#Palestine #Israel #MontduTemple
Charles Enderlin, le correspondant permanent de France 2 en Israël, a réalisé un documentaire qui, avant même sa diffusion mardi soir sur la chaîne française, a réussi à éveiller des débats houleux. Le sujet, le Mont du Temple mais aussi l’histoire de la présence juive en Judée-Samarie, y sont peut-être pour quelque chose. Mais la personnalité de Charles Enderlin, haï par certains, admiré par d’autres, a sans doute contribué à attiser les flammes du débat. IsraPresse l’a rencontré.IsraPresse : Votre documentaire, Au nom du Temple, va être diffusé mardi soir sur France 2 mais il est déjà disponible en avant-première sur le site de Télérama. Dans ce documentaire, vous dressez en quelque sorte le portrait du sionisme-religieux, une tendance méconnue du grand public français mais qui, à en croire votre film, a eu une influence des plus majeures sur l’Histoire de l’Etat d’Israël. Qu’avez-vous cherché à prouver à travers ce documentaire ?Charles Enderlin : J’essaye toujours de montrer les choses telles qu’elles sont en donnant la parole au plus de personnes possible. En l’occurrence, le rabbin Yéhouda Glick, que j’ai suivi durant de longues heures, que ce soit dans son institut talmudique, à Otniel, au sud de Hébron, mais aussi sur le Mont du Temple et dans l’institut du Temple. Ou encore des rabbins comme Dov Lior, ou Israël Ariel, avec qui nous sommes montés sur le Mont du Temple. Ou enfin des journalistes comme Ouri Elitsour, malheureusement décédé depuis ou Dany Dayan, ancien président du conseil des localités juives de Judée-Samarie. Je leur ai donné la parole et écouté ce qu’ils avaient à dire. Il s’agissait également de donner la position de la gauche, et pour ce faire, j’ai interrogé le Pr Zeev Sternhell, Menahem Klein, ancien membre de l’équipe de négociations d’Ehoud Barak, ou encore le Pr. Matti Steinberg, ancien analyste du Shin-Bet. Il ne s’agissait pas de parler uniquement du Mont du Temple mais de toute l’histoire du sionisme-religieux, expliquer aux téléspectateurs français son impact sur l’histoire d’Israël.
I : En visionnant votre documentaire, on sent beaucoup de pessimisme, dans le sens où on a l’impression que vous dites « Il n’y aura pas d’Etat palestinien, c’est terminé » ce qui, de votre point de vue, est regrettable...Ch. E : Je pense que c’est ce que dit Dany Dayan d’une manière très claire, ou encore la journaliste Emily Amroussi…
I : Mais qu’est-ce que vous dites, vous, Charles Enderlin ?Ch. E : Je dis que 400 000 Juifs habitent la Cisjordanie, et que personne n’en évacuera 10%, ni même 5%, d’autant qu’il ne s’agit pas là du même scénario qu’à Gaza, où vivaient seulement 8 000 Juifs dans une terre bien moins chargée du point de vue biblique, historique et religieuse que la Judée-Samarie.
I : Avez-vous rencontré des difficultés à interviewer ces dirigeants de Judée-Samarie ?Ch. E : Aucune ! Tout le monde sait qui je suis, quels livre j’ai écrit, quel message je diffuse, mais j’ai été accueilli avec sympathie, les bras ouverts et dans le respect mutuel. Personne n’a refusé de me recevoir. Je rappelle que j’habite en Israël depuis décembre 1968, que j’ai la double-nationalité et que j’ai rempli et que je continue à remplir tous mes devoirs de citoyen israélien.
I : Est-ce que le fait d’avoir rencontré ces personnes vous a aidé à comprendre leur idéologie ?Ch. E : Je suis ce dossier depuis 35 ans. Une partie des images que l’on peut voir sur le film sur le début de la colonisation sont issues de mes archives. J’ai filmé ces événements au fil des années, ce sont des reportages que j’ai fait au fil des ans.
