Après les enquêtes du Département V que j'ai critiqué hier soir, Jamais de la vie, le nouveau film de Pierre Jolivet ( Force Majeure, Ma petite entreprise, Filles Uniques), et accessoirement le 2ème film chroniqué suite à ma visite au festival du film Policier de Beaune, sort également demain en salles.
Et celui ci m'a également beaucoup plu, encore plus certainement que les deux thrillers danois, mais il faut dire que le genre du film dans lequel "Jamais de la vie"- que j'ai vu en présence du cinéaste et de l'actrice Julie Ferrier qui n'y joue qu'une petite mais admirable scène- puise sa source constitue au départ un genre que j'affectionne particulièrement.
Car, malgré sa présence en compétition officielle en compagnie de thrillers purs et durs, "Jamais de la vie" est moins un thriller ou un film policier (comme l'était Mains armées, l'excellent précédent film de Pierre Jolivet) qu'une chronique sociale et le portrait d'un homme fatigué qui renait à la vie, et si une vague histoire combines illégales affleure à mi parcours du film, elle sert surtout de pretexte pour redonner à cet homme une raison de vivre, un combat à mener , dix ans après que sa première lutte ( syndicale) lui a fait perdre une bonne partie de ses illusions.Car Franck, l'(anti) héros de "Jamais de la vie" fait partie de ces hommes qui ont soudainement cessé de rêver face aux lendemains qui déchantent, à ces lendemains qui ne lui donnent même pas la possibilité de tirer dignement sa révérence du monde du travail, tant la retraite qu'on lui propose est indécente (une scène à la fois cruelle et drôle, comme tous celles dans le bureau de la conseillère de Pôle Emploi, jouée par la surprenante Valérie Bonneton, loin de ses rôles de crucruche dans des comédies pas toujours terribles).
Gardien de nuit dans un centre commercial, Franck est devenu spectateur de sa propre vie, alors que naguère, ouvrier spécialisé et délégué syndical, c'est lui qui menait les débats, bien avant que l'usure et la fatigue de ces combats vains ne le brisent à jamais.
Alors qu'une vie rangée à attendre la fin en étant exploité par le système semblait être son seul horizon, Franck va finalement choisir de tenter une rebellion, dont les accents certainement plus égoïstes qu'altruistes, n'en sont pas moins admirables.
Récit d'apprentissage qui nous raconte- en prenant son temps et avec un souci de véracité évident- comment un homme retrouve sa dignité qu'il avait perdu en cours de route, "Jamais de la vie" montre aussi à quel point, à partir de petits gestes de courage individuels a priori anodins, on peut tenter de repartir à la reconquête de la solidarité et du bien être collectif.
Pour camper ce homme ordinaire qui va tenter de l'être un peu moins, le choix d'Olivier Gourmet pour l'incarner est absolument judicieux tant l'acteur- décidement à l'honneur cette semaine sur mon blog après l'excellent Terre Battue dont je parle ce soir et dans lequel il était déjà exceptionnel- donne une formidable épaisseur et une belle sincérité à un personnage qu'il a visiblement énormément apprécié (on est pas très loin du cinéma qui l'a fait connaitre, celui des frères Dardenne), et comme ce personnage est de tous les plans du film, sa prestation impeccable donne beaucoup de crédit au film de Jolivet.
Malgré un léger coup de mou au deux tiers du film, et quelques (rares) dialogues trop signifiants, qui enfoncent peut-être un tout petit peu le clou niveau misère sociale (sans que jamais le film ne soit pour autant jamais misérabiliste), ce "Jamais de la vie" est une très belle chronique sociale pleine d'humanité, qui confirme tout le talent de cinéaste de Pierre Jolivet , pour un film qu'on aurait tort de bouder en ce début avril!
"Jamais de la vie" de Pierre Jolivet