Pourquoi le Sud-Ouest reste un bastion de la gauche

Publié le 31 mars 2015 par Blanchemanche
#SudOuest

©EDA/OpenStreetMapcontributors
La carte des résultats des départementales montre que ce territoire n'a, à l'exception d'un département, pas changé de couleur entre 2011 et dimanche soir. Zone rebelle ? Absence de crise ? Panorama des explications.
Toute la France est submergée par la vague bleue. Toute? Non! Car une région peuplée d'irréductibles résiste à la droite. Dans le Sud-Ouest, la gauche affiche sa bonne santé, à l'inverse du reste du pays. La Haute-Garonne, par exemple, est le département le plus à gauche de France avec 24 cantons sur 27. Quelles sont les raisons de cet ancrage électoral?• Une terre historiquement roseCertains départements n'ont jamais été à droite sous la Ve République, comme l'Ariège, la Haute-Garonne, les Landes, le Tarn-et-Garonne ou les Hautes-Pyrénées, à gauche depuis la Libération. «Traditionnellement lors des périodes de fort repli de la gauche au niveau national, le quart Sud-Ouest se révèle un bastion tenace», observe Bruno Jeanbart, directeur général adjoint d'Opinion Way.Comme le note le sondeur, «le département des Pyrénées-Atlantiques, qui a basculé à droite dimanche soir, constitue une exception de par la présence et l'influence forte du catholicisme». En effet, culturellement et historiquement, le Sud-Ouest est une terre plutôt laïque et de gauche.Le Sud-Ouest a toujours été un territoire frondeur vis-à-vis de Paris, volontiers décentralisateur. Gascons, Cathares et protestants se sont succédé en rébellion contre l'Eglise et l'État, ce qui pourrait expliquer un certain ADN «révolutionnaire» de gauche de la région.«La gauche politique est très fortement ancrée localement et ce depuis la IIIe République. Ce n'est pas un hasard s'il s'agit d'un des seuls territoires où le Parti Radical, parti datant de la IIIe République, est encore vivant», note Bruno Jeanbart.• L'ancrage local du Parti radical de gauche (PRG)Le score très élévé de la gauche lors de ces départementales s'explique aussi par des raisons plus conjoncturelles. Une gauche non socialiste très ancrée localement, comme le PRG, n'a pas eu à subir le vote anti-majorité. Il s'agit moins d'une résistance idéologique que d'une capacité à jouer sur les enjeux locaux plus que nationaux, comme le montre le score de Jean-Michel Baylet (PRG) dès le premier tour (50,72% des voix) dans son canton du Tarn-et-Garonne.«Le Front national a historiquement du mal à percer dans cette région, mais une des surprises du premier tour fut sa progression forte dans certains départements (Lot-et-Garonne, Tarn-et-Garonne, Lot, notamment). Dans ce territoire, où le rapport gauche/droite est tellement déséquilibré, le score du FN a davantage profité à la gauche (droite affaiblie ou éliminée)», explique le sondeur.• Un territoire économiquement préservéLa non-percée du FN et le faible désaveu de la gauche au pouvoir pourraient également s'expliquer par des raisons économiques. En effet, le marché local de l'emploi est moins tendu qu'ailleurs. L'industrie y a été plus préservée qu'ailleurs de la délocalisation, et peut être parfois florissante, comme aux alentours de Toulouse (Airbus, aéronautique). Cela est moins vrai dans le monde agricole, qui a subi dans les années 1980 la concurrence de l'Espagne et du Portugal introduite par l'Union européenne.Le poids important de la fonction publique en fait également une zone plus protégée. Le Sud-Ouest est une des régions qui emploie le plus de fonctionnaires, comme le relevait une carte établie par L'Express en janvier 2014.• Une sociologie particulièreComme l'ont montré Hervé Le Bras et Emmanuel Todd dans leur livre L'Invention de la France(Gallimard, 1981), la famille de type communautaire et égalitaire (où les frères et soeurs sont égaux, contrairement à la famille autoritaire et son système d'héritage), correspond à un des points de force de la gauche. Or ce type de famille prévaut dans le Sud-ouest, contrairement à d'autres territoires comme le Nord où c'est la famille de type autoritaire qui domine, et qui sont donc historiquement plus marqués à droite.L'immigration reste forte dans le Sud-Ouest, beaucoup plus que dans le Nord-Ouest par exemple. Pourtant il résiste davantage à la poussée du FN. «Il n'existe pas forcément de corrélation entre le taux d'immigrés et le vote FN, il y a même parfois même dé-corrélation», rappelle Bruno Jeanbart. «Le peuple du Sud-Ouest n'a pas le même rapport aux questions identitaires que le Sud-Est, qui était historiquement à gauche avant l'arrivée des Pieds Noirs dans les années 1960. Le rapport à l'immigration est très différent dans le Sud-Ouest par rapport à la région PACA, avec des écarts qui vont jusqu'à dix points dans les enquêtes d'opinion sur les questions migratoires» observe le sondeur. Autrement dit, le drame de la guerre d'Algérie, qui reste très vivace dans les mémoires du Sud-Est de la France, est moins présent dans le Sud-Ouest, ce qui expliquerait un rapport moins dramatique à la question migratoire et identitaire.
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