413ème semaine: comment Hollande, Valls et Sarkozy se préparent (mal) au Grand Scrutin

Publié le 04 avril 2015 par Juan

Deux ans avant le Grand Scrutin, l'équipe Hollande se met donc en branle. Elle manque de soutiens. Elle a négligé son service-après-vente. Elle s'est coupée de sa gauche sans élargir sur sa droite.  Plus à droite encore, onze proches de Nicolas Sarkozy ont été mis en examen pour une gigantesque fraude au financement électoral.


Le Grand Scrutin
Le Grand Scrutin est cette élection présidentielle qui reste le pivot du régime semi-monarchique dans lequel vit la France depuis 6 décennies. Toutes les attentions du personnel politique national sont rivées dessus. Entre deux échéances, la République s'agite sur ses élections intermédiaires. La dernière fut un désastre de plus pour l'équipe sortante. On enchaîne les bilans maintenant que la vague est passée. On attend la prochaine. Ainsi, le FN a-t-il confirmé qu'il attirait les votes ouvrier et rural; qu'il sait séduire les femmes malgré des positions sociétales totalement rétrogrades; que le Parti socialiste chipe des voix à l'UMP parmi les cadres supérieurs (sic!).
Le troisième tour du scrutin départemental a eu lieu. La mascarade paritaire a fait long feu. A peine une dizaine de femmes ont pris la tête des départements, pour 91 autres mâles et souvent cumulards. Les départements restent des Macholands. Même en Essonne, où le leader UMPiste local George Tron a finalement accepté de ne pas postuler après son inculpation pour viol (sic!), c'est un mâle quinquagénaire qui a été élu président.
Félicitations à tous les Psdts de Conseils Départementaux élus ajd qui incarnent l’alternance @ump et @UDI_off voulue par les Français - NS
— Nicolas Sarkozy (@NicolasSarkozy) April 2, 2015

Les deux tiers des présidences des conseils généraux sont désormais à droite, dirigées par l'UMP ou l'UDI. Le mode de scrutin aidant, le Front national n'a rien obtenu, rien gagné, rien compris tout bloqué qu'il est dans sa stratégie d'alliances. Le FN est un trou politique, dans tous les sens du terme. Son nombre d'élus n'a pas dépassé les 70. Avec un score départemental frôlant le quart de moitié des inscrits, on espérait mieux. Mais le FN a imposé le tripartisme dans les urnes. Jeudi, les écologistes ont réclamé le scrutin proportionnel. Sur le fond, c'est nécessaire, la démocratie craque quand elle éloigne le vote de la représentativité. Mais il faut s'attendre au choc. Marine Le Pen ne prépare pas 2017 mais 2022. 
Au Front national, Jean-Marie le patriarche joue son rôle de président du déshonneur. Il récidive. Le voici qui réitère ses propos sur les chambres à gaz qui lui avaient déjà valu une condamnation en justice.
Jean-Marie Le Pen n'est pas un détail au Front National.
Mediapart a publié quelques SMS envoyés par un responsable du Kremlin. Un pur bonheur ! Il y est question de soutenir financièrement et au plus vite Marine Le Pen, pour la remercier pour son soutien en Crimée. Le FN, est un vrai parti de l'étranger.
 
