Le Cinéma est/fût/est encore une passion chez moi.
Le Cinéma je le vis avec un grand C.
Je l'ai étudié, écrit, tourné, visionné, incarné, vécu et la rupture n'aura jamais été totale quand j'ai choisi de faire des choix versant dans le familial à l'aube des années 2000.
Ce qui m'a aussi rendu moins tolérant quand je vois des films mal travaillés. Rien ne m'impressionne plus qu'une bonne histoire. Ce qui ne m'empêche pas de m'extasier devant des films comme Sin City. Mais qui m'éloigne de tout Besson, qui tourne peut-être pas si mal mais écrit comme un ado de 14 ans.
Je consomme encore aujourd'hui, depuis 2009 je dirais, beaucoup beaucoup de films. La plupart du temps seul. Et à des moments où je choisi de voyager dans la tête d'un auteur, d'un univers, d'une texture mentale, où je choisis de me prêter pendant 90, 100, 120 ou 160 minutes dans une proposition qui me transportera ailleurs ou me passera 100 pieds au dessus de la tête.
Je baigne dans le cinéma comme on lirait un journal de la première à la dernière page. Je me laisse emporter, parfois entre 6 et 8 le matin. D'autres fois, à la place de dormir en jeune après-midi après une nuit de travail.
Je plonge avec bonheur dans les univers d'auteurs.
J'aime les histoires.
J'aimes les images.
J'aime les idées.
Les trois ensemble ça donne du Cinéma.
Une fois par mois, en ouverture de celui-ci et jusqu'à la fin de l'année, je vous propose 10 films, pas obligatoirement les meilleurs, qui m'ont parlé quand je les ai visionnés. Il est possible que les films semblent concentrés sur des productions d'Amérique, mais étant américain, il ne faudra pas trop m'en tenir rigueur.
Je n'ai aussi pas tout vu quand même...
Voici 10 films des années 30 qui m'ont nourri de manière enrichissante.
Der Blaue Engel (L'Ange Bleu) 1930. Allemagne.
Josef Von Sternerg & Marlène Dietrich tourneront 6 films ensemble entre 1930 et 1935. Le premier de ceux-ci raconte l'histoire d'un digne enseignant de l'Allemagne de 1925 sombrant dans la mélancolie puis dans la clownerie avant de s'humilier publiquement au contact d'une sensuelle artiste de cabaret. Emil Jannings (incarnant le professeur) avait travaillé avec Sternberg sur son dernier film et les deux s'étaient brouillés. Ils se réconcilient toutefois pour le projet et tout le monde tourne toute les scènes deux fois, une fois en allemand, une fois en anglais, car on croit, à juste raison, à une belle carrière internationale pour le film. Ce n'était pas inhabituel à cette époque car le doublage était techniquement très compliqué, coûteux ou tout simplement inexistant. Käthe Haack est signée pour jouer l'artiste de cabaret qui fait fondre le coeur du professeur Rath, mais à la découverte de la jeune Marlène Dietrich, Sternberg la remplace aussitôt par la démone blonde. Marlène fera un malheur. Tellement, que Jannings réalise qu'il est complètement à l'ombre de la star naissante. Il menace de l'étrangler sur le plateau et de foutre le bordel. Ironiquement, la carrière de Jannings suit le parcours de son personnage après le film. Il sombre dans la mélancolie. Quand Sternberg et Dietrich arrivent à New York pour faire la promotion du film qui réinvente la femme fatale sur grand écran.
Gone With The Wind. 1939. États-Unis.
Le livre de Margaret Mitchell racontant des épisodes de la guerre de sécession dans le sud des États-Unis est déjà récipiendaire du prestigieux Prix Pultizer quand la production commence à recruter des jeunes femmes afin de trouver la bonne Scarlet O'Hara. C'est Vivien Leigh qui héritera du rôle entre 1400 candidates. Clark Gable sera Rhett Butler. Lancé en grande pompe en septembre 1939, le film recevra un accueil mitigé des critiques mais raflera 10 Oscars sur une possibilité de 15 établissant alors un record. Film d'amour et de guerre en (rare) couleur, il essuie aussi quelques critiques de la part des communautés noires alors qu'il semble glorifier l'esclavage, bien que l'on ait tout simplement voulu adéquatement représenter la culture sociétaire des années 1860, époque où l'esclavage dans le Sud n'était pas encore complètement mal vu.
L'Atalante. 1934. France.
Juliette épouse un marinier mais la vie à bord de la péniche L'Atalante l'ennuie et elle veut découvrir Paris. Elle le fait avec la complicité d'un camelot de passage. Son époux tombe en dépression, mais l'excentrique Père Jules, qui rendait la vie si compliquée sur le bateau devient réconciliateur et ramènera tout le monde à bord. Michel Simon est le père Jules, Dita Parlo, Juliette, Jean Dasté, son mari et Gilles Margaritis le camelot. Jacques Prévert, alors jeune auteur surréaliste itinérant incarne dans le film une silhouette, son jeune frère incarne furtivement le voleur. Jean Vigo réalise. La poésie de certaines scènes est rare pour l'époque. Plusieurs scènes du fameux film d'Emir Kusturica Underground sont directement inspirées de ce film de Vigo. Les brillantes scènes de mariage entre autre et celles sous-marines.
City Lights. 1931. États-Unis.
