Le Grand Nord, au Chili, ce sont des paysages désertiques, de hauts plateaux, des volcans enneigés. Un spectacle vraiment époustouflant qui laisse sans voix et sans oxygène aussi ! Notre petite incursion dans cette terre rude nous a autant enchantés qu’épuisés!
Le Chili a une géographie vraiment particulière. Plus de 4000 kms de longueur coincés entre les Andes et le Pacifique. Le grand Nord désertique est la région frontalière avec le Pérou et la Bolivie. Nous l’avons découverte en voiture : de Arica au bord du Pacifique au lac de Chungará, à la frontière bolivienne.
Arica, la ville portuaire et balnéaire
À la sortie de l’aéroport d’Arica, sans attendre, le décor est dressé : des dunes de sables, des dunes de sables et encore des dunes de sable. Heureusement, l’approche de la mer offre d’autres couleurs et l’apparition des palmiers parait insolite. Un peu de tropical en plein désert! Arica est une station balnéaire appréciée des chiliens et de leurs voisins. Les plages ne peuvent prétendre au top 10 des plus belles du monde mais dans une telle atmosphère de poussière et de chaleur sèche, on peut imaginer le plaisir de se baigner.
On a logé dans un petit hôtel adossé à une des montagnes (morro) qui entourent la ville. Depuis son sommet (que nous avons héroïquement gravi!), on peut contempler la vue panoramique sur la ville et admirer le christ les bras en croix qui semble vouloir imiter le Christ Redempteur de Rio. Pâle copie si vous voulez mon avis…
Au pied du morro se trouve le port, élément central de la ville. Dans son passé, Arica a eu un rôle économique important comme ville portuaire. Au gré de la bonne santé du port, son activité économique et sa population se sont développées ou endormies. Aujourd’hui, partent du port toutes les marchandises à destination de la Bolivie, laquelle a perdu son accès à la mer dans les batailles territoriales avec le Pérou et le Chili. D’ailleurs Arica n’a pas toujours été chilienne! Du fait de la proximité avec ses 2 pays voisins et de leur histoire commune, il existe une identité régionale assez forte et éloignée du mode de vie de la capitale. Les 3 millions d’habitants de Arica vivent du commerce, de la pêche et du tourisme.
Le centre de la ville est agréable à découvrir à pied avec ses nombreuses rues piétonnes animées. Quelques monuments ont retenu notre attention : l’église néo-gothique, le bâtiment des douanes, le siège de la marine… Les deux premiers bâtiments ont été conçus par Gustave Eiffel ! Encore lui ! Nous avons senti une certaine douceur de vivre dans cette ville où il fait constamment beau ( « l’éternel printemps ») et où il ne pleut jamais!
Nous y avons testé avec plaisir de bons restaurants chiliens et péruviens. L’un deux, en bord de mer, le Rayu, nous a littéralement transportés de bonheur le soir de notre arrivée : une cuisine péruvienne sophistiquée devant la plage et le coucher de soleil !
La côte est presque exclusivement vierge et bordée de grandes falaises. Seule une usine de farine de poisson trouble le paysage.
Arica est plutôt agréable mais ne mérite pas en soi une visite. C’est le point de départ de magnifiques balades dans les Andes. Et c’est ce que nous avons fait !
En quittant la ville à destination des sommets andins, on traverse de luxuriantes vallées. En effet, le fleuve Azapa apporte à Arica et les vallées avoisinantes un approvisionnement en eau et une végétation assez luxuriante en comparaison du reste du Grand Nord. La vallée de Azapa contiguë à Arica a de nombreuses cultures et de très jolies maisons ( probablement les riches habitants de Arica qui recherchent un peu plus d’espace et de calme). Cette vallée abrite les plus anciennes momies du monde, celles des Chinchorros, un peuple indigène qui vivaient là, 12 000 ans avant J-C! Une autre vallée toute proche, la vallée de Lluta nous a impressionnés dans son écrin de sable gris-rose… Des dunes de sables aux différentes couleurs, des vallées vertes d’une beauté inoubliable. Des oasis dans le désert !