I : Avez-vous appris quelque chose durant la préparation de documentaire ? Avez-vous été surpris ?Ch. E : Pas vraiment, si ce n’est par l’ampleur qu’a pris ce mouvement. Le sacrifice de l’agneau pascal que j’ai filmé, en 2013, a été organisé à la dernière minute, en pleine visite de Barak Obama en Israël. L’année suivante, ils étaient 4000 personnes à y participer. On peut dire aussi que j’ai été surpris par la centralité du Mont du Temple pour des personnes séculières, pour qui ce lieu ne voulait rien dire il y a encore quelques années.
Charles Enderlin et Yeouda Glick lors du tournage
I : Tout au long du film, vous évoquez l’aspect religieux du conflit israélo-palestinien et pourtant, in fine, les solutions préconisées sont des retraits territoriaux. N’est-ce pas contradictoire ?Ch. E : Tout le monde parle de solutions territoriales. Barak Obama et même Binyamin Netanyahou… Mais on ne peut ignorer ceux – et ils sont nombreux – qui affirment qu’il s’agit là d’un conflit religieux. A partir du moment où aujourd’hui, il y a tellement d »’Itna’hlouyot » (Charles Enderlin utilise le mot hébreu pour implantations NDLR) et que 400 000 Juifs habitent en Cisjordanie, la solution territoriale s’est considérablement éloignée. Une autre solution existe-t-elle ? Je ne sais pas. Un Etat bi-national, ça ne marche pas au Proche-Orient. Ca ne marche pas au Liban, ça ne marche pas au Yémen, ça ne marche pas en Syrie, ni même en Europe. De ce fait, j’ai l’impression que le région se dirige vers une crise majeure à ce propos.
I : Parlons un peu de ceux qui vous accusent de parti-prix dans votre couverture du conflit et qui ont fustigé votre documentaire, dès sa diffusion. Que voulez-vous leur dire ?Ch. E : Je voudrais dire que je trouve scandaleux que des sites accusent ce film d’être »anti-juif » alors que c’est la première fois que des sionistes-religieux ont la possibilité de s’exprimer sur un média européen. C’est une attitude anti-sioniste religieuse que de lancer ces accusations sans fondement. Ceci étant dit, je voudrais souligner que je suis laïc, je suis franco-israélien, fier de l’être, je fais mon travail de journaliste en utilisant les termes utilisés par la communauté internationale et l’ONU et je suis bien obligé de le faire. Aucun média européen ou national n’acceptera que l’on parle de la Judée-Samarie en disant que c’est un territoire libéré ou disputé. Il y a des résolutions de l’ONU très claires à ce propos et je suis bien obligé d’utiliser ce langage. Je fais mon travail. Que cela ne plaise pas à certains, des deux côtés d’ailleurs, c’est pour moi un compliment.
I : Des deux côtés ? On s’en prend à vous aussi côté palestinien ?Ch. E : Evidemment. On me traite d’israélien, j’ai été attaqué, mais je dois avouer que les attaques sont beaucoup plus violentes du côté juif francophone… D’ailleurs, je dois dire qu’en général, ceux qui me critiquent ne connaissent pas la situation, parlent à peine l’hébreu, sont uniquement branchés sur Internet, ne regardent que les médias français, n’ont pas fait l’armée et ne connaissent rien de Tsahal, et ont une vision imaginaire du pays et de la situation. Si Ouri Elitsour, que je respecte beaucoup, me dit devant la caméra qu’il est pour un Etat bi-national, qui accorderait tous les droits aux Palestiniens qui deviendraient des citoyens israéliens, et ajoute qu’il tient en cela exactement le même langage que l’extrême-gauche israélienne. Ces phrases, je n’ai pas eu la place pour les mettre dans le film. Que va-t-on dire à la mémoire d’Ouri Elitsour (il est décédé en mai 2014), lui qui a fait partie des premiers habitants de Judée-Samarie, rédacteur en chef de Nekouda, la revue de Goush Emounim ? Dira-t-on de lui que c’était un salaud ? Un anti-Juif ?
