Stars and Stripes jusqu'à l'indigestion
Chris Kyle est un soldat de l’unité d’élite les Navy Seals envoyé pour 4 missions au début des années 2000 en Irak et 1000 jours au combat au total. Vite repéré pour ses qualités de tireur, il sera le sniper chargé d’assurer la sécurité des forces au sol. Il fera 160 victimes selon le Pentagone et plus de 250 selon lui. Flash back, on s’aperçoit que ce redneck est issu d’une éducation stricte avec un père divisant l’humanité en trois espèces animales : les loups, les brebis et les chiens de berger. Chris sera chien de berger : autoriser à tous les actes afin de protéger les siens. Première salve patriotique et d’autres suivront : Chris voyant les avions de ligne percuter les Twin Towers le 11/09, le chien de berger sommeillant en lui se réveille. « Beuuuhaaa » dirait Stallone. Un plan devant la télé suivi d’un plan dans le bureau du recruteur, c’est simple et évite de réfléchir. Sur place, il va prendre sa mission à cœur… mais à chaque retour auprès de femme et enfants ; les dommages psychologiques de la guerre vont se révéler lourds à porter. Le message est limpide : la guerre est atroce ; faire la guerre, c’est pas anodin ; tuer des gens affecte durablement l’humanité des soldats. Le message est même parfois simpliste ; Eastwood ne fait ni dans la finesse ni dans la dentelle, surtout lors des phases de retour aux States entre chaque période. La réalisation est classique mais efficace : un plan, un message ; alors quand on parle d’ambigüité sur les intentions patriotiques de Eastwood, je reste dubitatif. Il est vrai qu’il poursuit ici son étude de l’Amérique profonde ; celle du port d’armes, d’une éducation religieuse et de la fierté de la patrie. Cependant la scène où Chris accompagné de son fils se trouve face à face avec un vétéran le félicitant des vies sauvées par son action ; il valide clairement la posture « chien de berger » du héros… Une glorification sans conteste du sniper. Et c’est gênant. Tous les morts irakiens sont aussi légitimés, même si on ne pose jamais la question de la légitimité de cette guerre. De fait, Chris n’est pas hanté par les actes qu’il a commis mais par les actes commis par l’ennemi et pour lesquels il n’a pas pu jouer son rôle de « chien de berger ». Pas de doute donc, c’est un film de propagande patriotique ; Eastwood condamne parfois, mais légitime toujours les actes de guerre. Le portrait du traumatisme et du couple souffre aussi d’énormes raccourcis portés par de larges ellipses ; la réflexion sur la déshumanisation est bien là, mais très en surface. Un exemple : au dernier retour, il est quasiment autiste, deux plans plus tard, comme par enchantement, le super héros prend ses habits de super mari super papa super équilibré. Par contre, Eastwood démontre à nouveau son talent de metteur en scène avec un découpage à l’ancienne mais portant à merveille toutes les scènes de combats. Efficacité dans la tension dramatique lors des scènes d’action. La scène finale, image d’archives, avec des bannières étoilées sur tout l’écran et une musique élégiatique clos le propos d’un film partisan.Western moderne porté par un des héros du genre… Personnages taillés à la serpe mais du spectacle et de la tension de qualité… Le problème est que ce film aux yeux du jeune public US ne fait que renforcer l’amour aveugle de la patrie et un regard suspicieux envers les basanés.A voir pour le spectacle par un public critique…
Sorti en 2015