Un certain Cervantès (Récit complet)

Chronique « Un certain Cervantès »

Scénario et dessin de Lax

Public conseillé : Adultes / adolescents

Style : Drame
Paru aux éditions « Futuropolis », le 2 avril 2015, 208 pages couleurs, 26 euros
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L’Histoire

Arizona, Mike Cervantes joue les cowboys dans un village pour touristes. Pour quelques plans de Marijuana, pour sa consommation personnelle et un peu plus, le voilà derrière les barreaux, avec comme échapatoire, une signature chez les Marines…
Afghanistan, mai 2009, Mike est dans un véhicule blindé, à 200 km de Kaboul. Soudain, la piste s’arrête et le véhicule est lourdement bombardé.
Mike se réveille dans un trou. Capturé par les talibans, il est le seul survivant. Dans des conditions d’hygiène détestables, sa main très amochée s’infecte. Evadé, repris, maltraité, il est amputé d’un bras
7 octobre 1571, bataille navale de Lépante. Miguel de Cervantès, soldat de l’Armada chrétienne est gravement blessé au bras gauche…
De retour en Arizona, Mike, comme beaucoup de ces « revenants » de la guerre, est déboussolé. Il devient violent et dépressif. Révolté contre une société sans égard pour les faibles, il détruit une succursale de banque et finit au pénitencier. C’est là qu’il découvre le roman chevaleresque et satirique de Miguel de Cervantès, son homonyme…

Ce que j’en pense

Depuis le très beau “L’écureuil du Vel’ d’Hiv”, qui clôturait sa trilogie “à Vélo”, Lax faisait le mort depuis presque 3 ans. Le manque aidant, j’ai reçu ce nouveau one-shot conséquent (prêt de 200 pages) avec une grande impatience… Et Lax, une fois de plus, ne m’a pas déçu.

Reprenant le thème du handicap (un thème qui le touche), il nous offre un portrait tout en nuances, d’un personnage grandiose, picaresque et simple à la fois.

Mike Cervantès, vétéran d’Afghanistan, revient complètement cassé. Brisé moralement, comme tout les perdants, mais aussi amputé de sa main gauche. Le retour de ce non-héros est plus que difficile. Honteux d’avoir perdu une partie de lui-même, furieux de ne plus pourvoir faire les gestes simples d’avant (chasser, pêcher..), Mike est frustré, révolté et violent…
C’est un personnage accessible et négatif (au début) qu’a choisit de suivre Lax. Un peu lâche, un peu looser, mais tellement vrai.
Plutôt que de raconter la renaissance, la reconstruction de Mike, Lax choisit un biais inattendu, entre romanesque et fantaisie. Avec son célèbre homonyme, Cervantès, Mike partage beaucoup. Dans la prison où il purge sa peine pour avoir détruit un distributeur de billet, l’homme découvre cet autre Cervantes, et surtout “Don Quichotte”, le personnage de roman inspiré de sa vie.

En faisant des parallèles réguliers entre les deux destins tragiques des “Cervantes”, Lax nous invite à comprendre la révolte d’un homme. Opposé à l’adversité et surtout aux causes perdues d’avance, ce Mike Cervantès est aussi beau que “Don Quichotte”.

Pour partir au devant des injustices (fonds de pensions, SDF ou immigrés…) il manque à ce “Don Quichotte” moderne un “Sancho Pancha”. Qu’à cela ne tienne, Mike embarque dans l’aventure le premier “mexicanos” venu. Mais voilà, Mike n’est pas un personnage de roman, et Sancho (Tranquillo) ne se prend pas pour son faire-valoir. Jouant les contrastes (Mike bourré, chargeant les “géants” à bord de sa bagnole rose…) et les moments de désespoir, Lax mélange réalité et fiction avec une maîtrise impressionnante.
J’ai toujours eu une véritable affection pour le personnage de “Don Quichotte”. Lutter, en sachant qu’on a aucune chance de gagner, il n’y a pas d’attitude plus “chevaleresque”. Dans “Un certain Cervantès”, On retrouve cet esprit de liberté, de lutte contre le destin, qui ne peut trouver de solution que dans le drame.

Enfin, et ce n’est pas rien, j’ai retrouvé toute la maestria graphique de Lax. Son trait précis et nerveux qui délimite gueules et paysages fait des merveilles dans ce décors de rêve. Rêve américain, entre urbanisme crado’ et paysage de désert épuré, Lax met à nu son âme de poète qui transparaît sous ses pinceaux. Tout en camaieux de gris colorés, il compose de grandes cases immersives qui m’ont plongé dans cette Amérique. Immense, fausse et tellement vraie à la foi…