I : Un dernier mot sur le résultats des élections. Ne s’agissait-il pas d’un référendum pour ou contre un Etat palestinien, au bout du compte ? Binyamin Netanyahou a clairement laissé entendre qu’un tel Etat ne verra pas le jour sous son mandat…Ch. E : Je pense que Bibi (Binyamin Netanyahou NDLR) ne croit pas en un futur Etat palestinien et n’y a jamais cru. Il a fait son discours de Bar Ilan en 2009, où il évoquait la solution de deux Etats pour deux peuples, uniquement pour répondre à Barak Obama, mais en émettant des conditions qu’il savait inacceptables pour les Palestiniens. Il dit avec brio et grand talent ce que la communauté internationale veut entendre, c’est-à-dire qu’il est pour un Etat palestinien, les négociations et la paix… Mais M. Netanyahou est pour une autonomie élargie pour les Palestiniens et c’est tout. Les Israéliens qui ont accordé ces trente sièges au Likoud sont tout simplement pour la politique de Binyamin Netanyahou. C’est le bloc de droite qui a gagné parce que telle était la volonté des Israéliens…Propos recueillis par Laly Derai« INFRAROUGE : Au nom du Temple », ce soir 31 mars à 23H35, France 2http://www.israpresse.net/charles-enderlin-il-ny-aura-pas-detat-palestinien/
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Charles Enderlin, correspondant de France 2 en Israël, livre un documentaire nécessaire pour comprendre ce qui s'y passe aujourd'hui. A découvrir en avant-première sur Télérama.fr, avant sa diffusion sur France 2.Vincent RemyPublié le 28/03/2015Reconstruire le temple Place des Mosquées. ZADIG PRODUCTIONS/FTV
Deux ans déjà que Charles Enderlin, chef du bureau de France 2 à Jérusalem, a écrit un livre magistral,
Au nom du temple, dans lequel il analysait l'
« irrésistible ascension du messianisme juif », qui a engendré la colonisation de la Judée et Samarie biblique. De ce livre, il a tiré un documentaire que la chaîne programme le 31 mars 2015 à 23h40 et que nous diffusons ici an avant-première jusqu'au 31 mars à 10h00. Une formidable occasion de comprendre, dix jours après les élections israéliennes, les raisons de la quatrième victoire de
Benyamin Netanyahou.En une heure trente d’archives et de témoignages recueillis auprès des artisans du « Grand Israël », Charles Enderlin qui ne s'écarte jamais de son rôle d'observateur sans concession de la société israélienne, raconte quatre décennies d’une dérive nationaliste et religieuse. Il commence par rappeler qu'en 1967, le général Moshe Dayan, héros de la guerre des Six-Jours, avait senti le danger : pas plus qu'il n'était pour lui imaginable de coloniser la Cisjordanie, il n'était question de s’installer sur l’Esplanade des mosquées, où les musulmans prient depuis mille trois cent ans : les juifs devrait se contenter du Mur des lamentations. Mais une vision messianique du sionisme a pris corps à Jérusalem, propagée par le grand rabbin HaCohen Kook et son fils Yéhuda, dont les élèves vont créer le Gush Emunim (Le Bloc de la foi), fer de lance de la colonisation en Cisjordanie (Judée-Samarie de la Bible).Le succès des colons religieux n’aurait pas été possible, montre Enderlin, sans le soutien des leaders successifs de la droite nationaliste, Menahem Begin,
Ariel Sharon, puis
Benyamin Netanyahou. Aux crimes des premiers (massacre à Hébron, meurtre de Yitzhak Rabin…) répondent les provocations des seconds (Sharon sur l’Esplanade des mosquées, Netanyahou et l’affaire du tunnel), le tout favorisant la montée du Hamas et du terrorisme palestinien.L’historien Zeev Sternhell parle d’un
« cancer que nous avons refusé de voir ». Aujourd’hui, comme le dit un responsable triomphant des « implantations »,
« la solution à deux Etats n’existe plus ». Reste à finir le travail : reconstruire le temple, donc détruire les mosquées. Des illuminés ont déjà les plans, ainsi qu’un musée des ustensiles du temple, et ils cherchent une vache rousse dont les cendres purifieront les prêtres. Ils sont certes minoritaires. Mais un sondage révèle que 51 % de la population israélienne croit que le Messie viendra. La politique parviendra-t-elle à reprendre le pas sur le religieux ? Charles Enderlin aimerait encore vouloir le croire.
