C’est dans le cadre du Prix Relay des Voyageurs que j’ai pu découvrir qui était Jacques Lusseyran. Ce résistant de la Seconde Guerre Mondiale, aveugle depuis son enfance, semble avoir quelque peu été oublié des mémoires… C’était sans compter sur Jérôme Garcin (animateur et producteur du Masque et la Plume) qui a décidé de lui consacrer un ouvrage en retraçant son parcours peu ordinaire.
Si en plus d’être à la « tête » de l’une des émissions radiophoniques les plus connues, Garcin est aussi un écrivain reconnu. Si j’aime beaucoup l’homme de radio, l’écrivain m’a un peu moins convaincu. Ce qui est plutôt dommage vu que le sujet de ce roman, Le Voyant, avait tout pour me plaire. Je suis un brin obsédée par la Seconde Guerre Mondiale et découvrir le destin de l’un des résistants piquait sérieusement ma curiosité. Surtout quand on apprend que le jeune homme, aveugle depuis ses 8 ans, se retrouve déporté à Buchenwald à 20 ans, pour ensuite s’expatrier aux Etats-Unis et y devenir prof de littérature dans les années 60… Jacques Lusseyran est d’ailleurs l’auteur de Et la lumière fut, son autobiographie.
J’ai su très tôt, dira-t-il plus tard en se souvenant de son enfance, que la cécité me protégerait contre une grave misère : celle d’avoir à vivre avec les égoïstes et les sots.
Au final, je me dis qu’il aurait été probablement plus intéressant et constructif de lire cette dernière plutôt que l’ouvrage de Garcin. Bon ok, celui-ci ne manque pas de qualités, mais son principal problème vient du parti pris beaucoup trop appuyé de l’auteur. Avec Le Voyant, il essaye clairement de rétablir ce qu’il considère sans le dire à voix haute comme une énorme erreur, en rétablissant la mémoire de ce héros oublié. Page après page, il fait l’apologie de cet homme et s’il est vrai que sa vie incroyable mérite d’être mise en lumière, trop c’est trop. On sent ici l’admiration béate du romancier pour son sujet. Les défauts de Lusseyran (car oui, il n’était pas parfait, faut pas déconner non plus) sont cependant édulcorés et on lui excuse tout (ou presque). Ce qui en devient presque fatiguant. L’ouvrage aurait pu s’appeler « L’Apologie de Lusseyran » et cela aurait été plus honnête.
Les rescapés intimident. Les survivants sont des statues de verre qu’un simple souffle, fût-il affectueux, pourrait briser.
Le style du romancier en devient parfois un poil niais avec des tournures de phrases qui sentent bon la guimauve. Ce qui ne sert vraiment pas un sujet et c’est bien dommage. Le fond est là, mais la forme gâche le tout. Malgré tout, il est intéressant de découvrir ce parcours atypique et d’en apprendre plus sur Lusseyran.
Le soleil, il ne le regarde pas, il le prend dans ses mains et le dévore à pleine bouche jusqu’à son coucher, où il guette alors le passage solennel de la pellicule d’or à l’eau transparente et enfin au feu rose.
Le Voyant de Jérôme Garcin
Ed. Gallimard / Déjà disponible en librairies