La richesse n'étant pas à priori un état perceptible par d'autre sens que la vue, Charlie Chaplin fait preuve de génie, dans un média où il ne fait pas appel au son direct non plus, pour faire comprendre des quiproquos drôles, originaux, et crédibles. Chaplin s'auto référence en reprenant des scènes d'un de ses courts-métrages britannique (vers 22:21) et les enrichi davantage dans ce film qui raconte que l'amour est insensible au statut social. Charlie est clochard comme toujours et la jeune fleuriste aveugle de 20 ans est incarnée par Virginia Cherrill. dont les parents suivent tout le tournage, non rassurés du libidineux Chaplin qui lui fait faire son baptême du cinéma.
The Wizard of Oz. 1939. États-Unis.
Victor Fleming, Mervin LeRoy, King Vidor, George Cukor et Richard Thorpe seront tour à tour les réalisateurs des aventures de Dorothy, de l'épouvantail, du lion, de l'homme de fer-blanc et du magicien d'Oz. La première plonge dans son monde imaginaire quand le monde réel la déçoit amèrement, le second doit se trouver un cerveau, le troisième du courage et l'autre un coeur. Seul le magicien d'Oz, au terme d'une longue épopée les faisant passer par la route aux briques jaunes, pourra combler leur manque à chacun. Mais la méchante sorcière de l'Ouest n'aime pas Dorothy et ses amis et leur mettra des bâtons dans les roues à tout moment. Féérie, musique, couleurs. fantaisie, cauchemars aussi. Buddy Ebsen, qui avait hérité du rôle de l'épouvantail, voit le comédien Ray Bolger se rendre au bureau de Louis B.Mayer et le convaincre que c'est LUI qui devrait jouer l'épouvantail et Ebsen l'homme de fer-blanc et non l'inverse. Ebsen accepte alors le rôle de l'homme de fer-blanc sans réchigner, conscient qu'il s'agit d'un super projet qui le lancera à Hollywood. Toutefois son costume demande d'abord de se faire poser du vrai aluminium dont les résidus se logent dans ses poumons et l'envoient directement à l'hôpital. Incapable de récupérer à temps pour le tournage, il est remplacé par Jack Haley qui aura une pâte d'aluminium sur le visage et non du vrai aluminium.
Modern Times. 1936. États-Unis.
La hantise de Charlie Chaplin des progrès technologique lui aura fait créer l'un des plus merveilleux films comique "muet". À la fois commentaire critique sur la société de plus en plus industrielle et portrait de l'état des gens pendant la Grande Dépression, le dernier film "muet" de Chaplin est ponctué de trouvailles visuelles toujours intéressantes et introduit sur grand écran pour la première fois sérieusement l'adorable Paulette Goddard. Si "muet" est continuellement écrit entre guillemets de ma part c'est que Charlie y chante pour la première fois. On entend donc sa voix aussi, pour la première fois. Il nous l'offre dans une langue inventée, comme pour nous narguer: oui j'utilise le son, mais avec, je fais le con. Bidonnant.
Duck Soup. 1933. États-Unis.
Dernier film tourné avec les 4 anarchiques frères Marx à l'image, cette histoire de guerre entre les fictifs pays de Freedonia et de Sylvania était tout en fait en communion avec ce qui se tramait en Allemagne Nazie au même moment. Les annexions des frères Marx étant nettement plus amusantes mais tout aussi absurdes. Certaines scènes resteront tout simplement magiques. Les frères Marx étaient nettement en avance sur leur époque.
La Règle du Jeu. 1939. France.
Second fils du peintre Auguste Renoir, Jean, qui est aussi, co-scénariste et acteur en plus de réaliser ici, nous dépeint les moeurs de l'aristocratie et de la grande bourgeoisie ainsi que les domestiques qui les servent avec un humour et une subtilité qui font de ce film un bijou. Deux ans avant ce film, Renoir avait réalisé l'un des plus fins films de guerre jamais tournés. Montrant à nouveau que les intouchables sont les nobles et que les plus simples sont toujours les victimes. Mais aussi les plus vrais. Et toujours les plus courageux, Les rapprochant ainsi d'une certaine noblesse aussi. Renoir était intelligent et sur pellicule, ça donnait du délice. Merci la vie pour Jean Renoir.
M-Eine Stadt Sucht Einen Mörder. 1931. Allemagne.
Adapté de Bram Stoker, ce chef d'oeuvre à la fois gothique, machiavélique et impressionniste, raconte l'hystérie répandue dans une grande ville allemande par un tueur d'enfants. 117 minutes de tension habilement bâtie par le maître Fritz Lang qui est à trois ans de s'expatrier en France avant de s'établir aux États-Unis. L'oeuvre de ce cinéaste, tournant le meilleur de lui-même dans l'un des pays le plus trouble des années 30, sera continuellement composée des thèmes de la vengeance, de la mort, du surhomme, de la soif du pouvoir et surtout du double, traits de personnalité presque obligatoire chez les allemands dans le sillon du nazisme en pleine croissance. Premier film parlant de M.Lang, le film sera aussi un rôle terrible pour l'acteur Peter Lorre, si convaincant dans le rôle d'un prétendu pédophile mais certain meurtrier infantile, ne sera jamais capable de se trouver de rôles plus sympathiques ailleurs.
Humour, horreur, critique sociale, mise en abîme, femme fatale, fantaisie, besoin d'évasion, amour & guerre et les trois plus amusants frères.
Tout pour me plaire.