Un ministre “feuille de vigne”
Où en est Benyamin Netanyahou dans la formation de son gouvernement ?Les discussions viennent à peine de commencer. Untel veut ceci, l'autre cela. Traditionnellement, en Israël, il faut toujours compter plusieurs semaines pour la formation d'une coalition. Les commentateurs disent que Nétanyahou va chercher un ministre « feuille de vigne ». Il sait en effet que son gouvernement, qui sera composé de députés de droite, d'extrême droite, et de religieux orthodoxes, sera assez mal vu à l'étranger. Donc il a besoin de quelqu'un qui puisse parler aux Américains et aux Européens, et qui ne
vienne pas d'une droite nationaliste ou du sionisme religieux, tous deux annexionnistes. Pour l'instant, il n'a pas trouvé. Durant son avant-dernier mandat, en 2009, il avait fait entrer au gouvernement le travailliste
Ehud Barak qui avait d'ailleurs ensuite quitté le parti travailliste. Et lors de son dernier mandat, il avait fait entrer Tzipi Livni, modérée, qui avait lancé des négociations avec les Palestiniens.
Sa coalition sera-t-elle forcément tournée vers l'extrême droite et les religieux ?Non, bien qu'il ne soit pour l'instant pas question d'une alliance avec le centre gauche de l'Union sioniste, cela reste une éventualité, s'il n'arrive pas à trouver une alliance sur sa droite au bout de plusieurs semaines. Naftali Bennet, de la Maison juive, le parti des colons, veut un grand ministère, comme celui des Affaires étrangères ou de l'Education. Mais la perspective de Naftali Bennet à la tête d'un ministère de l'Education constituerait un choc pour la gauche israélienne, sachant que le précédent ministre de l'Education, du Likoud, organisait tout de même des excursions dans les colonies, notamment à Hébron…
Dans Au nom du temple, vous montrez l'irrésistible ascension des religieux messianiques et de la droite nationaliste. Pourtant, dans sa victoire inattendue du 17 mars, Benyamin Netanyahou semble bien avoir mordu sur les partis d'extrême droite, la Maison juive de Naftali Bennett et Israël notre maison de Avigdor Liberman ?Effectivement, mais c'est par crainte de l'arrivée au pouvoir de la gauche que des électeurs de ces deux partis, et peut-être des religieux orthodoxes du Shass ou de Yahadut Hatorah, ont choisi le Likoud. Cela s'est peut-être même joué dans les toutes dernières heures. Il faut rappeler que dans la journée du scrutin, Netanyahou avait lancé un message sur le Web : attention, les Arabes votent en masse, la gauche les amène par autobus, la droite est en danger. On vient d'avoir droit, non pas aux excuses de Netanyahou, mais à ses « regrets ». Il a réuni quelques Arabes israéliens, des musulmans, des druzes et des chrétiens, pour leur dire que si quelqu'un avait été offensé, il le regrettait…
Des passerelles…
Y a-t-il aujourd'hui de vraies passerelles entre le Likoud de Netanyahou et les partis d'extrême droite ?Oui, sur l'Etat palestinien, ils sont, à peu de chose près, sur la même ligne. Avigdor Liberman (Israël notre maison) veut bien d'un Etat palestinien mais essentiellement pour se débarrasser de la population arabe israélienne car il veut
« deux Etats ethniquement homogènes ». Naftali Bennett (la Maison juive) veut purement et simplement une annexion immédiate de 60 % de la Cisjordanie. De son côté, le Likoud est maintenant officiellement contre la création d'un Etat palestinien. Netanyahou l'a promis, avec lui, il n'y aura pas de
Palestine. Donc, ce sont plus que des passerelles…
Depuis quand ? Depuis le meurtre de Yitzhak Rabin en 1995 ?Avant même les accords d'Oslo en 1993, et une nouvelle fois après les accords, Benyamin Netanyahou avait écrit qu'il s'opposait à la création d'un Etat palestinien. Une seule fois, en 2009, après le fameux discours au Caire de Barack Obama, il a prononcé les mots
« Etat palestinien » mais en y ajoutant des conditions inacceptables. Il y a donc une constante dans les positions de Netanyahou. La communauté internationale, qui croit encore à la possibilité de négocier une avancée vers un processus de paix, devrait revoir ses analyses.
