Nucléaire iranien: un compromis «historique» est conclu

Publié le 04 avril 2015 par Plusnet
Épilogue d’une épopée diplomatique d’un an et demi, les grandes puissances et l’Iran ont conclu jeudi à Lausanne un accord d’étape « historique » sur le nucléaire iranien, ouvrant la porte à un accord final, sans toutefois lever toutes les inquiétudes et la méfiance réciproque.   
Après un incroyable marathon de tractations de 18 mois entre Genève, Vienne, New York et Lausanne, et une dernière ligne droite de discussions ininterrompues pendant huit jours et nuits au bord du lac Léman, les négociateurs sont parvenus à s’entendre sur la majorité des points clés du dossier.
  L’accord-cadre conclu entre Téhéran et le groupe 5+1 (États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Chine et Allemagne) marque un tournant dans le dossier du nucléaire iranien, qui empoisonne les relations internationales depuis plus de 12 ans.
  En conférence de presse à Lausanne, la chef de la diplomatie européenne, Frederica Mogherini, a déclaré qu’une « étape décisive » avait été franchie après plus d’une décennie de travail. Le ministre des Affaires étrangères de l’Iran, Mohammed Javad Zarif, a ensuite fait la même déclaration en persan, la principale langue parlée en Iran.
  À Washington, le président américain, Barack Obama, a salué « une entente historique » qui, « si elle est pleinement appliquée, empêchera l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire ». Mais il a immédiatement souligné que l’accord final, censé être défini d’ici le 30 juin, ferait l’objet de « vérifications sans précédent » quant à son application. Si l’Iran triche, « le monde le saura », a lancé le président américain. M. Obama s’est beaucoup investi personnellement dans ces négociations, qui ont aggravé les tensions avec le Congrès américain et mis à l’épreuve les relations entre les États-Unis et Israël.
  À Téhéran, la capitale iranienne, la nouvelle a été accueillie dans la joie et l’effervescence. Dans la nuit de jeudi à vendredi, la capitale a été le théâtre de concerts de klaxons et de scènes de liesse dans les rues, les habitants espérant une suppression rapide des sanctions internationales imposées au pays.
  Étape préliminaire
  Le compromis obtenu, comme l’ont souligné les Occidentaux, ne marque toutefois pas la fin de l’histoire, car tous les détails techniques de ce dossier extraordinairement complexe devront être gravés dans le marbre d’ici trois mois. « L’écriture [d’un accord final] doit commencer immédiatement, pour être terminée d’ici le 30 juin », a déclaré le président iranien, Hassan Rohani, sur Twitter.
  Selon l’accord-cadre, l’Iran a accepté de réduire des deux tiers le nombre de ses centrifugeuses, les machines servant à transformer l’uranium qui, enrichi à 90 %, sert à la fabrication d’une bombe. L’Iran maintiendra près de 6000 centrifugeuses, contre 19 000 en activité actuellement. À l’origine, la communauté internationale exigeait que l’Iran ne puisse en garder que quelques centaines. Téhéran a également accepté de ne plus enrichir d’uranium pendant au moins 15 ans dans le site de Fordo, enfoui sous la montagne et de ce fait impossible à détruire par une action militaire. Le site exploitera un programme à des fins médicales.
  Sur la très délicate question de la levée des sanctions, l’accord prévoit que les mesures unilatérales américaines et européennes seront suspendues dès que le respect de ses engagements par l’Iran aura été certifié par l’Agence internationale de l’énergie atomique. Elles seront rétablies si l’accord n’est pas appliqué.
  Les résolutions de l’ONU seront levées dès que l’Iran respectera tous les points clés de l’accord.
  Tout accord final devra être endossé par le Conseil de sécurité de l’ONU, a en outre souligné Federica Mogherini, qui a été au coeur des discussions de Lausanne.
  Autre acteur de la négociation, la Russie s’est félicitée du compromis de Lausanne, estimant qu’il constituait une reconnaissance du droit « inconditionnel » de l’Iran à développer un programme civil. La France, traditionnellement plus dure sur ce dossier, a salué « un accord d’étape positif », mais « il reste du travail à faire », a souligné son chef de la diplomatie, Laurent Fabius.
  Nétanyahou en colère
  L’annonce du compromis a suscité, comme attendu, une réaction d’Israël, qui n’a cessé de monter au créneau ces derniers jours. Le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, très en colère, a averti que cet accord d’étape mènerait à une obtention de l’arme atomique par l’Iran.
  Après l’annonce, Barack Obama a d’ailleurs appelé M. Nétanyahou afin de réaffirmer l’engagement « sans faille » des États-Unis à défendre l’État hébreu.
  Aux États-Unis, les républicains du Congrès ont exprimé leur scepticisme. « Les paramètres d’un accord final représentent un écart inquiétant par rapport aux objectifs initiaux de la Maison-Blanche », a déclaré le président républicain de la Chambre des représentants, John Boehner, dans un communiqué, avant de se dire particulièrement inquiet à la perspective d’une levée à court terme des sanctions.
Source : LeDevoir