Tandis que les solutions alternatives de crédit se développent grâce à l'exploitation des masses de données générées par l'économie numérique, les acteurs historiques continuent à s'appuyer sur des scores établis selon des méthodes en vigueur depuis des dizaines d'années. La situation est cependant en train d'évoluer, doucement.
Aujourd'hui, lorsqu'un client souhaite réaliser un emprunt ou souscrire une carte de crédit auprès de sa banque, celle-ci interroge les bases de données d'un établissement de scoring afin de déterminer sa « fiabilité » (c'est-à-dire son risque de défaut). Cette information est estimée principalement sur l'historique de l'activité financière du demandeur, dont, par exemple, la régularité de ses remboursements de crédits antérieurs. Problème, les consommateurs qui n'ont aucun antécédent ne peuvent être évalués de cette manière et se trouvent, de fait, écartés du système.
Afin de combler ce vide, qui concernerait tout de même 50 millions d'américains, un des spécialistes du secteur, FICO, expérimente actuellement une nouvelle approche du scoring, fondée sur l'utilisation de données non financières. En collaboration avec Equifax, qui lui fournit des informations sur le paiement de factures (de télécommunications, d'électricité…), et LexisNexis, qui lui donne accès aux registres de propriétés, l'entreprise affirme pouvoir offrir ses services pour 15 millions de personnes supplémentaires aux États-Unis, tout en maintenant ses standards de qualité.
En pratique, les institutions financières clientes de FICO (notamment les émetteurs de cartes de crédit, dont une douzaine participent à l'expérience pilote en cours) pourront adopter la nouvelle solution en toute transparence, à travers les interfaces qu'elles ont déjà mises en œuvre et avec des résultats qui restent basés sur les mêmes échelles de score. Simplement, moyennant la souscription d'un abonnement supplémentaire, elles obtiendront des informations sur des individus qui n'étaient pas référencés jusqu'alors.
En comparaison des solutions émergentes telles que celles de Hello Soda, Alibaba ou encore Kreditech, qui mettent en œuvre l'analyse de données issues d'une myriade de sources différentes (dont, par exemple, l'activité des internautes sur les médias sociaux), ces premiers pas vers les « big data » des établissements traditionnels – dont FICO n'est qu'un représentant parmi d'autres – sont encore relativement timides. Pourtant, le besoin de cibler les populations sous-bancarisées ne va aller qu'en croissant.
En effet, l'objectif n'est pas – comme semble le croire, naïvement, Andrew White de Gartner – d'« abaisser les standards de qualité » dans l'attribution des crédits. Il s'agit au contraire de permettre à des personnes dont la qualification ne peut être mesurée par des outils classiques de bénéficier des mêmes opportunités que leurs pairs. À une ère où de plus en plus de jeunes (pas nécessairement démunis) se détournent des banques et font appel à des acteurs alternatifs de la finance, une catégorie entière de clientèle ne pourra ainsi être atteinte sans changer de méthodes.