L'éminent spécialiste de l'évolution, de la génétique et de la biodiversité, professeur à AgroParisTech, célèbre le génie des animaux. En avouant une tendresse particulière... pour les fourmis !
Le biologiste Pierre-Henri Gouyon. © PHILIPPE QUAISSE/PASCOANDCO
Des fourmis menacées par la montée d’une rivière qui s’assemblent en un radeau vivant pour sauver leur reine ; des fauvettes capables de prévoir la survenue d’un ouragan ; des dauphins fomentant des alliances à plusieurs niveaux pour rapter des femelles ; des éléphants qui enfouissent leurs morts sous des branchages en un rituel funéraire … Tous ces comportements qui vont de l’intelligence collective à l’empathie, en passant par l’inventivité et l’innovation, sont le fruit d’un seul et même processus : celui de l’évolution. C’est ce que nous explique, en introduction de notre hors-série consacré au « Génie des animaux » (disponible à l'achat en version électronique via l'encadré en bas de page), Pierre-Henri Gouyon, éminent et populaire spécialiste de l’évolution, de la génétique et de la biodiversité. La courte vidéo présentée ci-dessous a été tournée dans le cadre de cet entretien.Professeur au Muséum d’Histoire naturelle, mais aussi à AgroParis Tech, à Sciences Po et à l’Ecole normale supérieure, il est l’homme qui, selon ses propre mots, "a réintroduit l’enseignement de la biologie évolutive en France après une éclipse de près de deux siècles" (voir le portrait de notre journaliste Rachel Mulot dans Sciences et Avenir mensuel d’octobre 2013, reproduit en bas de page). Un passeur idéal, chaleureux et stimulant, qui ne cesse, aujourd’hui encore, de s’étonner de l’incroyable « intelligence » du mécanisme découvert par Darwin dont, dit-il, "l’espèce humaine, dans son infini manque de modestie, n’arrive pas à accepter l’efficacité". Simplissime, puisqu’il s’agit de laisser les choses varier au hasard, de trier a posteriori ce qui a marché et de recommencer, ce mécanisme aboutit pourtant à cette incroyable complexité que nous explorons dans notre édition du printemps 2015."L’enseignement des SVT à l’école primaire est insensé"Voici un extrait de l'entretien accordé par Pierre-Henri Guyon à Dominique Leglu (directrice de la rédaction de Sciences et Avenir) et Aline Kiner (rédactrice en chef du hors-série) :
"Le biologiste Theodosius Dobjansky a eu un jour cette formule : 'Rien en biologie n’a de sens si ce n’est à la lumière de l’évolution'. De ce point de vue l’enseignement des SVT à l’école primaire est insensé – au sens où il n’a pas de sens. On y définit les espèces comme différentes formes vivantes qui ne se reproduisent pas entre elles. Et point barre ! Comme si elles avaient été créées. Puis un beau jour, en 3e, les élèves entendent parler d’évolution. Et s’ils ont de la chance, avant la terminale, on leur expliquera la sélection naturelle. On me dit qu’il s’agit de respecter un ordre historique. Dans ce cas, enseignons aux élèves que la Terre est plate… jusqu’en 3e où on leur apprendra qu’elle est ronde !
On devrait plutôt commencer, en primaire, par expliquer que le monde vivant s’est constitué à partir d’une multitude de petits éléments, puis s’est organisé, complexifié, avec des bactéries, des archées et des eucaryotes qui ont donné d’un côté des animaux et des champignons, de l’autre des plantes et des algues. À partir de là, on peut introduire la notion d’espèce en disant que, dans cette immense arborescence, il y a des rameaux auxquels on donne des noms : règnes pour les grandes branches, puis classes, genres, familles et espèces. Si on expliquait dès le départ aux gamins que la vie a évolué, qu’elle évolue encore, qu’il y a des phénomènes qui permettent de créer de la nouveauté tout le temps… ils auraient une vision du monde vivant tout autre".
Portrait de Pierre-Henri Gouyon
Par Aline Kiner Publié le 04-04-2015
http://www.sciencesetavenir.fr/animaux/20150402.OBS6316/pierre-henri-gouyon-chaque-forme-vivante-est-enthousiasmante.html