’un grand miroir. Si on le regardait vers le couchant, il rougeoyait tout entier aux dernières lueurs du soleil ; si l’on se tournait vers le levant, tout, sous la leine lune montante, s’argentait. » (p. 114)
Marie GEVERS, La Comtesse des digues, Collection Espace Nord, Editions Labor, 1998 – Première édition du roman en 1931, chez Attinger, Paris.
La magnifique couverture est un détail du tableau de Theo Van Ryselberghe, Voilier sur l’Escaut.
L’avis de Nadège qui a présenté ce livre ici même lors du premier Mois belge.
On n’est pas tout à fait à la mer mais on a les pieds dans l’eau et la boue des digues : c’est une lecture que je partage avec Mina, dans notre balade à la côte belge. Cette lecture a eu une résonance particulière, puisque l’Escaut traverse ma petite ville à quelques kilomètres de son entrée en Belgique, je le connais depuis ma plus tendre enfance.
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