D’un côté il y a certaines AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) qui fonctionnent sous forme associative et « obligent » des personnes à partager la récolte d’un paysan (pas toujours mais souvent bio) en récupérant chaque semaine un panier. Un système bien établi depuis plus de dix ans mais que certains abandonnent en raison des contraintes (on paye à l’avance, il faut être là à chaque distribution, on choisit pas ce que l’on a).
En 2010 est née la plateforme Internet La Ruche Qui dit Oui, qui propose également du circuit-court, pas forcément bio, en permettant à des producteurs de vendre directement dans des lieux de distribution gérés par un « responsable de ruche ».
Tout le monde était alors emballé !
En témoigne cet article du Mouvement Colibris qui conclut « Tout le monde s’y retrouve ». On s’amuse même à faire des quizz « Ruche ou AMAP : quel système est le plus adapté pour vous ? » tant cela semble complémentaire. On se prend à rêver de l’union sacrée qui fait fi des différences de mmilitantisme. On ne va quand même pas répéter la guerre fratricide entre puristes et réformistes comme lors du Max Havelaar/Minga ?
Si.
Jets de tomates
Les hostilités ont officiellement démarré début 2014. Pour avoir un échantillon des attaques, il y a Aquitaine Décroissance : Les AMAP disent NON à la Ruche qui dit Oui. Le ton est assez virulent accusant la start-up d’être un « frelon » parisien exterminant la paysannerie. De beaux affrontements entre « pro-ruche » et »anti-ruche » fusent sur le site netoyens.
Avec son bâton de pèlerin, le co-fondateur de Equanium (l’entreprise derrière La Ruche Qui dit Oui) Guilhem Chéron est allé répondre de sa plume sur de nombreux sites pour démentir, corriger, rectifier. Cela n’a pas suffi et l’altercation est finalement sortie de la petite sphère locavore pour se retrouver par exemple dans Le Point
En Juin 2014, la Ruche a fait une réponse officielle dans les règles de l’art de la communication de crise.
Le billet s’appelait initialement « La Ruche qui dit non à la calomnie des AMAP » et, une fois passée l’émotion, il a finalement été renommé La Ruche qui dit Merci aux AMAPs. Un petit rétro-pédalage dans l’évitement de l’affrontement (plein de petits coeurs sur la photo !)
En fait, la réponse détaillée de Guilhem Chéron est encore disponible ici : http://blog.laruchequiditoui.fr/la-ruche-qui-dit-non-a-la-calomnie-des-amap-2/
Si vous avez trente minutes, c’est assez intéressant de se faire une opinion sur le fond. Je vais me risque à une synthèse partielle et à livrer une opinion.Sachant que j’ai quelques informations off s’il fallait poursuivre le débat.
Le débat me passionne d’autant plus que j’ai participé à la création d’une AMAP en 2012 y suis fidèle (je suis encore tout ému du témoignage de notre maraîcher à la dernière assemblée générale). Mais je suis aussi fondateur d’une entreprise de l’économie sociale et solidaire officiant sur le web. Donc les levées de fonds, l’esprit start-up et la guéguerre entreprenariat social/éconocomie solidaire je connais aussi
Le débat sur le fond
En l’occurrence, si l’on promeut du bio, du local, de l’équitable (bref du mieux), il semble opportun d’adopter soi-même des pratiques s’inscrivant dans ses valeurs.
Et puis il y a le principe de réalité. D’abord la guerre des égos (ah ces associations bienfaitrices gangrénées par la guerre des chefs) et le principe de réalité économique… qui nous pousse parfois à faire quelque chose que l’on n’aurait instinctivement refusé. Mettre de la publicité dans mon journal ? Faire des marges arrières ? Jamais ! Jusqu’au jour où…
Ce débat est très vieux. Peut-être même que les premiers Chrétiens débattaient de la stratégie la plus efficace pour convertir Rome ! La patience de l’exemplarité contagieuse (la révolution Colibris) ou les alliances stratégiques (la papauté et Charlemagne, Constantin ?) qui vous font gagner du temps… en attendant le retour de bâton.
Après, une réflexion d’entrepreneur me taraude régulièrement. C’est celle du mythe de la start-up « take them all ». Il se trouve que la logique start-up est par nature à visée monopolistique. Ce sont les mêmes limites que j’évoquais dans « Splendeurs et misères des partisans de la conso collaborative« . A savoir qu’il y a un paradoxe à vouloir centraliser des logiques au contraire coopératives. Dans les faits, n’importe qui peut « créer une ruche » sans rejoindre la plateforme « La Ruche ». Il est même possible que ce soit rapidement l’hémorragie.
Au final, à titre d’entrepreneur, je suis plutôt admiratif du succès de La Ruche, j’aime beaucoup leur blog. A titre militant, j’ai trouvé l’initiative heureuse et complémentaire d’autres systèmes.
Mais à titre de citoyen, j’ai du mal à franchir le cap pour la simple raison que je trouve le système trop fermé. Le concept d’AMAP m’a séduit aussi car, à la manière du logiciel libre, il nous a été facile de créer une AMAP avec un fonctionnement interne évidemment démocratique.
Le Procès (Kafka)
Ah au fait, si vous voulez en savoir plus sur le recours judiciaire de La Ruche contre les AMAP, sachez juste qu’on est le 1er avril…
Quand je vous disais que pour gagner en efficacité et en audience, chacun se soumet au principe de réalité