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Oh l'espace n'est pas très grand, mais on peut y tourner beaucoup, en rond, en diagonale ou en dérision, on peut y tourner, et même décider d'y retourner, tant le cercle peut sembler carré et vicieux. Dans la galerie Toxic, Arny Schmit a accroché des œuvres aux murs, et il a aussi accroché des murs aux œuvres. Les murs : l'artiste en a fait des surfaces sensibles qui réfléchissent comme des miroirs. Si on y trempe trop le regard, ils vous aspirent, et vous êtes comme Narcisse égaré dans l’eau claire de la source. Ici un murmure, là une déchirure, les murs sont tripdimensionnels et trompent l’œil sans crier gare.L’exposition est ouverte : c’est ce qui est bien en elle, on peut y entrer librement – et aussi en sortir -, on peut y voir plein de choses, rien ne nous est imposé, l’artiste a convoqué un maelstrom d’impressions et d’expressions brouillées, un geyser de pistes en déroute, d’images battues et rebattues, court-circuitées à tout va, malmenées, éventrées, obligées de danser la polka au gré d’un rythme frénétique et sauvage, un château-faible réaménagé en déglingue magnifique.Révolte et ire de l’artiste face à un monde devenu barjo, un monde qui ne recule devant aucun faux-semblant pour assouvir sa faim de rapace décharné, cruel et ridicule et cruel, jusqu’à un point de non-retour.Mélancolie et désenchantement de l’artiste qui a conscience de l’inanité de ses cris dans le désert.Même si cela ne sert à rien, il y a des gestes qui peuvent être exécutés ; des courses qui peuvent être menées ; des cadres qui peuvent être explosés : pour que l’être pensant et créateur ose l'ultime tentative d'explorer les effluves émanant de sa petite personne infinie.
Envahi par les prières délurées d’Arny Schmit, le Toxic est métamorphosé en laboratoire expérimental, où couleurs, motifs et textures s’affrontent, s’effleurent et se tirent la langue comme de vilains garnements tristes. Non, l’habit ne fait pas le moine, et les beaux messieurs sombrent parfois dans le gouffre qui les dévore.
Exposition « Coco & Neoba Rock » - Arny SchmitJusqu’au 29 avril, à la galerie TOXIC 2, rue de l’Eau L-1449 Luxembourg