A Paris, les juges perquisitionnent les comptables du FN.
La scission
Les cotes de François Hollande et de Manuel Valls rechutent. Quelle surprise ! Dans d'autres sondages, on lit combien le départ de Manuel Valls serait souhaité. Mais de remaniement, il ne fut pas question cette semaine.
La fausse surprise de la déroute électorale de dimanche 29 mars, second tour des élections départementales, a provoqué d'étranges réactions. On a cru que Sarkozy parlait de lui en commentant les résultats de son rival: "C'est le mensonge, le déni et l'impuissance qui ont été sanctionnés".
François Hollande n'a rien dit, Manuel Valls a martelé qu'il ne changerait rien et qu'il attendait même que la gauche divisée et oppositionnelle de rallie à sa ligne pour sauver le pays du danger frontiste. Le gars ose tout. Face à lui, les plus virulents étaient à gauche. Cécile Duflot dénonce l'alignement sans discussion réclamé par Valls aux écologistes. Christiane Taubira, pourtant ministre de la Justice, dénonce dans les colonnes de l'Obs les "mots de la droite" trop utilisés par sa gauche de gouvernement, elle fustige et attaque: "la gauche, ce n'est ni le césarisme, ni le bonapartisme, c'est le débat et la diversité". Aux Echos, l'ancien ministre Montebourg devenu dirigeant d'Habitat dénonce "des politiques absurdes", qui "étouffent l'économie et portent la responsabilité de l'augmentation du chômage". Il prévient: "le Parti socialiste est sur la route du Pasok grec". Martine Aubry s'en donne aussi à coeur joie: "Il est insupportable qu'on dise, comme le premier ministre le soir du premier tour, que c'est une victoire car le FN n'est pas la première formation politique de France."
La scission de la gauche frappe aussi l'une de ses plus petites composantes, les écologistes. Les pro-gouvernements se rassemblent samedi à l'Assemblée nationale pour une "démonstration de force". On devrait sourire si la situation n'était pas si dramatique. "C'est le temps de l'affirmation de l'existence d'un pôle écologiste pragmatique et responsable qui défend l'écologie agissant à tous les niveaux" explique François de Rugy, l'un de ses promoteurs. Jean-Vincent Placé, un autre qui attend aussi son strapontin, assène qu'il est "très important que les écologistes soient au gouvernement" si Hollande "verdissait" un peu sa politique.
Quel rassemblement ?
Hollande réfléchit au meilleur coup pour se qualifier second au premier tour de la présidentielle de 2017. Voilà à quoi nous en sommes réduits, c'est bien le drame de la Gauche, Vrauche et Groite confondues. La première n'a aucune chance seule, elle n'a pas réussi à devenir une alternative de gouvernement depuis 2012. Mais la seconde a besoin de la première sans quoi elle n'est rien ou plus grand chose. Ce duo des contraires, comme dans une (mauvaise) comédie de Francis Veber, est donc contraint à l'entente sauf à assumer la disparition. Quelques-un(e)s au Parti socialiste, au Parti communiste, au Parti de gauche et ailleurs l'ont compris. Même Mélenchon a mis un peu d'eau dans son vin.
Il faut que nous soyons lisibles. Je propose une nouvelle alliance avec #EELV, #NouvelleDonne, les #SocialistesAffligés. #RTL
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) March 31, 2015

"Dans socialisme, il y a social" s'exclament quelques députés socialistes. Certes, et après ? 
Ni le parti élyséen ni ses opposants de gauche n'ont suffisamment compris ni mesuré l'écoeurement des électeurs. Dimanche dernier, malgré une campagne sans programme et trop concentrée sur Marine Le Pen, la moitié des inscrits se sont abstenus. La "majorité" hollandaise s'obstine à poursuivre une politique qui n'a porté aucun fruit, ni économique ni politique autre que de l'avoir privé d'une large fraction de ses soutiens désormais réfugiés sur sa gauche ou dans l'abstention. Hollande n'a même pas eu "l'efficacité" de rallier sur sa droite. Le MODEM est parti avec armes et bagages se fondre dans l'UDI alliée avec l'UMP sarkozyste. Alors Hollande travaille au corps un quarteron d'écologistes élus, effrayés à l'idée de perdre leur mandat de député ou de sénateur en cas d'opposition trop forte au locataire élyséen.
Contre Hollande, l'opposition de gauche, ferme ou molle, n'a pas su convaincre au-delà de son petit cercle. Le constat est tristement évident: il n'y a pas d'alternative autonome à gauche de Hollande capable de fonder une majorité. Pour 2017, l'affaire semble ratée. Pour 2022, ce sera le Front national ou la République.
Que les ténors et sous-ténors de ces deux camps, et leurs militants, ne comprennent pas l'urgence à négocier des compromis et une alliance reste l'un des mystères du moment.
Le S.A.V
Hollande masque bien. Il s'obstine."Notre économie redémarre." Il est convaincu que tout est là, tout est prêt pour que la situation économique du pays se redresse vite et fort: des taux d'intérêt très bas, un euro ultra-compétitif pour nos exportations, des crédits aux entreprises accélérés, des baisses de charges faramineuses obtenues grâce aux CICE et au Pacte de Responsabilité, qui font bondir les taux de marges des entreprises de 30% ce trimestre, bref, Hollande a tout donné, ... mais rien de vient. Ou si peu. Le chômage continue sa progression, c'est la fin de la trêve hivernale, et le MEDEF accumule les surenchères libérales.
Donc Hollande fait encore des annonces et beaucoup de Service Après-Vente de ses "réformes". Il se déplace. On se souvient des 150 micro-trips en province réalisés chaque année par Nicolas Sarkozy dès 2010. Hollande n'en est pas là. Cette semaine, il visite les forges de Trie-Château dans l’Oise, une entreprise de fonderie qui a bénéficié d'un prêt d'un nouveau genre lancé en 2013. On y voit un PDG ravi, un assureur ancien animateur des "Gracques" (*) tout content. Et le président s'affiche à côté de machines et d'ouvriers. Il n'a pas le ridicule de faire embaucher des figurants ni d'organiser d'interminables monologues lors de fausses tables rondes sur-éclairées comme son prédécesseur l'aimait tant. Hollande fait dans le classique. Une visite, quelques démonstrations, un discours puis retour au bureau.
Cette fois-ci, le chaland est invité à retenir que 500 millions d'euros ont été débloqués pour favoriser l'investissement "dès la semaine prochaine". Les chiffres se télescopent : 500 millions qui s'ajoutent 8 milliards de prêts aux fonds propres déjà effectués, sur les 14 déjà levés. Quatre-vingt fond créés depuis 2012, qui dit mieux ?
Dans l'Oise, @fhollande a annoncé la création d'un compte personnel d'activité http://t.co/gT3HERyGHZ via @libe pic.twitter.com/p10Ho2hqRp
— Mehdi Mebarki (@MehdiYanis) April 4, 2015

