Lucia Antonia, funambule se présente comme la compilation de quatre carnets intimes, ceux de Lucia Antonia justement. Cette dernière a perdu sa compagne de fil lors d’un accident mortel. Elle décide alors de quitter la troupe du cirque pour se retirer dans un village en Bretagne.
Entre souvenirs de sa vie itinérante et récit au présent, la funambule nous embarque sur ce drôle de fil tendu au-dessus du vide, entre désespoir et élans vers l’avenir, elle oscille… Les chapitres, d’une ligne à un peu plus d’une page, se lisent chacun comme un texte poétique à part entière. Le décor sur fond de marais salants se prête aux plus belles métaphores qui soient sur la vie me semble-t-il. S’il n’était un roman, Lucia Antonia, funambule pourrait se lire comme un recueil de poèmes. Une très belle introduction à la poésie en prose pour ceux qui n’y sont pas habitués, un très beau roman pour tous. Fragile.
« XIV. Mon ami
Je pensais ne plus le voir.
Comme il travaille dans une voilerie, je l’imaginais à la barre d’un navire lancé sur l’océan.
Je l’ai vu apparaître sur la levée à l’heure où s’éteint l’œil rouge des échassiers.
Il a ouvert un flacon de vin et nous avons dîné au grand air, à la lumière d’un feu.
Les vents tournent à l’est, dit-il, c’est bon pour le sel. »
Daniel Morvan, à chaque étape de ces carnets, abordent successivement et subtilement tous les points clés d’une vie, tous les sentiments, les travers et les plus belles qualités de l’humain, l’air de rien. A mon sens, Lucia Antonia, funambule, avec ses allusions à l’autre, au double, à la sœur, à la fois jumelle et différente, à elle-même, fait étrangement échos aux Textes d’Ombre d’Alejandra Pizarnik… et dire qu’il va me falloir le rendre samedi…