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The sound of music au Prinzregententheater: le pari gagné du Théâtre de Salzbourg
Publié le 01 avril 2015 par Luc-Henri Roger @munichandcoMettre en scène la comédie musicale inspirée de l´histoire véridique de la famille du Baron salzbourgeois von Trapp est un parcours semé d´embûches. D´abord parce que l´histoire nous en est connue par un film célébrissime, La mélodie du bonheur, qu´on a vu et revu, et parce que toute interprète du personnage de Maria subira nécessairement la double comparaison de la qualité du chant et de l´interprétation avec la brillantissime prestation de Julie Andrews. Ensuite parce que l´action se déroule à une époque très douloureuse de l´histoire européenne, celle de la domination national-socialiste en Allemagne, et de l´Anschluss, l´annexion de l´Autriche, et que cette page très noire de l´histoire reste encore extrêmement sensible. Parce que aussi le récit initial sent la guimauve à plein nez, que le personnage de Maria ressemble davantage à un ange gardien qu´à une femme normale.
La mise en scène du Théâtre de Salzbourg, réalisée par Andreas Gergen et Christian Struppeck en 2011, a su relever tous ces défis. Au moment de l´ouverture, cela semble pourtant mal emmanché car on voit des soldats en arme sensés représenter la guerre et en second tableau des nonnes en prière sans que les acteurs qui les interprètent soient vraiment crédibles, tant on dirait que ces soldats n´ont de leur vue vu une arme de près , et que ces nonnes ne se sont jamais recueillies et n´ont jamais prié le Seigneur. mais cette entrée en matière ratée est vite oubliée, et la scène du couvent fort bien chorégraphiée et pleine d´humour. Les nonnes sont pour la plupart dénuées de componction, l´une d´entre elles semble d´ailleurs préférer le service du vin au service divin, et la mère supérieure, qui sait lire le langage des âmes, a la lucidité généreuse et sa direction spirituelle est bon enfant et marquée du coin du bon sens. Les deux metteurs en scène ne peuvent gommer le côté Heidi ou, pour employer un référent français, le côté Martine à la montagne de l´héroïne. mais son interprète, Lilica Jovanovic, met un grand coeur à l´ouvrage, elle arbore le sourire perpétuel de son personnage dont elle reflète bien le côté solaire et réussit une prestation vocale d´excellente qualité de bout en bout de ce long rôle. On est ravi de retrouver à Munich cette chanteuse qui a pendant plusieurs saisons fait les beaux jours du Theater-am-Gärtnerplatz. On est séduit aussi par la voix magnifique de Frances Pappas, une mezzo soprano tragique avec de très beaux graves et beaucoup de chaleur et de velours, qui interprète la Mère supérieure en alternance avec Dagmar Schellenberger. Très vite on est pris dans l´action de cette histoire chargée d´émotion, et on vibre au son de cette musique et de ces mélodies qui ont fait le tour de la planète, sauf, curieusement, en Allemagne, où elles semblent moins connues. Si Lilica Jovanovic donne l´image d´Epinal d´une Maria Rainer dans l´esprit du scoutisme, toujours de bonne humeur, le coeur grand ouvert et prête à rendre service sur service, charmante de spontanéité et pétillante de gaieté, Uwe Kröger apporte une dimension beaucoup plus nuancée au personnage du Baron von Trapp, passant de la caricature du commandant de corvette qui traite ses 7 enfants comme un équipage de moussaillons au baron mondain prêt á se fiancer à une riche viennoise, à l´homme épris ou au patriote autrichien qui ne supporte ni l´idée de l´Anschluss ni la domination nationale-socialiste. Uwe Kröger, excellent acteur au demeurant, avec un parcours impressionnant, est actuellement un des meilleurs interprètes de comédies musicales des scènes autrichiennes et allemandes.
Si la mise en scène de la première partie du spectacle nous entraîne sur les sentiers généreux du dévouement, de l´ouverture des coeurs, de la musique et de l´amour, la seconde partie évoque la terrible annexion de l´Autriche en mars 1938 et l´instauration d´une dictature de la peur et de la violence. Andreas Gergen et Christian Struppeck nous font sortir du conte de fées et des paysages d´opérette glorifiant le Heimat, le pays natal, pour nous entraîner dans la vision plus réaliste de l´Autriche de 1938, avec sa société dichotomique comportant d´une part des Autrichiens partisans haineux et violents de la Grande Allemagne qui portent les chemises brunes, pratiquent à tour de bras levé le salut hitlérien et arborent les brassards à croix gammées et, d´autre part, des Autrichiens patriotes qui refusent l´annexion. Le scénario de la Comédie musicale diverge ici de celui du film: la fuite de la famille von Trapp que Tonton Max (Axel Meinhard) fait s´échapper à la faveur d´une prestation musicale au Festival musical de Salzbourg où il a produit la famille est peu crédible, mais on accepte cette entourloupette, c´est la loi du genre, l´émotionnel l´emporte sur le vraisemblable. C´est en tout cas tout à l´honneur de la mise en scène d´avoir jeté un regard lucide sur cette période de l´histoire autrichienne avec des scènes qui soulignent les horreurs de la domination gammée.
On passe une excellente soirée en musique et en chansons. L´orchestre du Theater-am- Gärtnerplatz est rompu aux pratiques de la comédie musicale et, sous la direction de Peter Ewald, il rend à merveille les nuances et les subtilités de la belle musique composée par Richard Rogers. L´émotion domine, avivée encore par le jeu et les chants des enfants von Trapp, tous délicieux. Les décors de Court Watson sont suggestifs et efficaces, ils servent la mise en scène en ménageant des changements de cadre rapides soit par des descentes de rideaux de scène soit par les effets d´un décor tournant sur roulettes. L´atmosphère salzbourgeoise est bien rendue, ainsi les montagnes qui entourent Salzbourg et la ville sont-elles suggérées par leurs silhouettes en découpe, et le modèle réduit pour la scène de la villa du Baron von Trapp permet de bonnes mises en place des protagonistes.
La soirée se termine dans un fracas d´applaudissements à la suite desquels Üwe Kröger invite le public, qui a reçu en fin d´entracte un feuillet reprenant en anglais les paroles des meilleurs airs de The sound of music, une mélodie du bonheur, en effet!
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Prochaines représentations les 2, 3, 4 et 5 avril. Places restantes sur muenchemusik.de