Banished est une nouvelle série de sept épisodes diffusée sur les ondes de BBC Two en Angleterre depuis le début mars. Pas tout à fait une épopée, mais presque, nous sommes en 1788 alors que la colonisation de l’Australie vient tout juste de s’amorcer. Trouver des volontaires pour s’expatrier à plus de 20 000 km de leur pays d’origine n’est pas évident si bien que la couronne prend la décision d’y envoyer ses prisonniers qui au lieu de moisir dans un cachot humide seront condamnés aux travaux forcés sous le soleil. Évidemment, les tensions sont vives entre les soldats et la population, mais peu à peu, tous ou presque réalisent que ce camp de travail deviendra un jour leur domicile si bien qu’on assiste à un début de civilisation. Après Wolf Hall, BBC Two nous transporte dans un nouveau drame historique saisissant. Si par moments on a l’impression que quelques intrigues s’apparentent un peu trop à celles que l’on retrouve dans les soaps et qu’un volet plus historique aurait été le bienvenu, reste que le créateur, Jimmy McGovern possède un talent hors-pair de narrateur et qu’on a tôt fait de s’attacher aux protagonistes.
Prisonniers au grand air
Ils sont environ mille à débarquer en Australie, alors appelée Nouvelle-Galles du Sud et Banished démarre dans un climat de tension après que l’on ait aperçu Elizabeth Quinn (MyAnna Buring), une prisonnière, dans le dortoir des hommes. C’est que les quelques prisonnières qui ont effectuées le trajet n’ont pour tâche que de satisfaire les « besoins » des soldats sur place, mais la jeune femme est amoureuse de Tommy Barrett (Julian Rhin-Tutt). Pour cette offense, ce sont 25 coups de fouets devant ses acolytes, lesquels n’osent pas intervenir. Pendant ce temps, le meilleur ami du couple, James Freeman (Russell Tovey) est en train de mourir de faim alors que Marston (Rory McCann), le seul forgeron de la colonie, lui vole systématiquement sa pitance. Les soldats n’osent intervenir puisque le colosse est le seul à savoir travailler le fer. À bout de nerf, James, Tommy et Elizabeth assassinent l’intimidateur et ensevelissent son corps dans la mer. L’harmonie n’est pas non plus au beau fixe parmi la gent militaire alors que le Major Ross (Joseph Millson), fait une fixation sur Katherine McVitie (Joanna Vanderham), laquelle est amoureuse du soldat MacDonald (Ryan Corr). Et puisque Ross est plus élevé que son acolyte dans la hiérarchie, il force la jeune femme à coucher avec lui trois fois par semaine. Sur ces entrefaites, le corps de Marston remonte à la surface et James qui est le suspect numéro un doit prendre la fuite.
Ce qu’il y a d’accrocheur avec Banished, est que petit à petit, on voit l’espoir naître. À la base, les prisonniers ont beau travailler au soleil, dans un climat tropical, reste que les chances qu’ils commuent leur peine (de plusieurs années) et qu’ils puissent ainsi regagner leur mère partie et revoir leurs familles son minimes. Les conditions d’hygiènes sont atroces, les travaux forcés s’échelonnent sur six jours et c’est à peine s’ils ont de quoi manger. Au moindre écart de conduite, ils sont soumis au bon vouloir d’une poignée de militaires qui sans la bienveillance d’Arthur Phillip (David Wenham), le premier gouverneur de l’île, abuseraient aisément de leurs prérogatives. Tous ces gens se voient néanmoins donner une seconde chance. Ainsi, après de multiples tergiversations, Phillip permet à Tommy et Elizabeth de se marier, laquelle tombe bientôt enceinte et grâce aux paroles réconfortantes du révérend Johnson (Ewen Bremner), toute cette petite civilisation travaille ensemble afin de construire une première église. C’est justement ce qui fait la particularité de Banished puisqu’on nous transporte aux tous débuts de la colonisation où tout est à faire, à construire; ce qui détonne agréablement des multiples séries nous ramenant à l’époque des Treize colonies d’Amérique par exemple, et dans lesquelles ses habitants ont depuis longtemps « civilisé » leur habitat.
Enfin, il est à noter qu’on accorde dans le scénario autant de place aux prisonniers qu’aux militaires. Car bien que ces derniers soient les représentants de la couronne, ils finissent inéluctablement par se rapprocher de ceux qu’ils dirigent. Dans un moment de désespoir, le soldat Buckley (Adam Nagaitis) craque et l’on comprend qu’on lui a vendu du rêve en le convainquant de s’enrôler. Ainsi, tous sont pour le moins désillusionnés au départ et comme le dit le gouverneur alors qu’il est temps de remonter le moral de tous : « It’s the law that keep us alive ». Justement, à l’opposé des Turn, New Worlds et Sons of Liberty où une ligne très nette est tracée entre les habitants « américains » et les soldats « anglais », dans Banished, ils sont tous dans le même bateau et c’est ensemble qu’ils fonderont l’Australie de demain.
Passer un peu à côté de l’histoire
Le créateur de la série, Jimmy McGovern, a beau avoir d’indéniables talents de conteur, on pourrait cependant reprocher à la série, tout comme à Indian Summers sur ITV, de trop mettre l’accent sur la vie personnelle des protagonistes aux dépends de l’Histoire de cette toute nouvelle colonie. En effet, les affaires de cœur prennent trop de place et on étire beaucoup trop la sauce avec l’intrigue tournant autour du « triangle » du Major Ross, de Katherine et du soldat McDonald. On comprend mal par exemple pourquoi les colons manquent de vivres alors qu’ils vivent sur une terre aussi fertile que l’Australie. De plus, la mise en scène manque d’ambition (et peut-être de budget?) puisqu’on ne nous montre à peu près rien de ce superbe pays qui deviendra la leur, une fois que les colons se seront acclimatés et on se borne à restreindre l’action aux quelques acres qu’ils occupent. À ce manque de plans « touristiques », il faut aussi déplorer l’absence totale d’aborigènes dans le récit, du moins, dans les trois premiers épisodes, mais espérer que tôt ou tard, ils feront leur entrée en scène.
Pour une deuxième fois cette année, BBC Two a surpassé sa grande sœur BBC One en cotes d’écoute lors du lancement du premier épisode de Banished en rassemblant 3,4 millions de téléspectateurs. À la diffusion suivante, il en restait encore 2,4 et ce chiffre semble s’être stabilisé une semaine plus tard avec 2,3. Il faut aussi donner crédit à la chaîne publique d’avoir su concocter une série qui devrait plaire autant, sinon plus, aux Australiens grâce à son objectivité. Et le nombre considérable de possessions britanniques de naguère nous laisse à espérer plusieurs autres séries du genre à venir.