Il y a environ deux ans, j'avais dit à quel point je considérais le romancier Olivier Adam comme un des tous meilleurs romanciers français, si ce n'est le meilleur, en activité.
Certes, ses bouquins ne figurent pas parmi les plus gais de la littérature française (doux euphémisme), mais le fait est que j'apprécie beaucoup sa plume, située quelque part entre lyrisme romantique et noirceur de l'âme, avec toujours en moteur principal des personnages souvent complètement paumés qui cherchent leur place dans une société en chute libre, a ce don incroyable pour rendre les choses de la vie quotidienne d'une grande beauté, parfois d'une profonde tristesse ou mélancolie.
Adam possède avant tout ce don incroyable pour rendre les choses de la vie quotidienne d'une grande beauté, parfois d'une profonde tristesse ou mélancolie. Ils sont parfois sonnés, écorchés par la vie et pourtant ils sont tous d'une incroyable force. Et cette façon de sonder l'intimité de ces personnages à travers leurs difficultés à trouver leurs places socialement m'a souvent complétement épaté. La lecture du dernier roman en date de l'auteur et la vision en DVD d'un film tiré d'une de ses nouvelles ont malheureusement fait un peu modifié cette perception que j'ai de l'auteur...
1. Passer l'hiver : quand une jeune cinéaste adapte-trop mollement- la prose d'Adam
D'ailleurs les cinéastes ne se sont pas trompés, tant, entre Philippe Lioret (Je vais bien ne t'en fais pas) et Jalil Lespert ( Des vents contraires), en passant par Jean Pierre Améris ("Poids Léger "ou "Maman est folle" pour la TV), de bons réalisateurs français ont eu envie d'adapter à leur manière la prose énergique et désespérée en même temps d'Olivier Adam.
Dernier exemple en date avec la jeune cinéaste Aurélia Barbet, qui pour son premier long métrage, Passer l'hiver, a librement adapté Nouvel An, une nouvelle d'Olivier Adam tiré de son recueil de nouvelles justement intitulé Passer l'hiver.
Ce film, que j'ai pu voir en DVD grâce à Ciné Trafic et son opération un dvd contre une chronique (il est sorti le 6 janvier dernier chez Shellac distribution) emprunte donc la trame de cette nouvelle, l'histoire d'une caissière d'une station service vissée à sa caisse un soir de jour de l'an, du moins part de ces personnages usés par la vie, et en quête d'eux mêmes.
Etonnament, le fillm de Barbet s'inspire aussi - pour le personnage de Gabrielle Lazure et de l'épreuve qu'elle a traversé du magnifique roman d'Emmanuel Carrère, D'autres vies que la mienne.
Malheureusement ce mélange entre deux univers littéraires assez différents pour un même personnage ne marche pas très bien, et contrairement au roman d'Adam, les personnages n'existent pas vraiment, faute de chair et d'incarnation.
Du coup, malgré la courte durée du film (1h20), "Passer l'hiver" peine à interesser le spectateur qui a beaucoup de mal à vraiment se passionner au destin de ses personnages.
Dommage car, en quelques scènes, la jeune cinéaste faisait montre d'un vrai talent pour planter un décor ( la station service de nuit existe bien ) et instaurer une ambiance. Visiblement, Aurélia Barbet ,venue des courts métrages ( d'ailleurs plutot intéressants et présents dans les bonus du DVD) est plus à l'aise pour le format court que pour faire tenir une intrigue sur la longueur, mais sans doute est ce un défaut qui se corrigera si la réalisatrice a la chance d'en faire d'autres...
"PASSER L'HIVER"
- En complément
- 3 courts métrages d’Aurélia Barbet
- Hôtel Plasky (2004, 7 min)
- Cette femme à laquelle je pense (2005, 3 min)
- Holiday (2005, 22 min, co-réalisation A. Dreyfus)
- Bande annonce
- 3 courts métrages d’Aurélia Barbet
2. Peine Perdue, quand Olivier Adam s'essaie au roman choral
Et peut-être qu'un( ou une) autre cinéaste adaptera aussi "Peine Perdue", son dernier roman à ce jour, publié à la rentrée dernière chez Flammarion et que j'ai lu à la fin de l'année dernière ?
Il est trop tôt pour le dire, ce qui est sur c'est qu'avec ce nouveau roman, olivier Adam opère un petit changement de braquet. En effet, délaissant la Bretagne, décor habituel de ses romans, pour la cote d'Azur, il en profite également pour livrer un roman plein d'ambition pour se décentrer sur 22 personnages différents, et non plus un seul ( souvent son double inversé) comme il le faisait jusqu'à présent.
C’est à vingt-deux personnages, hommes et femmes, jeunes – pour la plupart – ou plus âgés qu’il donne la parole dans un roman choral où chaque chapitre illustre, éclaire le mystère qui agite la petite station balnéaire de la côte méditerranéenne où tout se déroule.
L'intrigue se concentre sur les vies gâchées ou rêvées de ces 22 personnalités. Un roman puzzle qui recompose la vie de ses personnages vus à travers le regard des autres.
Une perception intéressante qui pourrait paraitre inégale et pas toujours très crédible (manque de nuance et de palettes différentes dans la vision de ces personnalités radicalement différentes), et le portrait du riche mafieux du est dépeint de façon caricaturale. Peine perdue a beau agacer un peu par sa tendance à amplifier la détresse des existences, il ne se lâche pas pour autant facilement.
Il faut dire que le livre est parfaitement construit, car chaque chapitre répond à l'un ou plusieurs des précédents et fait avancer l'intrigue avec souplesse, comme dans les films d'Altman ou d'Inarritu, les références du genre.
Bref, "Peine perdue "n'est pas vraiment le meilleur livre de son auteur, mais reste quand même un roman solide, très bien foutu qui une nouvelle fois peut parfaitement expliquer pourquoi Adam séduit autant les cinéastes et les scénaristes en mal d'inspiration.