Qu'entendez-vous par là ?Cela veut dire qu'avec 400 000 colons en Cisjordanie, processus que je décris dans
Au nom du temple, il est pratiquement impossible de créer un Etat palestinien indépendant et viable en Cisjordanie avec Jérusalem-Est comme capitale. Sans compter que le conflit autour de ce qui est pour le judaïsme le Mont du temple, et pour les musulmans l'Esplanade des Mosquées et le troisième lieu saint de l'islam, n'a jamais été l'objet d'un début de négociation sérieuse. Les accords de Camp David ont échoué en juillet 2000 essentiellement pour cette raison. Un accord paraît donc plus que jamais impossible aujourd'hui.
D'autant que si l'on ajoute au Likoud toutes les formations nationalistes et religieuses, la droite est aujourd'hui largement majoritaire. On est loin de l'Israël des origines…On ne peut pas additionner tous ces partis, parce que les religieux n'ont pas tous les mêmes positions sur le conflit israélo-palestinien. Mais c'est vrai que la droite est majoritaire depuis l'assassinat de Yitzhak Rabin. Et si on exclut l'épisode Ehud Barak en 1999, elle est au pouvoir depuis près de vingt ans. En quatre mandats, Benyamin Netanyahou est le dirigeant israélien qui a le plus transformé le pays et sa région depuis Ben Gourion.
Trois victoires électorales d’affilée
Mais ce n'est pas seulement dû à son génie politique. Le pays a changé, non ?Bien sûr, trois victoires électorales d'affilée le montrent bien, Netanyahou est parfaitement synchrone avec l'évolution sociologique du pays. Il a son électorat, auquel il fait peur. Cet électorat est né d'un certain communautarisme parmi les populations séfarades du pays qui, traditionnellement depuis
Menahem Begin en 1977, votent Likoud. Et il a été renforcé par les Russes et tous les récents arrivés. J'ai assisté à plusieurs discussions entre Israéliens de vieille souche – qui, quelle que soit leur origine, voulaient l'alternance –, et les nouveaux venus plutôt nationalistes, tous favorables au Likoud ou d'autres formations de droite ou religieuses.
Comment la gauche pourrait-elle alors un jour revenir au pouvoir, condition impérative pour une solution à deux Etats ?Difficile, parce que le discours de Netanyahou, totalement sécuritaire, est fondé sur la peur. Il veut faire peur et il a réussi en déclarant que la politique de la gauche et du centre amènerait les islamistes aux portes de Jérusalem. C'est incroyable parce que deux cents anciens généraux, ex-patrons de Mossad ou du Shin Beth, ont déclaré que celui qui portait atteinte à la sécurité du pays, c'était Benyamin Netanyahou. Meir Dagan, qui fut pendant huit ans le patron du Mossad, a déclaré lors de la manifestation du 7 mars à Tel Aviv : «
Israël a des ennemis, je ne les crains pas. Mais la direction actuelle du pays me fait peur. »
Dans une Knesset de plus en plus divisée, le phénomène étonnant, n'est-ce pas cette liste unie des Arabes israéliens menée par Ayman Odeh ?Je ne crois pas. Il n'est pas du tout certain que cette liste commune reste soudée très longtemps. Le parti communiste judéo-arabe Kadash n'a pas grand-chose à voir avec les islamistes. Cette union n'apporte pas davantage de députés arabes à la Knesset, ou très peu, et cela ne change pas grand-chose.
“Etat nation du peuple juif”
C'est finalement la continuité qui prédomine ?Benyamin Netanyahou a réussi son pari, il reste au pouvoir, il va former sa coalition de droite dure, pouvoir mettre en chantier son grand projet, faire voter une loi déclarant Israël «
Etat nation du peuple juif », avec tout ce que cela représente pour la démocratie israélienne : seuls les juifs auront des droits nationaux dans l'Israël qu'il envisage, les minorités n'auront qu'à des droits individuels. Et vu ses déclarations sur le fait qu'il n'y aura pas d'Etat palestinien,
Mahmoud Abbas a de quoi s'inquiéter.
