la veuve et ses deux amants

Publié le 05 avril 2015 par Dubruel

~d'après LE REMPLAÇANT de Maupassant

Ce jour-là, nous discutions, Mon ami Paul Lermois, Capitaine des Dragons, Et moi, Assis à la terrasse d'un café. -" Cette dame qui vient de passer, Tu l'as vue ? C'est Mme Jardel. " -" Cette personne au bonnet de dentelle ? " -" Oui. Son mari était notaire À Pithiviers. Et elle, utilisait le premier clerc ...Pour son service particulier ! " -" Elle aimait les hommes somme toute. ...C'est naturel ! N'aimons-nous pas les jolies demoiselles ? "

-" Si, si. Mais voici la suite, écoute : Hier, deux hommes de ma compagnie, Les brigadiers Lagoutte et Magny Se flanquaient une de ces tripotées ! Ils se battaient ...Pour cette Mme Jardel ! Je les sépare et Lagoutte m'interpelle : -'' Y a z'environ dix-huit mois, Je me promenais avenue du Bois Quand m'aborda une particulière : -'' Voulez-vous, beau militaire, Gagner dix francs, Chaque semaine, et honnêtement ? '' J' lui dis oui. Alors, elle me dit : -'' Venez chez moi demain à midi Je m'appelle Mme Jardel Et j'habite 6 rue de Grenelle.'' -'' J'y manquerai pas.'' Puis elle me quitta, L'air content En ajoutant : -'' Je vous remercie.'' -'' C'est moi qui vous remercie.''

Le lendemain à midi, rue de Grenelle, Je sonnais chez elle. -'' Dépêchons-nous, mon chat Parce que ma bonne pourrait revenir.'' -'' Qu'est-ce que j' dois accomplir ? '' Alors elle se mit à rire et riposta : -'' Tu ne comprends pas ? Viens t'asseoir près de moi, là. Et jure-moi, mon minet, qu'après, Tu resteras muet. Sinon, Je te fais mettre en prison.'' Je lui ai juré ce qu'elle a voulu, ...Mais j'y étais plus. Pi v' là qu'ell' m'embrasse Et qu'ell' m' jette à la face : -'' Tu veux bien ? '' J' comprenais rien. Alors, ell' me fit saisir clairement De quoi i' s'agissait vraiment. Alors j' lui ai montré qu' dans l'armée On n' reculait jamais. Mais à c't' heure, Ça m' tentait guère Vu qu' la particulière, Elle était pas dans la primeur. Mais faut pas s' montrer regardant, Car i' s' fait rare l'argent. Corvée finie, ell' aurait bien voulu M' garder un peu plus. Alors j' lui ai dit : -'' Un p'tit verre, ça coûte deux sous, Deux p'tits verres, ç'est quatre sous.'' Ell' comprit Et m' donna dix francs.

V'là deux ans Qu' ça dure, mon cap'taine. J'y vas chaque semaine. Or mardi, J' me trouvais indisposé. Pas moyen de m' déplacer. J' me mangeais les sangs, Rapport aux dix francs Dont j' me trouvais accoutumé. Si personne y va, j' suis rasé. Qu'elle prendrait un artilleur. Vrai ! Et ça, ça m' révolutionnerait. J'appelle Magny, que nous sommes pays Et j' lui fais le récit : -'' Vas-y. Y aura cent sous pour toi, Cent sous pour moi. '' Y consent, et le v'là parti. Y frappe ; ell' l'introduit. Ell' l'y regarde pas, S'aperçoit point qu' c'est pas l' même. Un soldat et un soldat, Quand ils ont l' casque, c'est idem. Soudain, ell' découvre la transformation. Consternation ! -'' Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ?'' Magny démontre que j' suis indisposé, Expose que j' l'ai adressé Comme remplaçant. Ell' l'accepte vu qu' mon bonhomme, Il est pas mal de sa personne. Mais quand c't garnement Fut revenu, Il voulait plus Me donner mes sous. Alors j'y dis, j' vous l'avoue : -'' T'es pas délicat pour un dragon. Même que tu déconsidères not' garnison.'' -'' C'te corvée-là, Ça valait ça.'' J'y ai mis mon poing dans l' nez, Saperlipopette ! Chacun son jugement, pas vrai ? Vous avez connaissance du reste. '' -" Comment ça s'est arrangé ? Dis-moi donc. " -" Mme Jardel a gardé ses deux dragons ! "