L'expression "ni ceci ni cela" est associée à l'Inde et à l'advaita vedanta (neti neti en sanskrit). On la trouve dans beaucoup de textes indiens notamment dans la Brihadaryanaka upanishad :
"Nous comprenons maintenant pourquoi on décrit Brahman comme étant “Neti Neti”, ni ceci ni cela. Il n'y a pas en effet de description plus appropriée que ce “ni ceci ni cela”. Quant à sa désignation de “réalité de la Réalité”, elle s'éclaire du fait que si le Prana (énergie vitale) est la réalité, Brahman est la réalité du Prana." II,3, 6 (voir aussi en III-9-26).
Voici un texte du 14eme siècle écrit par un chevalier chrétien teutonique qui contient aussi ce fameux "ni ceci ni cela". Le traité est anonyme; on le connait sous le nom de Théologie allemande.
"Quand la vraie lumière et le vrai amour sont dans un homme, le vrai Bien est connu et aimé par lui-même. (...)
En cette vraie lumière, en ce vrai amour, il ne demeure ni "je", ni "mien", "me", ni "tu", "ton" etc.
Cette lumière connait et indique un Bien qui est tout bien et au-delà de tout bien : tous les biens sont essentiellement un en cet Un et, sans cet Un, il n'est aucun Bien.
C'est pourquoi on n'y aime ni ceci, ni cela, ni "je", ni "tu", etc mais seulement l'Un qui n'est ni "je" ni "tu", ni ceci, ni cela, mais au-delà de tout "je" et "tu", de tout ceci et cela: en Lui tout bien est aimé comme un Bien unique. Comme on le dit :
tout dans l'Un en tant que l'Un
L'Un dans tout en tant que Tout
l'Un et tout bien
aimés par l'Un dans l'Un
et pour l'amour de l'Un,
par l'amour
que l'on éprouve pour l'Un."
Dans ce texte, on retrouve donc le fameux "ni ceci, ni cela" mais encore bien d'autres thèmes présents dans les Upanishads comme l'absolu nommé L'UN (ekam en sanskrit), l'absolu comme lumière (svayamprakash), et l'amour de l'Un pour l'Un qu'on retrouve ici dans la Brihadaryanaka.
II-iv-5: « En vérité, ce n'est pas par simple amour pour l'époux, ma très chère, qu'il est aimé, mais c'est par amour de l'Atman que l'épouse chérit l'époux.
De même, ce n'est par simple amour pour l'épouse, ma très chère, qu'elle est aimée, mais c'est par amour de l'Atman que l'époux chérit l'épouse.
Ce n'est pas par simple amour pour leurs enfants, ma très chère, qu'ils sont aimés, mais c'est par amour de l'Atman que les parents chérissent leurs enfants.
Ce n'est pas par simple amour pour la richesse, ma très chère, qu'elle est aimée, mais c'est par amour de l'Atman que l'on chérit la richesse.
Ce n'est pas par simple amour pour le brahmane, ma très chère, qu'il est aimé, mais c'est par amour de l'Atman que l'on chérit le brahmane.
Ce n'est pas par simple amour pour le kshatriya, ma très chère, qu'il est aimé, mais c'est par amour de l'Atman que l'on chérit le kshatriya.
Ce n'est pas par simple amour pour les divers mondes, ma très chère, qu'ils sont aimés, mais c'est par amour de l'Atman que l'on chérit les divers mondes.
Ce n'est pas par simple amour pour les dieux , ma très chère, qu'ils sont aimés, mais c'est par amour de l'Atman que l'on chérit les dieux.
Ce n'est pas par simple amour pour les êtres , ma très chère, qu'ils sont aimés, mais c'est par amour de l'Atman que l'on chérit les êtres.
Ce n'est pas par simple amour pour le Tout, ma très chère, qu'il est aimé, mais c'est par amour de l'Atman que l'on chérit le Tout.
En vérité, c'est l'Atman, le Soi, que nous devons réaliser, ma très chère Maitreyi – c'est de lui que nous devons écouter parler, c'est sur lui que nous devons réfléchir et méditer. Car, ma très chère, par la réalisation de l'Atman grâce à l'écoute, la réflexion et la méditation, tout devient connaissance. »
Etonnant non? Les textes sont très proches.Pourquoi ?
Parce que c'est la même expérience de l'absolu, et ici presque dans les mêmes mots. Il s'agit également de la même méthode apophatique qui consiste à nier tout ce qui n'est pas l'ultime, pour le dégager des fausses surimpositions et s'éveiller à lui.
voir aussi mon autre post : http://eveilphilosophie.canalblog.com/archives/2014/05/19/29905405.html
jlr