La question d’un Etat palestinien n’est plus du tout d’actualité ?C'est fini ! Tout le monde sait en Israël que le processus de paix est mort. A Ramallah, lorsque je rencontre des dirigeants palestiniens, je leur demande : croyez-vous que vous aurez un Etat, avec 400 000 colons ? Croyez-vous que les juifs vont vous donner la souveraineté sur les quartiers arabes de Jérusalem-Est, sur l'Esplanade des mosquées, qui est le troisième lieu de l'Islam, mais le seul lieu saint juif ? Et ils me répondent : «
Nous savons très bien qu'on n'aura pas d'Etat, la Cisjordanie est devenue une peau de panthère, et il n'est plus possible de créer un Etat qui ait une continuité territoriale. » Mahmoud Abbas aussi en a parfaitement conscience. Il pense à l’héritage politique qu’il va laisser à son peuple. Quelques résolutions de l’ONU, la reconnaissance de la Palestine par le plus de pays possibles.
Pourquoi maintient-on alors la fiction de deux Etats possibles ?Je n'arrive pas à imaginer que les analystes des chancelleries, en Europe et même aux Etats-Unis, ne soient pas conscients qu'on n'évacuera pas 400 000 colons, et pas même 10 000. L'idée de deux Etats est morte. Dans mon film, Ouri Ariel, ministre du Logement dans le précédent gouvernement Netanyahou, un colon qui pousse à la colonisation partout où c'est possible, me dit qu'il ne peut y avoir qu'une seule souveraineté entre le Jourdain et la Méditerranée, celle d'Israël, et si « les Arabes », sous-entendu les Palestiniens, veulent davantage de droits politiques, on leur donnera le droit de vote pour la Knesset. «
Nous pouvons faire face à trente députés arabes supplémentaires au parlement. En 3000 ans d’existence, le peuple juif a surmonté des crises bien plus graves », dit-il. C'est leur vision. Le sionisme religieux ne renoncera pas à la terre d'Israël, à Jérusalem et au Mont du temple. Les diplomates européens en sont conscients, ceux que je rencontre me disent qu'en continuant de financer l'Autorité palestinienne, l'Europe ne fait que maintenir l'occupation.
Une lente descente en enfer
Alors que faire ?Je ne sais pas. Puisqu'un Etat palestinien n'est plus possible, il faut chercher d'autres solutions. Mais c'est problématique avec un conflit religieux. 80 % des Israéliens croient aujourd'hui en Dieu, 51 % croient en la venue du Messie. La gauche séculière ne représente plus que 17 % de la population juive. Et vous avez aussi côté palestinien des virages vers la religion, l’islamisme alors que dans la région Daesh s’implante. On va vers une lente descente en enfer. Régulièrement, on a l’impression que le fond a été atteint… puis, il y en a encore un !
Vous ne croyez pas à un Etat d’Israël plus démocratique et plus égalitaire pour tous, un Etat qui se doterait d’une Constitution ?Un Etat binational sous une forme ou une autre ? Dans tous les cas, ça voudrait dire la fin du sionisme libéral prôné par Theodore Herzl et par la gauche sioniste des débuts. Mais on n'y est pas. Le président Reuven Rivlin est un personnage intéressant : il est du Likoud, en faveur de l'annexion des territoires palestiniens, mais il souhaite donner aux Palestiniens tous les droits, politiques et civiques. Quand il était président de la Knesset il était de ceux qui défendaient les députés arabes israéliens face aux attaques de la droite et de l'extrême-droite. Le problème, c'est que l'Etat binational, ça ne marche pas vraiment au Liban, ça n'a pas marché en Yougoslavie, et ça ne marche même pas… en Belgique.
http://television.telerama.fr/television/regardez-au-nom-du-temple-en-exclusivite-sur-telerama-fr,124664.php