Il y a dix ans, la scène rap underground de Boston comptait quelques figures d’un rap qui aurait pu permettre à la vénérable métropole de la Côte Est d’enfin rentrer dans le game. Mais par la petite porte ; ou par la fenêtre, plus précisément… Si elle n’a jamais compté parmi les lieux incontournables du rap aux Etats-Unis, son background musical a lui seul aurait pu justifier qu’elle se retrouve parmi les villes sur lesquelles il faut compter en matière de rap. Berkelee trônant comme un aimant à talents, il n’est pas étonnant de retrouver autour de la mythique école de musique quelques figures singulières. Mais au final, parmi les Mr. Lif et autres Akrobatik, le seul à avoir véritablement marqué de son empreinte, à son échelle, n’est nul autre que le sobrement nommé Edan Portnoy aka Edan ; résident à quelques encablures de Berkelee à l’époque.
Trois ans après la sortie de son premier LP « Primitive Plus », le gros coup d’un rappeur inconnu originaire du Maryland subitement encensé par une presse britannique underground après la sortie de quelques maxis, Edan revient aux affaires sur le Lewis Recordings de Mike Lewis. La connexion Lewis / Hip Hop va permettre à Edan d’asseoir sa légitimité auprès d’une fan base d’auditeurs de rap confirmés au fait des dernières innovations que le rap des souterrains apporte à un genre dans une période de transition évidente. En 2005, le rap underground est en perte de vitesse, la queue de la comète ne proposant plus qu’une poignée de disques mémorables et une palanquée de disques sans inspiration ni envie après les grosses années passées. Dans ce contexte, Beauty & The Beat va s’imposer comme un véritable OVNI d’une fraîcheur et d’une qualité inouie.
Repoussant ses limites, Edan va conjuguer comme personne avant lui son amour d’un monde rock psyché totalement 60’s et du rap de NYC des 80’s de son enfance pour aboutir à ce chef d’oeuvre de 35 minutes de bizarreries rap. Un élément vient résumer ça à la perfection : sa cover mémorable où les grandes figures du rap US des années 80 se voient affûblés de la coupe de cheveux des Beatles ; le symbole d’une approche sans équivalent. L’ambition d’Edan de conjuguer ces deux mondes qui l’inspirent prend vie à travers un I See Colours sous LSD, en guise de 1er single. De quoi poser les bases de sa formule : sur fond d’un sample psyché puisé chez Arthur Hamilton, Edan combine effets en tous genres, rap débridé oscillant entre comique et hommage aux anciens et refrain enfantin étrangement hypnotique.
Tout y est pour faire de Beauty & The Beat l’un des meilleurs albums de son époque et un voyage unique qui ne manquera pas de marquer les auditeurs attentifs ; faisant du jeune rappeur-producteur de 26 ans un artiste singulier dont ses fans de la première heure attendent toujours aujourd’hui le véritable troisième long format.
Audio