Mais nos médias n'en ont cure.
L'interminable grève à Radio France ou l'affaire de Villefontaine, dont l'extrême droite se régale, mobilisent le peu d'attention que les journalistes ont encore à consacrer à la chose publique. A Villefontaine, un directeur d'école, condamné en 2008 pour détention d'images pédopornographiques, mais réinstallé sans contrôle sous l'administration Sarkozy en 2011, a avoué jusqu'à une dizaine de viols de mineurs.  Depuis, "la parole se libère". Une poignée d'autres cas insoutenables se dévoilent. Pour la droite furibarde, l'occasion est trop belle pour enfoncer le clou contre la jeune ministre de l'Education nationale et accuser de "laxisme" Christiane Taubira. La politique-caniveau, c'est-à-dire celle qui consiste à propager des rumeurs, à affirmer sans démontrer, et à surfer sur les faits divers les plus glauques, a toujours de fervents promoteurs.
Jean-Luc Mélenchon aussi fait dans le SAV, mais du gouvernement grec d'Alexis Tsipras. La droite et la Groite sont toutes mobilisées pour faire croire que Syriza a déjà échoué en Grèce, quelques semaines après sa victoire de janvier. La vie politique est ainsi faite que ceux qui réclament des années de patience pour supporter leurs potions austéritaires sont curieusement impatients à dénoncer l'échec de leurs rivaux dès les premiers jours de leurs prises de pouvoir. En Grèce, Syriza n'a ni gagné, ni perdu. Syriza lutte en milieu hostile. Le 30 mars, Alexis Tsipras a proposé une liste de réformes non encore détaillées. Mais, comme le détaille très justement Mélenchon sur son blog, "on sait déjà ce qui n’y figure pas. Le gouvernement grec a d’ores et déjà annoncé que les mesures 'ne seront en aucun cas le produit d'une réduction des salaires ou des retraites'."
Sarkozy en prison.
L'ancien monarque va proposer au vote de son bureau politique les règles des futures primaires de l'UMP pour le Grand Scrutin. La qualification sera difficile. Mais les primaires UMPistes, comme celles du parti socialiste, seront ouvertes à toute la droite. C'est une petite révolution pour l'ex-parti bonapartiste. Les sondages mettent Sarkozy et Juppé au coude à coude. Sarkozy reste confiant. Mardi, il a sévèrement mouché un Copé qui récusait l'idée de changer le nom du parti.
"Il ne te vient pas à l'esprit qu'il y a des affaires judiciaires qui te concernent qui justifient qu'on change le nom ?" Sarkozy à Copé, le 30 mars 2015.
Car pour l'heure, la véritable affaire est judiciaire. Trois des proches dirigeants de la campagne de 2012 ont été placés en garde à vue puis mis en examen vendredi pour faux, abus de confiance, tentative d'escroquerie et financement illégal de campagne électorale. Il s'agit du député UMP Philippe Briand, à l'époque trésorier de sa campagne; du préfet de Lozère Guillaume Lambert, ex-directeur de de campagne, et prochainement révoqué de la Préfectorale; et de l'avocat Philippe Blanchetier, conseiller juridique. Au total, Mediapart recense 25 collaborateurs de Nicolas Sarkozy "aujourd’hui dans les filets de la justice pour des soupçons de délits financiers". L'ancien monarque n'est que "témoin assisté". La défense des sarko-fans est drôlatique ou ridicule. Alain Marleix dénonce ces magistrats qui "mettent moins d'empressement pour les pédophiles" que pour Sarkozy. Laurent Wauquiez fustige une "récupération" politique.
L'affaire Bygmalion, du nom de cette agence de communication fondé par deux amis de Jean-François Copé qui sous-factura des dizaines de meetings de campagne en 2012, n'a pas livré tous ses secrets. On cherche l'auteur principal... Quel suspense.

Nicolas Sarkozy plaide qu'il ne savait rien. Même à l'UMP, on raconte le contraire. L'homme qui prétend tout savoir, bien gérer et tout connaître, aurait été maintenu dans l'ignorance la plus totale par ses proches. Il n'aurait rien vu, rien deviné alors qu'au final ses frais de campagne ont dépassé du double le plafond légal.
Bref.
Le jour ne s'est pas encore levé.
(*) Bernard Spitz.