Putre : le village où l’on ne respirait plus !
Notre étape suivante a été le petit village de Putre, à deux heures de Arica. Le chemin pour y arriver est déjà en soi un émerveillement Des points de vue sublimes à chaque virage. On a fait une courte halte au petit village de Socorama et ses cultures en terrasse. Situé à 3000 mts, il semblait complètement endormi. Juste deux personnes agées devant l’église : Monsieur en train de s’asphyxier en époussetant un tapis de l’église et Madame assez réservée en train de préparer des bouquets.
On avait lu que Putre était un village charmant et typique dans la montagne et servait de point de départ d’excursions. On confirme ! Mais on n’avait pas réalisé qu’il était à 3500 m d’altitude ! La première chose qui nous a frappés, c’est la température : on a eu froid. On a dû enfiler tous nos vêtements chauds. Il faut dire qu’on a prévu un Tour du Monde en fonction des climats : on ne voulait que du chaud ! L’après-midi de notre arrivée, on a passé du temps sous la couette à guetter le réchauffement de la chambre avec le petit chauffage d’appoint ! La deuxième chose marquante a été le manque d’oxygène. On ne l’avait pas anticipé. Lors de notre voyage l’année dernière dans les Andes du coté argentin, on n’avait rien noté de particulier. Cette fois, on était à bout de souffle pour le moindre effort ! Vous nous auriez vu marcher jusqu’au village , bras dessus bras dessous à la vitesse de l’escargot ! Pitoyable ! Deux petits vieux ! Évidemment, les habitants du village marchaient nettement plus vite !
Le village est tout petit : une église sur une petite place, des maisons en adobe (boue et paille), quelques épiceries miniatures, 2-3 magasins de vêtements typiques en laine de lama. Les habitants sont presque tous habillés avec une superpositions de vêtements de type jogging-sweat. Parfois un chapeau à large bord. Il y a une école mais on n’a vu peu d’enfants. Un jour, une petite fille pleurait à gorge déployée dans la rue parce que sa mère était entrée dans une épicerie sans l’attendre et qu’elle avait perdue une de ses baskets. Quand je l’ai aidée à la remettre, elle a arrêté de pleurer et m’a demandé en fronçant les sourcils : « Tu as une vache, toi ? » – « euh non » assez surprise par la question inopinée. Elle me répond avec une expression de fierté« Moi, oui, j’ai une vache !». Quand Benoit lui a dit que lui non plus n’a pas de vache et qu’elle avait de la chance, elle a rajouté dans un grand sourire qu’elle avait aussi des chiens ! Son grand chagrin était oublié et elle a couru rejoindre sa mère. On l’imaginait lui dire : « Tu sais, il y avait des étrangers, ils avaient même pas de vaches…. » Au delà de cette anecdote mignonne, on peut imaginer que la vie est rude pour les 1200 habitants du village. Ils vivent de l’élevage et de l’agriculture (on aperçoit des cultures en terrasses). Leurs maisons semblent avoir le confort minimum. Certaines baraques en taule nous font craindre le pire sur les conditions de vie de leurs habitants.
Dans le village, il y a 3 ou 4 restaurants qui alimentent essentiellement les ouvriers de la région qui refont les routes. On a mangé les plats typiques dans le restaurant de luxe du village : celui qui propose un choix de plats en plus du menu ouvrier ! On a mangé les plats typiques : de la viande d’alpaga et de vigogne, du quinoa…
On était hébergés dans l’hôtel de charme du village, dans un panorama magnifique. L’hôtel est tenu par un couple d’italiens. Madame était un espèce de pit-bull qui avait sans doute appris l’hôtellerie dans un camp militaire germanique et dont le passe-temps était de hurler sur son mari, en agitant les bras! On s’est demandé chaque matin si elle ne l’avait pas découpé en morceau et enterré dans le jardin après la dernière crise! Ils vivaient là depuis 6 ans et on se demande comment ils faisaient. Il faut vraiment aimer le calme et le trekking pour choisir de vivre à Putre! Ou alors, adorer s’engueuler au milieu des montagnes, au choix.
