Présentation de l’éditeur :
Le narrateur de ce roman tente de transmettre à deux jeunes Parisiens ce qu’il sait de Germain Nouveau, dont il fut l’ami le plus proche les dix dernières années de sa vie. Mais que sait-on des autres ? Le narrateur, comme tous les témoins, comme tous les « Je l’ai très bien connu », quand il ne sait pas, invente.
Germain Nouveau avait décidé de consacrer sa vie à l’amour, à la poésie et à Dieu. Trois domaines qui relèvent de l’infini. Or, l’infini… De sorte qu’il vivra des amours bricolées, ne sera connu que de rares initiés et brûlera sa folie aux porches des églises de France et du Liban. Un temps à Paris, il fréquentera Charles Cros, Verlaine, divers cercles de poètes. En 1874, il accompagnera Rimbaud dans un mystérieux voyage à Londres. Il poussera ses curiosités de nomade jusqu’en Orient avant de revenir dans le village de sa naissance dans le Var. Il fut beatnik à une époque où le mot n’était pas encore inventé.
Un roman d’une liberté joyeuse, à l’image de Germain Nouveau qui signait certains textes sous le pseudonyme La guerrière et qui se qualifiait en amour de Toutou de sa Niniche.
Je l’avoue, je connaissais Germain Nouveau que de nom et découvrir à la fois le poète qui a partagé des errances avec Rimbaud et la plume de Françoise Lalande m’intéressait doublement. Avant de lire le roman, je me suis un peu informée sur le net à propos du personnage.
Autre aveu, le roman ne m’a pas appris beaucoup plus que mes petites recherches (il faut dire qu’il ne fait « que » 118 pages), il vaut surtout par le point de vue adopté et par l’écriture de l’auteur.
Françoise Lalande choisit de donner la parole à un obscur habitant de Pourrières, qui fut voisin de Germain Nouveau l’homme a été instituteur, si j’ai bien compris, il avait en tout cas le goût de transmettre son amour du français, de la poésie à de jeunes disciples, et il fut le compagnon de marche et de boisson dans les dernières années du poète varois. Son premier contact avec Nouveau, au retour de celui-ci dans sa petite ville natale, a été rugueux mais l’amitié bourrue qui en a découlé immédiatement était bien réelle (toujours dans la fiction, bien sûr). Le voilà qui transmet à son tour de la vie et de l’oeuvre non publiée de Nouveau à deux de ses fans en quelque sorte, venus tout exprès de Paris, eux-mêmes poètes.
Mais que transmettre quand on ne connaît soi-même que des bribes ? C’est à la fois l’intérêt et la limite du roman de Françoise Lalande. L’auteur est certainement bien informée, à la fois sur Germain Nouveau et sur Arthur Rimbaud, à propos duquel elle a écrit d’autres ouvrages, mais les inconnues du narrateur resteront pour nous des blancs dans la biographie de Germain. Cette mise en abyme est un peu frustrante à mon goût, il me semble que la vie de l’homme était assez romanesque pour ne pas avoir recours à un narrateur supplémentaire.
Ceci dit, le style de Françoise Lalande rend compte à merveille de la profusion, de l’excès, de la folie qui caractérisent la vie de monsieur Nouveau. Les phrases coulent, abondent et débordent sur la page, il faut s’adapter à leur longueur au début, elles rendent bien compte du feu intérieur qui devait bouillonner en Nouveau. Elles témoignent aussi de l’amour des mots et de la poésie, de la quête mystique, de la solitude, si rudes, à nouveau comme un feu intérieur en l’homme qui connut et fut bouleversé par la Commune en 1871 et par la Première guerre mondiale, car sa vie ne se limite pas à la seule rencontre brûlante de Rimbaud, autre grand incompris de sa famille et de son terroir.
Pour ma part, la rencontre fut à fois exigeante et un peu frustrante.
« Toujours, c’est de son odeur dont nous nous souviendrons, ce jour-là, le 7 avril 1920, nous avons dit ce n’est pas normal, nous trouvions tous qu’il sentait mauvais quand nous le croisions sur la route, des effluves douçeâtres annonçaient son arrivée, des fumets singuliers flottaient longtemps après son passage, mais ce n’était pas important, nous-mêmes nous ne fleurions pas tous la rose, c’est sûr, mais vraiment depuis quelques jours, on ne l’avait plus aperçu, sa maison commençait à trop fleurer le bouc, alors nous avons dit ce n’est pas normal, et nous en avons parlé au maire, comme si une inquiétude nouvelle nous rongeait, nous les habitants de Pourrières, le maire lui-même s’est montré préoccupé, une odeur comme celle-là, ce n’était plus de l’ordre de l’étable aux brebis, il y avait une nuance humaine dans cette odeur putride, c’était gênant, moins pour le nez que pour l’âme, vous comprenez ce que je veux dire ? » (p. 9)
Françoise LALANDE, Pourquoi cette puissance… Germain Nouveau, Editions Luce Wilquin, 2015
Un grand merci à Lucile et aux éditions Luce Wilquin pour l’envoi de ce livre !
Aujourd’hui 4 avril, cela fait 95 ans que Germain Nouveau (31 juillet 1851 – 4 avril 1920) est mort.
Classé dans:De la Belgitude Tagged: 2015, Editions Luce, Françoise Lalande, Germain Nouveau, Le Mois belge