Magazine Cuisine
… Une parenthèse alpestre dans la tendance actuelle belge de mes billets, pour quelques jours en Suisse, à Genève précisément où le chef Nicolas Darnauguilhem vient d'ouvrir sa table Neptüne. Avec un tréma qu'il est important de souligner, afin de différencier du Neptune qu'il tenait auparavant à Bruxelles, ville que j'ai connue quand il en partait. Nos chemins se sont croisés. J'aurais pourtant aimé le connaître ce Neptune belge au parcours insolite, bar à vins le temps d'une soirée, cave et enfin restaurant, tout d'abord clandestin, puis reconnu. Ma première rencontre avec Nicolas s'est faite lors d'un road-trip gourmand au Danemark - dont je vous parlerai prochainement, non pas derrière les fourneaux mais comme voisin de table(s). J'ai décelé de suite le gourmet curieux qui sommeille en lui, attentif aux saveurs, quelque peu pointilleux ; une rigueur qui se retrouve aujourd'hui dans la maîtrise de sa cuisine.
Ce dernier restaurant, avec sa jolie signature Nourritures Alpestres, est en quelques sortes un retour aux sources dans la région où il a grandi, au pied du Mont-Salève. Il s'imprègne aujourd'hui de la nature qui l'entoure pour la sublimer dans ses plats. Genève s'est imposée comme une évidence, un environnement propice à ce qu'il souhaite amener dans sa cuisine, travaillant les produits locaux tels que la Fera du Léman ou son brochet, la fameuse double crème de la Gruyère, ou encore les herbes et plantes sauvages cueillies dans les montagnes avoisinantes. On devine son attrait pour les Alpes à travers une identité élégante choisie pour Neptüne, blanche comme neige, au nom gaufré qui rappelle les traces à peine perceptibles laissées dans la poudreuse…
Le lieu fait écho à cette sobriété. On pénètre dans un espace feutré et tamisé, une délicieuse ambiance s'installe avec l'arrivée des proches conviés pour une soirée de pré-ouverture intimiste et joyeuse. L'équipe s'active et se met en place doucement, les odeurs affluent peu à peu, le mousseux Mont-Blanc Brut Zéro de Savoie coule à flots, les langues se délient… puis le service s'enchaîne avec adresse, enjoué. On démarre avec une entrée des plus atypiques, car si simple d'apparence, et pourtant. Une déclinaison d'un légume racine souvent négligé (à tort), la betterave : écrasée, rôtie en peau et au cœur cru, huilée, poudrée et croustillante. Betterave & pissenlit. C'est brut, croquant, assaisonné à partir d'huiles maisons qui font toute la différence, ça donne le ton. Suit une Féra crue & fromage de Pierre. Frais, équilibré et beau. Arrive alors un plat unique en son genre, un Brochet vert exceptionnel cuit à basse température, avec un coulis d'épinards et une huile d'olive aromatisée au persil. Puis un Tartare de Simmental au céleri rave présenté comme un tendre petit chausson, on fond. Enfin, un Coffre de canard juste rosé, pommes de terre et échalotes douces comme une caresse, tout en finesse. Sans omettre les incontournables fromages de Suisse et de Haute-Savoie, pour mon plus grand plaisir, pour finir sur une touche sucrée Sarrasin & pomme, un fin sablé de sarrasin et pomme en purée, crème glacée à l'avoine et double crème. Un style affirmé, incisif et franc. Ni plus, ni moins. Je suis - nous sommes - sous le charme…
Ce vendredi treize s'annonçait prometteur, une belle soirée orchestrée par un Nicolas tout en sourires, les yeux brillants : heureux. Tout comme nous, tablée quelque peu délurée autour de jolies assiettes et de vins fantastiques. Il est de ces instants précieux qui enchantent la vie et dont je reste éternellement reconnaissante.
Neptüne, rue de la Coulouvrenière 38, 1204 Genève
Je termine par un petit bout de montagne, que j'ai rejoint dès le lendemain en Haute-Savoie dans une charmante petite station de ski nichée au creux des arbres, Les Carroz. Deux jours de neige et de bonheur, à goûter le silence des montagnes et la douceur des flocons …