Notre séjour de 2 jours à Putre a été franchement difficile parce qu’on manquait de souffle pour les moindres mouvements et aussi parce qu’on n’a absolument pas dormi ! Moi, la grosse dormeuse, je n’ai toujours pas compris pourquoi je ne pouvais pas fermer l’œil! Une des explications est peut-être que j’ai un peu forcé sur la coca : infusions de feuilles de coca, machouillage des feuilles de coca, bonbons de coca, etc.
infusion de feuilles de coca
Je voulais lutter contre le mal des montagnes avec les méthodes locales. Résultat : une nuit d’insomnie complète avec des douleurs d’estomac et des intestins en vrac. Suite à cette expérience, j’ai arrêté la coca mais le problème est resté le même : impossible de fermer l’oeil ! Avec ces nuits pénibles, affronter le froid hors du lit, prendre une douche et monter les marches pour rejoindre le pit-bull pour le petit-déjeuner était en soi un exploit digne des plus grands explorateurs !!! Heureusement, la perspective de découvrir de nouveaux paysages a été une belle motivation pour rester.
On a fait la route qui traverse les Andes en direction de la Bolivie. Cette même route est prise par les routiers qui partent du port de Arica. On s’est rendus compte que nous étions quasiment la seule voiture de tourisme au milieu de ces poids lourds qui sillonnent des paysages désertiques. La route est goudronnée presque en totalité mais avec des parties complètement défoncées avec des trous énormes. Les camions roulent au pas pour passer les obstacles et nous, on a slalomé entre les trous. Un seul village sur la route : Parinacota (4350 mts).
On a fait un petit crochet pour le découvrir mais deux pas en dehors de la voiture nous ont suffit : impossible de marcher avec la tête qui tourne et les jambes flageolantes. Tout le trajet est vraiment impressionnant. Plusieurs volcans qui pointent à 6000 mètres et des lagunes. Par moments quelques vigognes et alpagas ( les mêmes qu’on a mangés en ragoût!!!) qui broutent dans des prairies vertes surréalistes ( on croirait presque à un mirage!).
Le clou du spectacle est le lac de Chungara à la frontière bolivienne, un des lacs les plus hauts de la planète, à 4500 m. On n’a pu sortir que très peu de temps de la voiture ! Le temps de prendre quelques photos !
On n’a pas tenté le selfie, on avait l’air assez pitoyable ! Les photos qu’on a prises de ces paysages sont assez décevantes par rapport à la réalité. Vu les routes étroites et vertigineuses, on ne pouvait pas souvent s’arrêter et quand c’était possible, ça devait être rapide ! Les mots me manquent pour décrire la beauté des paysages… Des heures de route dans des contrées désertiques et majestueuses. Pas d’humains (sauf les routiers), peu d’animaux et une végétation très réduite ( de rares cactus appelés cactus candelabres). Des couleurs que je rêverais de savoir reproduire en aquarelle. Un ciel bleu qui semble être là juste en toile de fond pour mieux mettre en valeur les montagnes imposantes.
Cette beauté ne nous fait pas oublier qu’on est dans un territoire hostile non seulement à cause du climat désertique mais aussi en raison de son activité volcanique et sismique. Le dernier gros séisme dans le Grand Nord a partiellement détruit Arica et Putre en 1880. De nombreux volcans sont actifs. Et pour ajouter à tous ces aléas, la région de Atacama un peu plus au Sud vient de subir des pertes humaines et matérielles en raison de grosses inondations. Notre étape suivante est justement la découverte du désert d’Atacama ( dans une partie épargnée par les inondations).
Je vous écris ces lignes depuis la gare routière de Arica où nous allons embarquer dans un bus de nuit pour San Pedro de Atacama, point de départ d’excursions qui semblent magiques. Et si Putre et sa région n’étaient que l’apéritf de notre périple chilien ?
Je vous raconte très vite…