Sauf que Fabien a un pressentiment qui le tenaille depuis le début de cette grossesse.
Il a peur que ce petit bébé encore invisible soit atteint de trisomie 21. Il fait une fixette quoi. Au point que ça l’empêche de dormir parfois. Mais…
Mais au Brésil où il vit (sa femme est brésilienne), on ne fait pas de test systématique de dépistage de la trisomie 21 (et l’avortement est illégal de toutes façons)…
Mais en France, où ils reviennent quelques mois avant la naissance, les échographies ne signalent rien d’anormal…
Mais les sages-femmes à la maternité ne trouvent pas que leur nouvelle-née, Julia, ait « une tête de genou » comme dit Fabien (qui lui, trouve qu’elle a bien une tête bizarre, comparée à celle de son petit voisin de couveuse)…
Mais, mais, mais… cette situation va se prolonger quelques jours après la naissance mouvementée de la petite Julia. Jusqu’à ce que… Bam !
Eh bien oui, on ne peut rien vous cacher, Julia est bien atteinte de trisomie 21 (ce n’est pas un scoop, donc je me permets de dévoiler ici cet aspect essentiel de l’histoire, qui justifie à lui seul la réalisation du livre).
Je ne suis pas la première à rédiger une chronique de « Ce n’est pas toi que j’attendais », qui a reçu un accueil enthousiaste de la presse et des blogs.
Oui, c’est une histoire touchante. Et le difficile apprivoisement d’un père envers sa petite fille « pas comme les autres » a le bon goût du réel.
Non, ce n’est pas facile d’accueillir un enfant trisomique : en plus des soins, de l’accompagnement spécial du handicap, il y a le regard des autres, les projections sur l’avenir (que fera mon enfant quand je ne serai plus là). Un enfant handicapé cristallise plus que les autres les angoisses naturelles des parents.
Mais oui, c’est possible, et même source de joie, de grande(s) Joie(s).
Bon je dois dire qu’en tant que mère d’une poulette de 6 mois, j’ai eu de la peine pour la petite Julia qui, dès le démarrage de sa vie, est ballottée d’hôpitaux en hôpitaux, et un peu « rejetée » par son père. Mais comment aurais-je réagi, moi ? J’admire beaucoup l’attitude de Patricia, telle qu’elle est représentée dans le livre : plus ouverte à ce qui arrive, moins dans les idéaux d’enfant parfait. Il serait intéressant qu’elle-même raconte comment elle a vécu la naissance de sa fille, dans un pays étranger qui plus est !
J’ai aimé les références à cette culture brésilienne que j’ai côtoyée pendant un an (il y a dix ans déjà ! Meu Deus !)
Bref, j’ai ressenti une grosse bouffée d’affection pour cette petite fille trisomique qui a réussi à déjouer le destin, vivre et se faire aimer par ses parents. Sa grande soeur, toute émerveillée d’avoir une petite soeur, m’a aussi beaucoup plu.
Et je salue le courage et l’honnêteté de Fabien Toulmé, retraçant sans fard ses réactions de rejet, de tristesse… mais aussi d’humour sur sa situation.
Pour finir, quand même, il faut un peu parler du dessin puisqu’on a là une BD. Eh bien j’aime beaucoup le trait, pas très réaliste mais très expressif. Les ambiances, notamment les clins d’oeil aux pubs, marques, symboles de la vie contemporaine, sont soignées ! Spéciale mention au piéton portant une écharpe « OM » pour signaler l’arrivée de la petite famille à Marseille, ou au poster de Johnny chez la famille « beauf » (j’aime ce genre de petits détails ;-) ).
Pour la note finale, en guise d’ouverture et pour m’essayer à « l’analyse de BD comparée », je dirais que « Ce n’est pas toi que j’attendais » me fait penser aux « Chroniques de Jérusalem » de Guy Delisle. Je m’explique. Il y a déjà la ressemblance du trait, le style « roman graphique ». Mais c’est aussi, dans les deux cas, un témoignage de vie d’un père de famille confronté à une expérience totalement nouvelle et pas toujours facile à appréhender. Bref, « Handicapland » comme « Jérusalem-Est », deux lieux fertiles en histoires décapantes :-)