Le TREG une marche nordique « saharienne »
Si vous ne risquez rien, vous risquez encore plus ! Fort de cette maxime, je me suis inscrit à la seconde édition du TREG, une course de 180 km au nord du Tchad dans l'Ennedi, aux confins du Soudan et de la Libye. Dire que mon entourage professionnel était enthousiaste est plus qu'une litote. La famille, par contre, n'a rien manifesté. Sans doute n'en pensaient-ils pas moins! C'est donc par un dimanche, le 1er février, qu'Air France nous a convoyés vers N'Djamena (ex Fort Lamy) capitale du Tchad, au sud du pays. Dans la foulée, après être sorti d'un aéroport ressemblant à un chantier en démantèlement, un bus nous a véhiculés toute la nuit. Vers 10 h 30 le lundi matin nous embarquons dans des lands cruiser Toyota pour 11 heures de 4*4. A 21 h 30, légèrement décatis, nous découvrons le camp monté pour l'occasion, fait de yégués construits dans le style local. Les cuistots ont fait des merveilles, car la cuisine se fait au feu de bois. Crudités, pasta et viande, salade de fruits frais !!
Ici les peintures datent d'environ 8 000 ans pour les plus anciennes, certaines gravures étant encore plus anciennes. Elles sont d'une très grande finesse. C'est aussi l'occasion de rencontrer nos premiers Cram-cram[1] qui ne seront pas nos amis durant la course. La nuit se passe mal, la tourista m'a rattrapé et me rend dubitatif pour la suite.
[1] Cenchrus biflorus, le cram-cram (ou cramcram) (enwolof :xaaxaam) est uneherbacéeépineuse de la famille desPoaceaedont les graines s'accrochent aux vêtements. Elle est adaptée aux zones tropicales chaudes et sèches et se rencontre généralement sur les sols sableux.
Au CP3 la nuit est là, le ciel nous offre un spectacle féerique, une quantité d'étoiles inimaginables. Plus d'étoiles au m2 que dans toute notre voûte céleste en France! Nous repartons derrière un chamelier éthique qui finit d'un geste auguste par nous indiquer la route à suivre. C'est évidemment l'occasion de se perdre dans les canyons qui se terminent tous en cul de sac. Beaucoup de temps perdu. Au loin on finit par apercevoir une lumière. C'est Guido, l'italien, qui s'est perdu et qui pense que nous sommes les secours. Situation cocasse, car nous aussi pensons que c'est l'organisation qui a envoyé quelqu'un à notre rencontre, nous voyant errer en suivant nos balises GPS.
Enfin l'Arche d'Aloba, la seconde plus grande arche au monde, apparaît ainsi que le CP4. Je repars assez vite, car je veux un peu plus de sécurité sur les temps limites. Les 25 km suivant se passent bien, la nuit étant propice à la méditation. Je suis bien avec moi-même, je fais partie du lieu. Le petit matin apparaît, le soleil levant illumine l'horizon et toute une série de créneaux de grès qui font penser à une énorme place forte.
J'arrive à 6 h 30 au CP5 au pied de l'Arche de la Lyre, une pure merveille de la nature. Deux heures de repos, à discuter avec le staff médical et les photographes présents.
Je repars pour une étape de 30 km. La chaleur commence à sourdre. Vers 14h après quelques arrêts sous les arbres rencontrés en cours de route, je fais une pause d'1 h 30 sous le dernier arbre présent dans le paysage. Je n'ai plus de pile pour le GPS, les recharges, pourtant neuves, sont HS. J'utiliserai avec parcimonie les piles de la lampe de tête. Il fait trop chaud ! 15 h 30 je repars et rencontre Rocco en 4*4 qui va au-devant de Sylvain qui a déclenché sa balise, par manque d'eau ! Au CP6, au pied d'un rocher gigantesque, je prends mon temps. Je repars avec Sylvain, qui ne veut plus s'arrêter pour éviter une troisième journée de canicule. Je suis derrière pour éclairer et cette étape difficile m'endort, hypnotisé par le faisceau lumineux. Au CP7, arrivé à minuit, je décide de dormir un peu, Sylvain continue. À 2 h 30 je repars, ayant toutefois peu dormi.
L'étape de 18 km passe bien, le sol est plat et porte relativement bien. Arrivé au CP8 près de l'Arche de l'Éléphant, je réveille tout le monde ! Je prends du thé, fais quelques grigris pour les photographes et me lance sur la dernière étape de 17 km.Je termine en courant, entouré de deux coureurs tchadiens venus à ma rencontre. Il est 9 h 30 samedi 7 février. Le rêve s'est réalisé, la réalité s'est révélée encore plus belle qu'escomptée. Je ne résiste pas à l'envie de vous citer Nicolas Bouvier: "Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait".
Olivier