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Anthropologie des petites choses. Entretien avec l’auteur François Pouillon

Publié le 02 avril 2015 par Antropologia

pouillon

Editions Le bord de l’eau, 2015.

1 – Pourquoi ce choix d’une succession de textes courts? 

La taille s’est fixée comme ça, quand je me suis mis à penser à jeter sur le papier, comme on dit, les réflexions « de caractère anthropologique » qui me venaient, en désordre, sur la vie d’ici : je me suis aperçu que j’arrivais vite à saturer ce que j’avais envie de dire, entre 4 et 8 000 signes. Après, j’ai un peu calibré sur cette base parce que, au départ, j’aurais aimé avoir comme une rubrique dans un magazine, un mensuel par exemple, ce qui m’aurait obligé à donner, une fois le ton trouvé, une cadence à la mise en forme de ces pensées désordonnées. Personne n’en a voulu (à part La Revue qui a passé, non sans réticences, le texte sur la polygamie), et je me suis dit alors que j’allais en faire un livre, car c’était la seule façon de me débarrasser de ça. Comme les responsables de la collection « Des mondes ordinaires » aux éditions ont paru intéressés, je me suis mis à y travailler plus méthodiquement. Je pensais m’arrêter à cinquante textes, mais c’est comme ça, on a beau vouloir être  un plaisantin, dès qu’on pense à faire « un livre que les gens vont lire », on finit toujours un peu par se prendre au sérieux – d’ailleurs, c’est bien connu, il n’y a pas plus sérieux que les humoristes.

2 - Est-ce lié à ce retour sur l’Europe ?

Tout le contraire, je n’ai aucune prétention dans ce registre, et d’ailleurs je me suis déclaré libre de dire à peu près n’importe quoi sur beaucoup de choses qui appelleraient de longues études. Il s’agissait seulement de dire mon sentiment d’étrangeté devant les pratiques de mes concitoyens. Car je ne partage pas leurs certitudes, y compris (et surtout) quand elles donnent lieu à de grosses études – voir sur ce point les politologues, les économises et, plus largement, les journalistes.

3 – Comment  tes enquêtes dans le monde arabe t’ont-elles servi ?

J’aurais pu partir de n’importe quelle expérience d’enquête et, d’ailleurs, je fais souvent référence à ma première expérience du dépaysement qui a été ma « montée » à Paris, quand j’avais vingt ans. Mais pour le mode arabe, il s’est agi surtout, pour le Méridional que j’étais, de sentir beaucoup de connivence et du coup, des différences aigües, sur de « petites choses »  précisément qui, du coup, paraissent fondamentales.

4 – Anthropologie des petites choses est-il le « deuxième livre » dont parle Debaene ?

Pas du tout. Dans l’autre livre que j’ai écrit, qui est d’ailleurs le seul que j’ai écrit moi-même de bout en bout (je suis plutôt un homme de collectifs, ou d’articles qui sont toujours construits dans le dialogue, sinon dans la polémique), j’ai mis beaucoup de moi-même : non que j’ai fait avec mon Dinet une biographie « romancée » (il n’y a pas une ligne qui ne soit pas documentée), mais que la connaissance intime de réseaux et des milieux aide à sortir de la fiction anachronique. C’est un peu comme cela que les préhistoriens font leur miel des travaux des anthropologues – et vice versa, j’imagine. Les concepts des autres, leurs interprétations même, aident à sortir de la fameuse « sympathie » qui n’est qu’un leurre : l’amour est aveugle et, en tout cas, très myope.

(Propos recueillis par B.Traimond)



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