Les consonnes et les voyelles, c’est un peu comme le yin et le yang ; il vaut mieux que cela s’équilibre.
Certaines langues sont capables d’enchaîner les consonnes de manière impressionnante.
Les polonais sont peut être les champions, avec des mots comme zanieczyszczenie (qui signifie pollution ; ils ne pourraient pas le dire plus simplement ?).
Je me souviens d’un voyage en Tchécoslovaquie (ce qui ne me rajeunit pas) où j’avais été fasciné par le nom de la ville de Brno.
Le mot hébreu de schwa est devenu un terme de linguistique pour désigner la voyelle neutre, centrale. 4 consonnes puis une voyelle.
Les allemands sont très forts, et surentraînés par l’aspect agglutinant de leur langue, qui donne des mots comme celui ci :
Rindfleischetikettierungsüberwachungsaufgabenübertragungsgesetz (ce n’est pas une blague ; c’est une loi adoptée par le parlement en 1999). Vers la fin du mot l’enchaînement NGSG force mon admiration.
Nous nous en tirons plutôt bien de ce point de vue là en français. C’est quand même assez fort de pouvoir parler de promptitude sans s’étrangler. Beaucoup d’étrangers sont incapables de prononcer ce mot. Mais nous avons nos limites. Si j’enlève le “e” central dans l’expression “à la courtepaille” pour former “à la courtpaille”, c’est très difficile à prononcer sans faire de pause, sans éluder le “t” ni remettre le ”e” à sa place. Un allemand y arriverait même les doigts dans le nez.
Les plus mauvais de la classe en la matière, ce sont incontestablement les japonais. Ils ont un mal fou à enchaîner deux consonnes sans coller une voyelle au milieu. Ils ne savent pas dire “perdu” mais sont obligés de prononcer “peredu”. Pour parler d’une chaîne de fast food dont je ne ferai pas la publicité ici, ils écrivent マクドナルド et prononcent Makudonarudo (je laisse le lecteur prononcer à voix haute pour retrouver le nom de l’infâme Malbouffe)
Et les chinois alors ? Plutôt dans le milieu de la classe je dirais. Ils arrivent à prononcer 当老 danglao (signifiant devenu vieux), avec trois consonnes qui se suivent. Un japonais aurait du mal. Outre le bon coup de fourchette qui fait leur notoriété (on devrait plutôt dire un bon coup de baguettes d’ailleurs), ils excellent dans le coup de glotte (que les francais appellent “H aspiré”).
Mais ce week end, lors d’une grande discussion avec des poètes et des artistes chinois, j’ai été déçu par leur performance en matière de consonnation. Nous avons eu de longues conversations sur Marcel 普鲁斯特 (prononcer Pǔ lǔ sī tè), sur ce monde intérieur qu’il impose aux littérateurs futurs, sur sa querelle avec Gide et sur son influence majeure (ne retenons que Sartre et Foucault), sur son fort désir d’avoir le prix Goncourt, désir qui l’a poussé à manoeuvrer auprès de jurys comme Léon Daudet (fils d’Alphonse et frère de son amant)…
Et je me suis demandé si Proust aurait aimé être affublé de ce nom Poulousiteu qui sonne un peu comme un parasite pouilleux (les japonais ne faisant pas mieux avec leur プルースト Purūsuto) ?