Le Petit Palais nous invite à un voyage, en musique, à travers les plus grands succès de l’Opéra-Comique.
L’Opéra-Comique, lieu de tous les drames
La célèbre institution fête cette année son tricentenaire. Appelé aussi Salle Favart, il s’agit d’une des plus vieilles salles de Paris avec la Comédie française et l’Opéra Garnier.
Qu’est-ce qui fait la particularité de l’Opéra-Comique? Opéra ou opérette? Première réponse à caractère législatif… En 1806, Napoléon qui aime mettre des lois sur tout, édite un décret pour définir l’opéra comique. Il s’agit d’une comédie mêlée de chant ou encore d’un chant coupé de dialogue. La définition du genre est un peu vague. Les spécialistes de l’opéra et du drame lyrique ne les différencient guère. Tous deux s’inspirent: Garnier pique à Favart et vice versa. S’il faut les distinguer, à l’époque, nous dirons que Favart était moins sérieux et surtout se définissait comme un véritable laboratoire de création nationale. L’Opéra-Comique c’est avant tout l’opéra français.
Scène des drames lyriques, la salle Favart fut elle-même le théâtre d’une tragédie, bien réelle. En Mai 1887, le ministre des Beaux Arts évoque le danger des théâtres en bois, éclairés à la bougie:
« Il n’y a aucun théâtre qui n’ait brûlé, et même plusieurs fois, dans l’espace d’un siècle. Par conséquent, nous pouvons considérer comme probable que l’Opéra-Comique brûlera. J’espère toutefois que ce sera le plus tard possible ».
Cassandre du XIXème siècle, il a parlé trop vite. Deux semaines plus tard, le feu envahit l’Opéra-Comique pendant le représentation de Mignon d’Ambroise Thomas (qui a sombré dans l’oubli). Une centaine de victimes, des dégâts irréparables, l’évènement est relaté dans toute la presse. L’incendie fait date. L’Opéra-Comique devient la première salle dotée d’un rideau de fer et équipée d'électricité! L’exposition présente une très belle maquette du musée Carnavalet du théâtre avant le drame.
La salle Favart de l'Opéra comique © Sabine Hartl et Olaf-Daniel Meyer / Citadelles et Mazenod
Carmen ouvre le bal
L'amour est enfant de bohème / Il n'a jamais jamais connu de loi
Si tu ne m'aimes pas, je t'aime / Et si je t'aime, prends garde à toi
L’exposition s’ouvre sur les peintures en pied des chanteuses Jeanne Gerville-Réache et Célestine Galli-Marié en costume de Carmen. Retour sur une pièce qui fit scandale. Lors de la première, en 1875, cris et indignation dans la salle: « La mort à l’opéra comique! » Le théâtre était, avant Carmen, bourgeois et familial. L’indignation est grande devant la violence et le caractère érotique de la pièce. Don José poignarde sauvagement la frivole Carmen. Le malheureux Georges Bizet ne connut jamais le succès de sa pièce. Il mourut peu de temps après sans savoir que son adaptation de la nouvelle de Mérimée serait l’une des œuvres les plus jouées au monde. En fredonnant l’air célèbre de la Habanera, découvrez les vieilles affiches, les costumes de Carmen mais surtout la partition signée du compositeur. Après 1875, les créations deviennent plus légères, les moeurs changent. Merci Carmen!
Lucien Doucet, Portrait de Galli Marié dans "Carmen", 1884, Huile sur toile, © BnF
Des héroïnes tragiques
Carmen, Mélisande, Manon et Louise, toutes ces héroïnes tragiques sont nées à l’Opéra-Comique. Ces drames ont été créés, à Paris, pour la salle Favart, l’une des scènes les plus inventives de l’époque. L’exposition se concentre sur sept pièces majeures. Chaque salle, richement documentée est consacrée à l’une d’elles. La décadence de la femme est à présent acceptable, seulement si celle-ci accepte la rédemption. Massenet revisite le genre historique et nous livre une Manon, pécheresse mais punie… elle meurt! Offenbach mène lui croisade contre l’opéra des familles assagi et prône l’impertinence. Les Contes fantastiques d’Hoffman sont sombres et passionnels. Le baryton Emile-Alexandre Taskin reste célèbre pour son interprétation du Docteur Miracle. Ne ratez pas le terrifiant portrait, par Charles Giron, du chanteur dans ce rôle. Le Petit Palais réveille nos plus beaux souvenirs musicaux mais nous présente aussi des chefs d’oeuvres oubliés comme le Rêve, adaptation d’Alfred Bruneau du roman mystique d’Emile Zola. Arias aux tons wagnériens dans une sombre cathédrale, un drame fantastique et symboliste à redécouvrir.
Paul Marou, Affiche : Le rêve, lithographie tirage en noir © BnF
Le Paris de la Belle époque
L’exposition prend place dans le Paris de la Belle époque. Période de faste et d’insouciance qui précède la première Guerre Mondiale, Paris est au devant de la scène. En 1900, elle organise l’Exposition Universelle et montre ainsi au reste du monde son pouvoir économique et culturel. L'opéra est aussi un lieu de rencontres, de représentation sociale. De nombreux tableaux, présents dans l’exposition, témoignent de cette ambiance: les femmes discutent à l’entracte, certains hommes rejoignent en coulisses les petits rats donc il sont les “protecteurs” comme Degas ou Jean Béraud le montrent sur leurs toiles.
Jean Béraud, Les coulisses de l'Opéra, 1889, Huile sur bois, © Musée Carnavalet / Roger-Viollet
Grâce au théâtrophone, inventé par Clément Adler en 1881, l’Opéra-Comique investit les salons des plus riches. Par le biais d’une ligne téléphonique on peut écoutez les pièces du moment “en live”. Marcel Proust devient un fan. Parfait pour suivre la scène musicale parisienne lorsqu’on ne quitte pas son lit. Costumes d’époques, affiches et extraits de journaux, replongez dans cette période de faste et d’allégresse. Si la somptueuse robe de Mélisande, portée lors de la représentation de Pelléas et Mélisande de Debussy, tient place d’honneur dans l’exposition, les tenues de scène de l’Opéra-Comique sont mises en scène dans une exposition à part entière, à Moulins, au centre national du costume de scène.
A la sortie de l’exposition, prenez le temps de vous installer sur les banquettes et de réécouter vos airs préférés. Quoi de mieux qu’une ballade dans les jardins fleuris du Petit Palais au doux son du Duo des fleurs de Lakmé.
De Carmen à Mélisande, drames à l'Opéra-Comique
Du 18 Mars au 28 Juin 2015
Le Petit Palais
Horaires: Du mardi au dimanche de 10h à 18h, nocturne le vendredi jusqu'à 21h
Tarifs: 8 euros / réduit: 6 euros / gratuit: moins de 18 ans.
Les collections permanentes sont gratuites.
Marianne Stokes, Mélisande, vers 1895, Tempera, Wallraf-Richartzuseum & Foundation Corbound Cologne, © Rheinisches Bildarchiv Köln, Meier, Wolfgang F.
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